24 décembre 2019 - Messe de Noël — Diocèse de Tulle

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24 décembre 2019 - Messe de Noël

Cathédrale Notre-Dame de Tulle

Frères et sœurs,

 

Jésus est le visage du Père quand il est ce petit enfant, ce bébé, emmailloté de langes et couché dans une mangeoire. Jésus est aussi le visage du Père quand il meurt comme un esclave sur la croix. Il est le visage humain en lequel nous pouvons contempler un visage inimaginable de Dieu. Ce visage de Dieu, ni les Juifs, et encore moins les Musulmans ou les membres des autres religions, ne peuvent l’accepter. Sous des apparences de fête familière, simple, populaire, et même naïve, Noël est la grande célébration d’un événement « immense », c’est-à-dire qui dépasse toutes les mesures humaines. Nous ne sommes pas suffisamment sensibles à cette immensité. La naissance de Jésus nous paraît aller de soi. Nous en parlons comme d’une chose qui ne pose pas de problème. Nous y sommes trop habitués.

Or, chers amis, la naissance de Jésus, si nous la remettons dans le contexte de la Révélation de l’Ancien et du Nouveau Testament, si nous entendons bien les textes de la Parole de Dieu pour cette fête de Noël, alors, oui, la naissance de Jésus a quelque chose de surprenant et – pourquoi le cacher ? – quelque choser de scandaleux pour la raison humaine, pour la conception rationnelle de Dieu ! « Scandale pour les juifs, folie pour les païens », écrit saint Paul en parlant du Christ crucifié. Mais la croix est le couronnement du scandale et de la folie commencés à la crèche de Bethléem. Le vrai moment de l’Incarnation, c’est même déjà l’Annonciation : Dieu se cache dans le sein d’une femme, Marie. A Bethléem, Dieu devient visible en cet enfant qui n’est pas seulement le vêtement ou l’habitation de Dieu, qui n’est pas Dieu faisant semblant d’être homme, mais qui est Dieu véritable devenu homme véritable sans cesser d’être Dieu véritable. Nous ne pouvons nous approcher de l’immensité de ce que nous célébrons à Noël que si nous avons le sens de Dieu. Et déjà l’Ancien Testament nous révélait un Dieu à l’amour incommensurable. La Parole de Dieu que nous entendons cette nuit met en lumière le contraste entre la grandeur et la petitesse de Celui qui naît à Bethléem. L’évangéliste saint Luc nous révèle que ce nourrisson est le Sauveur, le Christ, le Seigneur ; et ce dernier nom, dans la Bible est réservé à Dieu seul. Sa naissance a une portée universelle dans le temps et dans l’espace. Ce sont les anges qui en sont les messagers, pour des bergers, des gens pauvres, marginaux, sans instruction, mal vus.

Que disent-ils ces messagers ? « Ne craignez pas » ! Ce nouveau-né apporte une nouvelle présence de Dieu, au milieu des hommes. Et cette proximité de Dieu ne doit engendrer la peur. Le nouveau-né vient au contraire pour libérer les hommes de la peur de Dieu. Et, toujours comme Dieu lorsqu’il se rend présent, il apporte une grande joie. Sa venue ne supprime pas miraculeusement le mal qui est en nous et dans le monde. Mais elle nous assure que désormais nous ne sommes pas seuls pour les porter et pour les vaincre. Ce qu’aucune autre religion n’ose enseigner, l’Evangile nous en assure. Dieu nous aime au point qu’il a voulu partager notre condition, non pas de loin, non pas pour faire semblant, mais vraiment, en devenant homme comme nous. Il est Dieu avec nous, dans nos angoisses, nos épreuves, nos souffrances. Comme nous, il a fait l’expérience de la haine, de la violence, de la mort. Mieux que quiconque, il peut nous comprendre.

Par là, il nous a fait prendre conscience de notre immense dignité et de la dignité de tout être humain, du commencement à la fin de sa vie. Avec lui, nous pouvons donner un sens à notre vie, trouver ou retrouver l’espérance que notre vie à une direction, qu’il est possible de regarder vers l’avenir. Les sauveurs, les messies, les seigneurs et maîtres qui se présentent à nous sont tous plus décevants les uns que les autres. Le vrai Sauveur, le vrai Messie et Seigneur, c’est ce bébé, qui est l’envoyé de Dieu, la présence de Dieu lui-même, l’assurance que Dieu est avec nous et que nous ne sommes plus seuls, même quand nous sommes isolés. Et pour reconnaître ce Sauveur, ce Messie, ce Seigneur, ne cherchons pas des signes extraordinaires et merveilleux, des signes magiques. Son vrai signe est ce « nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire ». Son don le plus grand, Dieu le fait dans la petitesse, la pauvreté, la souffrance, la fragilité. Dieu n’est pas dans ce qui brille et satisfait notre besoin de merveilleux. Il est dans ce qui est quotidien, simple, invisible aux caméras, caché aux journalistes, comme l’est la vie d’un bébé.

La naissance de Jésus, comme sa vie, comme sa mort et sa résurrection, est la révélation de la présence des plus hauts mystères de Dieu dans les expériences les plus simples de la fragilité et de la pauvreté humaines. La puissance de César Auguste a disparu depuis longtemps. Seuls les historiens s’en souviennent. La Syrie et la Palestine continuent d’exister au milieu de bien des drames. Bethléem a changé de physionomie. Mais Jésus ne cesse pas de faire parler de lui. Sa naissance est toujours fêtée dans le monde, même si Noël devient de plus en plus une fête dont beaucoup ne savent plus quels en sont l’origine et le sens. Il est mort, mais par delà la mort, il est entré dans une vie qui le rend contemporain de chaque époque de l’histoire et de chacun de nous. Son nom n’est-il pas « Emmanuel », « Dieu-avec-nous » ?

Nous fêtons Noël non seulement pour nous rappeler l’événement passé de la naissance de Jésus, mais pour reconnaître Jésus vivant comme notre Sauveur, notre Messie, notre Seigneur, donc pour être libérés de nos peurs et recevoir la grande joie annoncée aux bergers. Nous sommes là pour l’adorer, le chanter, le prier. Nous sommes là pour le reconnaître et vivre avec lui dans notre vie la plus quotidienne. Car, maintenant comme à Bethléem, c’est à travers des signes humbles et pauvres que Jésus vient à nous : les mots simples de l’Evangile, la petite hostie de l’Eucharistie, l’eau du baptême, l’huile de la confirmation et celle de l’Onction des malades, les gestes et les paroles de la Réconciliation, le « oui » des époux, l’imposition des mains de l’ordination, les évènements de notre vie et de la vie et de la vie du monde, le recueillement de la prière, les humbles manifestations de la bonté, la confiance dans les épreuves, etc.

Frères et sœurs, l’Evangile de la naissance de Jésus est comme une immense liturgie. Il nous dit que la louange, l’action de grâce, l’adoration sont le cœur, le sommet, la source de la vie chrétienne et de la mission de l’Eglise, sinon l’Eglise ne serait qu’une ONG parmi d’autres. Noël et bientôt l’Epiphanie nous invitent à mettre au cœur de notre vie et de notre apostolat la prière et la liturgie. Par elles nous sommes rendus capables de reconnaître Dieu dans l’humilité de son action.

Ouvre nos yeux, Seigneur Jésus, pour que nous sachions reconnaître ta présence. Nous sommes affamés de signes merveilleux. Fais-nous découvrir tous les signes humbles de ta présence et de ton action. Plus encore, fais nous comprendre que le vrai signe de ta vérité, c’est toi-même et ta présence humble avec nous. Amen.

 

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