18 avril 2019 - Jeudi saint — Diocèse de Tulle

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18 avril 2019 - Jeudi saint

Messe en mémoire de la Cène - Cathédrale de Tulle

         Frères et sœurs, nous venons d’entendre le récit du lavement des pieds. C’était, dans la tradition de cette époque, un geste d’hospitalité avant que le repas ne commence. Ce geste était posé par un esclave de la maison à l’égard d’un hôte du Maître de maison.

         Et, voilà que la veille de sa passion, Jésus pose lui-même ce geste de l’esclave. Lui, le Maître et Seigneur, se fait le serviteur : il manifeste ainsi qu’il est au service de ses disciples. Lui, le Fils de Dieu, en accomplissant ce geste, révèle que Dieu s’est mis au service de l’homme. C’est le mouvement dont parle saint Paul dans son Epître aux Philippiens : « lui, de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu ; mais il s’est anéanti, prenant la condition d’esclave » (Ph 2, 6-7).

         Par ce geste du lavement des pieds, Jésus annonce tout le mystère pascal dans lequel il entre radicalement ce soir-là, au cours de son dernier repas, dans une liberté totale et souveraine. « Il s’est abaissé ». Il aurait pu laver les mains de ses apôtres, en se tenant debout devant eux. Mais non, ce n’est pas ce geste qu’il a choisi. Il s’est mis à genoux pour leur laver les pieds.

         En faisant ce geste de service, Jésus veut associer ses disciples au mystère de sa propre vie, au mystère de son propre don : « Si moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». Et nous comprenons bien, que ce n’est pas avant tout le geste matériel, mais ce qu’il signifie ! Le service fraternel, à l’exemple du maître, doit devenir la loi de leur communauté : « je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres. A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres ».

         Ce soir, dans beaucoup d’églises, on refait ce geste dans la liturgie. En ce soir du jeudi saint où l’on célèbre l’institution du sacrement de l’eucharistie et l’institution du sacrement de l’Ordre, l’Eglise a voulu garder et perpétuer ce signe du lavement des pieds. C’est un exemple que Jésus donne à ses disciples pour qu’ils agissent comme lui et non pas selon l’esprit du monde ; nous nous rappelons d’autres paroles de Jésus aux Douze : « vous le savez : les chefs des païens leur commandent en maîtres ; les grands font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous » (Mc 10, 42-43).

         Aux paroles de Jésus « faites ceci en mémoire de moi » par lesquelles il a institué le sacrement de l’eucharistie, correspondent ces autres paroles prononcées le même soir : « Je vous ai lavé les pieds ; c’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous ». Communier au Christ, c’est écouter sa Parole, c’est manger son corps et boire son sang, et, inséparablement, c’est agir selon l’exemple qu’il nous a donné. Il n’y a pas d’eucharistie sans lavement des pieds, c’est-à-dire, il n’y a pas de sacrement de l’autel sans sacrement de la charité. Le sens ultime de ce dernier repas, c’est la communion : communion à la vie de Jésus et communion entre les frères.

         Tout est sous le signe de l’amour : la mémoire cultuelle de la Cène et la mémoire existentielle du lavement des pieds. Les deux n’ont qu’un seul but : vouer notre vie au service de nos frères, devenir eucharistie pour nos frères. Le lavement des pieds nous ouvre au mystère de l’eucharistie, c’est-à-dire au mystère du corps et du sang livré pour notre salut, et l’eucharistie fortifie chez le disciple du Christ l’amour pour ses frères, amour qui ne vient pas de nous, mais qui est un don de Dieu, en Jésus qui donne sa vie. Communier au corps et au sang du Christ sans se mettre au service de ses frères serait une pure illusion.

         Ce soir apparaît en pleine lumière le sens ultime de notre vie : l’offrande de nous-mêmes, en acceptant d’entrer dans l’offrande du Christ. C’est cela la messe, c’est cela la vie fraternelle.

         Ne soyons pas étonnés si une part de notre être résiste à cette offrande. « Tu ne me laveras pas les pieds ; non jamais ! » Cette résistance de Pierre dit aussi notre résistance et celle de la communauté des disciples :

         - résistance à accueillir cette révélation d’un Dieu qui se met à genou devant l’homme ;

         - résistance à se laisser toucher par le Christ incarné, à accepter le don de son humanité ;

         - résistance à accepter l’hospitalité que Jésus nous offre dans son mystère pascal, c’est-à-dire résistance à accueillir notre salut comme un don de Dieu ;

         - résistance à dépendre du Fils comme le Fils dépend en tout du Père, se recevant lui-même comme un don pour les autres.

         Dans ce dernier repas, Jésus fonde la communauté des disciples qui ont part avec lui : cette communauté repose sur le service. Gratuitement. Au service de cette communauté, il institue le sacrement de l’Ordre, le sacerdoce ministériel qui est au service du sacerdoce de tous les baptisés. Il institue l’eucharistie pour que nous ayons part à sa vie, pour la rémission des péchés, pour la vie éternelle. Rendons grâce au Seigneur de nous avoir faits de tels dons, et par dessus tout celui de prolonger parmi nous sa présence dans le saint sacrement de l’autel. Puissions-nous vénérer d’un grand amour le mystère de son corps et de son sang ! Amen.

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