vendredi 23 août 2019 - Messe en l’honneur de Ste Bernadette — Diocèse de Tulle

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vendredi 23 août 2019 - Messe en l’honneur de Ste Bernadette

Pèlerinage à Lourdes - Messe à la Grotte

        

 

         Frères et sœurs, nous sommes ici devant la Grotte et nous pensons à la petite Bernadette qui était à cette même place, il y a 161 ans, lorsque la Ste Vierge lui apparut. Elle avait 14 ans. Elle était pauvre, très pauvre car sa famille était dans la misère ; elle était malade et chétive ; elle était sans instruction, ne sachant ni lire ni écrire ; elle n’avait pas encore fait sa première communion.

         « Ce qu’il y a de faible dans le monde, ce qui est modeste, méprisé dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi » : combien ces paroles de saint Paul aux chrétiens de Corinthe s’appliquent à cette jeune fille venue ramasser quelques bois morts, ici au bord du Gave, et pour qui le Ciel s’ouvre soudain et que la mère de Dieu vient visiter pour lui confier une mission !

         Qui aimerait être pauvre ? Qui aimerait être malade ? Qui aimerait être sans instruction ? Assurément, personne ! La pauvreté, la maladie, l’ignorance ne sont pas des situations enviables. Et combien d’autres formes de pauvretés dans nos sociétés ! Et n’allons pas croire que c’est ce que Dieu souhaite pour ses enfants. Dieu n’aime pas la pauvreté, il n’aime pas la maladie, il n’aime pas l’ignorance, mais en revanche, les pauvres, les malades, les ignorants sont ses bien-aimés, j’ose même dire ses préférés. Jésus n’a pas dit : « bienheureuse soit la pauvreté » ; il a dit : « bienheureux, vous les pauvres, car le Royaume des cieux est à vous ». Jésus n’a pas fait de théorie sur la pauvreté, mais il est né dans une crèche et il est mort sur une croix ; il n’a pas fait des discours sur la maladie, mais il s’est montré compatissant envers les malades et les infirmes et les a guéris ; il n’a pas écrit de traité sur le péché et sur le salut, mais il est venu s’asseoir à la table des pécheurs, il leur a prodigué la miséricorde divine et il a donné sa vie pour sauver l’Homme du péché, du mal et de la mort éternelle.

         Frères et sœurs, continuons de regarder Bernadette, elle à qui la Ste Vierge parlait comme à une grande personne, elle que Notre Dame vouvoyait, elle à qui elle s’adressait avec un infini respect : « voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours ? » ; autant de manières de faire de la part de la Mère de Dieu qui nous révèlent l’immense dignité de toute personne humaine, quelle que soit sa condition sociale, quel que soit son âge, quelle que soit sa santé, quelles que soient ses misères. A travers l’immense délicatesse de la Ste Vierge envers elle, Bernadette nous donne à voir le regard que Dieu pose sur l’humanité, sur chacun d’entre nous. Nous-mêmes et nos contemporains ont tant besoin de découvrir ce regard miséricordieux, surtout ceux et celles qui sont profondément blessés par la vie, qui sont tentés par le découragement et même le désespoir, ceux pour qui le ciel semble fermé à cause de la pauvreté spirituelle dans laquelle ils se trouvent et parce qu’ils n’ont personne pour leur donner le témoignage de l’amour.

         Il nous faut aussi regarder Bernadette, après les apparitions, elle qui va consacrer sa vie à Dieu, en devenant religieuse dans la Congrégation des Sœurs de la charité de Nevers. Plusieurs congrégations religieuses cherchaient à attirer chez elles la jeune Bernadette ; pensez-donc, celle qui avait vu la sainte Vierge ! Mais ce n’est vers aucune de ces congrégations qu’elle est allée. Elle a découvert sa vocation en s’occupant d’une personne malade à l’hospice des sœurs de Nevers, ici, à Lourdes. Les Sœurs lui avaient confié cette responsabilité. Elle a compris que sa vocation était de consacrer sa vie au Seigneur en servant les malades. Le soir du 7 juillet 1866, avec la supérieure de Lourdes et deux autres jeunes filles, Bernadette Soubirous franchit le seuil de la Maison-Mère des sœurs de la charité, à Nevers. Le 30 octobre 1867, avec 44 novices, elle fait son premier engagement dans la vie religieuse. Au cours de ses 13 années à Nevers, Bernadette sera successivement aide-infirmière, responsable de l’infirmerie, sacristine et le plus souvent malade elle-même. Elle meurt à l’âge de 35 ans, minée par la tuberculose. Une vie toute simple, toute ordinaire qui nous révèle le secret de Bernadette : « Je ne vivrai pas un instant que je ne le passe en aimant ». Ce fut le secret de sa joie, même si elle eut à souffrir à cause de sa maladie et du peu d’égard de certaines de ses sœurs.

         La sainte Vierge lui avait dit : « je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ». Cette parole pourrait être mal interprétée, comme si l’ici-bas de notre condition humaine ne pouvait être que malheureux. La Ste Vierge ne fait pas une théorie sur la condition humaine ; elle parle à Bernadette de l’espérance de la vie éternelle, du bonheur du ciel. Sa parole rejoint celle des béatitudes : « heureux, vous les pauvres, car le Royaume des cieux est à vous ». Elle rejoint la parole de Jésus à ses disciples que nous avons entendu dans l’évangile d’aujourd’hui : « Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera ». Bernadette n’a sans doute pas été heureuse selon les critères du bonheur mondain ; mais elle a été heureuse selon l’esprit des béatitudes. Certaines vicissitudes de la condition humaine ne lui ont pas été épargnées, mais en suivant le Christ pauvre, un chemin de service humble et joyeux s’est ouvert pour elle, un chemin de sainteté en vue du Royaume des cieux. En servant ses sœurs malades, elle a servi le Christ, devenant comme lui le grain de blé tombé en terre qui porte beaucoup de fruit.

         En quittant Lourdes, en rentrant chez nous, puissions-nous, à l’exemple de sainte Bernadette et par son intercession, laisser résonner en nos cœurs les paroles du psalmiste : « Garde-moi, mon Dieu ; j’ai fait de toi mon refuge ! J’ai dit au Seigneur : ‘tu es mon Dieu, je n’ai pas d’autre bonheur que toi’ ». Et encore les paroles de l’apôtre saint Paul : « c’est grâce à Dieu que vous êtes dans le Christ Jésus, lui qui est devenu pour nous sagesse venant de Dieu, justice, sanctification, rédemption ». Repartons chez nous dans l’espérance, celle que Jésus met lui-même en nos âmes lorsqu’il nous parle du Royaume des cieux. Repartons en pensant au regard que Notre-Dame posait sur Bernadette, reflet du regard aimant de Dieu sur chacun de nous. Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle

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