13 septembre 2019 - Messe de rentrée de l’Enseignement catholique — Diocèse de Tulle

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13 septembre 2019 - Messe de rentrée de l’Enseignement catholique

Mémoire de Saint Jean-Chrysostome (Textes du sanctoral) - Collégiale Saint-Martin de Brive

Il y a deux ans, un petit groupe de jeunes du Lycée Bossuet, avec l’un de leurs professeurs, était venu m’interviewer. Je ne me rappelle plus les circonstances exactes, mais je crois que c’était dans le cadre de la préparation d’une soirée débat. Et la conversation avait porté sur l’aspect radical du message évangélique. J’avais cru comprendre que la problématique sous-jacente était celle du fanatisme religieux. Selon l’époque et le contexte historique dans lesquels on se situe, on sait bien qu’il y a des mots ou des expressions qui peuvent s’avérer piégés. C’est le cas aujourd’hui du mot « radical » qui immédiatement fait penser à « radicalisation » ; et je n’ai pas besoin de vous faire un dessein pour expliquer comment le fait de parler de radicalité du message évangélique peut être mal compris et déformé.

En fait, lorsqu’on lit les évangiles, la seule radicalité qu’on y trouve est celle de la charité, de l’amour, de la miséricorde, du pardon, dont l’exemple est Jésus lui-même qui, par pur amour pour l’humanité, va jusqu’à donner sa vie sur la croix.

S’il est question de haine et de fanatisme dans les évangiles, ce n’est pas de Jésus qu’ils viennent, mais de ses ennemis et, finalement, de ses bourreaux qui lui font subir le supplice terrible et infamant de la Croix. Et lorsque la haine, la vengeance, la violence menaceraient de naître dans le cœur des disciples de Jésus, non seulement elles ne risquent pas de trouver un écho dans les paroles ou les attitudes de Jésus, mais elles sont fermement rejetées et condamnées par lui. « Passe derrière moi Satan, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes », dit-il à Pierre qui s’insurge à l’annonce de la Passion.

La prédication de Jésus, dont la page d’évangile d’aujourd’hui, nous donne un exemple – avec les paroles qu’on ne trouve dans aucun livre de Sagesse de l’Antiquité –, illustre ce que je viens de dire : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent ; souhaitez du bien à ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient (…) A celui qui te frappe sur une joue, présente l’autre ». D’aucuns pourraient penser qu’il s’agit là d’une manière de parler hyperbolique, à l’instar des tournures rabbiniques dont use parfois Jésus, ayant pour but de marquer les esprits, mais qu’il faut cependant relativiser en ce qui concerne la possibilité de leur mise en œuvre… Qui, par exemple, voudrait devenir une tête à claque … ?

Et, cependant, à y regarder de près, on devrait plutôt être frappé par le réalisme de ces paroles ! En effet, dire « aimez vos ennemis ! », c’est prendre en compte une donnée qui ne relève en rien de l’hypothèse douteuse : on peut avoir des ennemis, on peut être haï, on peut être calomnié, on peut même être agressé physiquement… Et le réflexe le plus spontané face à cette violence, c’est celui de Pierre au jardin des Oliviers : c’est de dégainer ! Mais nous connaissons la réaction de Jésus : « Pierre, remets ton épée au fourreau ! ».

Les paroles de Jésus ne sont pas de l’ordre de celles des traités de Sagesse ou de morale de l’Antiquité, dans lesquels les philosophes enseignent comment maîtriser les passions. Commentant la page d’Evangile que nous avons écoutée, saint Ambroise de Milan dit ceci : « Tout cela, le Seigneur l’a dit et l’a fait, lui qui, outragé, n’a pas rendu l’outrage ». Tout est dit ! Voilà la clef des évangiles, de l’Evangile, c’est-à-dire de la Bonne nouvelle du Salut. Le cœur du cœur de l’Evangile, c’est la charité, c’est l’Amour ! Non pas la charité comme une théorie, mais la charité en acte, dans la personne même de Jésus, le Verbe de Dieu qui a pris notre nature humaine, la condition humaine, pour l’élever à sa dignité absolue, celle de créature appelée à participer à la divinité. L’Evangile est le seul chemin qui véritablement peut nous introduire dans l’amour divin – cet amour qui est l’essence même de Dieu, comme ne cesse de le rappeler l’évangéliste saint Jean : « Dieu est amour ».

Le but de Jésus et de son Evangile de salut, c’est de nous introduire dans le courant divin de la miséricorde : « vous, soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». Nous pouvons difficilement prétendre imiter Dieu dans sa justice, car il est le seul juge des vivants et des morts. Nous ne pouvons pas l’imiter dans sa Toute-Puissance, cela reviendrait à vouloir devenir des dieux. Le seul moyen d’imiter Dieu, c’est de vouloir aimer comme Lui. C’est en aimant que nous ressemblons le plus à Dieu ! Et, parce que Lui est bon, même pour les ingrats et les méchants – et il peut nous arriver d’être ingrat et méchant ! – alors, nous sommes aussi appelés à aller jusqu’à l’amour des ennemis. « Aimez-vous les uns les autres, COMME je vous ai aimés ! » : c’est ce qu’il commande à ses disciples au moment d’entrer librement dans sa Passion, d’offrir sa vie pour les bons et les méchants.

En cette messe de rentrée de l’Enseignement catholique, la parole de Dieu nous invite à ce qu’il y a de meilleur, de plus grand, de plus beau ici-bas et au Ciel : la charité ! Puisqu’il y a dans cette Assemblée plusieurs membres de l’Ensemble scolaire Edmond Michelet – et en tout premier lieu celui qui en devient le nouveau directeur – je ne peux m’empêcher d’évoquer le Serviteur de Dieu Edmond Michelet qui, souvent, plusieurs fois par jour même, laissait jaillir de son cœur cette parole : « Caritas, caritas, caritas ». En cette année de l’Appel, dont le thème est La joie d’évangéliser, souvenons-nous que la charité est le chemin le plus sûr pour l’évangélisation. Combien de gens autour de nous se convertiraient sans doute à l’Evangile s’ils pouvaient dire, en nous regardant vivre : « Voyez comme ils s’aiment ! ». Devenir une Eglise missionnaire et appelante, c’est toujours et toujours plus devenir une Eglise fraternelle, une Eglise de la charité.

Que l’eucharistie que nous célébrons maintenant – l’eucharistie qui est l’actualisation du mystère pascal de Jésus-Christ, c’est-à-dire l’actualisation de l’amour jusqu’au sacrifice qui nous sauve, nous obtienne un surcroît de grâces pour persévérer sur le chemin de la charité qui nous conduit à la ressemblance divine ! Amen.

 

+ Francis BESTION

Evêque de Tulle

 

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