mardi 20 août 2019 - Pèlerinage diocésain à Lourdes — Diocèse de Tulle

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mardi 20 août 2019 - Pèlerinage diocésain à Lourdes

Messe avec les malades et les hospitaliers / Jc 1, 22-27 - Lc 10, 29-37

 

         Frères et sœurs, nous connaissons tous par cœur la parabole du bon samaritain. Mais c'est rare qu'on fasse attention à la première question du docteur de la Loi qui va susciter la réponse de Jésus et cette parabole.

         La première question du docteur de la Loi est la suivante : "que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ?" Je ne sais pas pour vous, mais en ce qui me concerne, je n'ai jamais entendu cette question de quiconque. On demande beaucoup de choses au prêtre, on lui pose toutes sortes de questions – à l'évêque aussi…-, mais je n'ai jamais entendu quelqu'un me demander : "Père, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ?"

         Les plus jeunes ne se posent pas ce genre de question, parce qu'ils pensent qu'ils sont immortels, que leur jeunesse est éternelle… Les adultes, eux, sont accaparés par les soucis quotidiens, le travail, la famille, les loisirs… Certains se demandent plutôt : qu'est-ce que je vais faire pour essayer de ne pas vieillir trop vite ? Qu'est-ce que je dois manger ou ne pas manger pour préserver ma santé ? D'autres se disent : comment vais-je faire pour que mon commerce se développe, que mes affaires marchent bien ? Où vais-je placer mon argent pour qu'il me rapporte le plus et qu'il soit en sécurité ? Quant aux plus âgés, certains d'entre eux se disent : mieux vaut ne pas penser à la mort, il faut que je profite au maximum de ma retraite, que je voyage, que je fasse de la gymnastique, du sport cérébral pour ne pas avoir la maladie d’Alzheimer… ; d'autres sont bien occupés à garder les petits enfants parce que leurs parents n'ont pas le temps, etc…

         Dans tout cela, à vrai dire, il n'y a rien de mal ; sans doute un certain égoïsme parfois, peut-être un souci excessif de soi-même, mais rien de foncièrement mauvais... Mais, qui donc, qui donc se préoccupe de la vie éternelle ? Qui se demande encore ce qu'il pourrait bien faire pour aller au Ciel ?

         Le grand drame, dans nos sociétés d'abondance, de consommation, de matérialisme, c'est que les hommes font tout pour ramener le paradis sur la terre. Il n'y a plus de Ciel, il n'y a que la terre. Beaucoup ne se demandent jamais s'ils seront sauvés, puisqu'il ne leur vient même pas à l'idée qu'ils ont besoin de l'être !

         Remarquez bien que tout cela n'est pas absolument nouveau, puisque la Bible, dans les psaumes notamment, écrits il y a environ 2500 ans, dénonçait déjà cette légèreté du comportement chez ceux qui avaient de grandes richesses et semblaient mettre tous leurs espoirs dans les biens terrestres. Saint Paul n’exhortait-il pas les colossiens, récemment convertis, à se tourner vers les réalités d’en haut ? Certains n’avaient pas vraiment changé de vie, même s’ils avaient reçu le baptême.

        

         Pourquoi sommes-nous si tristes, se demandait un penseur contemporain ? Le Pape Benoît XVI a répondu à cette question dans bien de ses écrits : l’homme moderne est triste parce qu’il a perdu l’Espérance. Il a beau être optimiste, il a beau cultiver tous les espoirs possibles, ce qui lui fait défaut par-dessus tout, c’est la vertu d’espérance. Espérer, c’est mettre sa confiance en Dieu qui nous sauve ; espérer c’est croire en la vie éternelle. Aujourd’hui, dans la bouche de nombreux chrétiens, le mot « espérance » revient souvent, mais vous remarquerez que c’est presque toujours pour parler d’espoir en des réalités d’ici-bas, et très rarement pour parler de la véritable espérance, la seule qui mérite cette appellation, l’espérance du Ciel, de la Vie éternelle.

         Dans son Encyclique sur l’Espérance, ce même pape pose cette question cruciale : « voulons-nous vraiment cela – vivre éternellement ? » Et il ajoute : « Peut-être aujourd'hui de nombreuses personnes refusent-elles la foi simplement parce que la vie éternelle ne leur semble pas quelque chose de désirable. Ils ne veulent nullement la vie éternelle, mais la vie présente, et la foi en la vie éternelle semble, dans ce but, plutôt un obstacle ».

         Ainsi donc, frères et sœurs, la question du docteur de la Loi  - « que dois-je faire pour avoir la vie éternelle ? » - nous rejoint très concrètement aujourd’hui : elle nous renvoie à notre propre espérance : désirons-nous être sauvés, désirons-nous la vie éternelle ? Sur l’affiche des sanctuaires pour l’Année Bernadette, il y a la béatitude « heureux, vous les pauvres » -  c’est le thème de l’année. Mais, vous avez sans doute remarqué qu’il y a une autre parole, une parole de la Vierge Marie à Bernadette : « je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ». Cette parole est presque provocatrice pour les hommes et les femmes du XXIème siècle, parce qu’elle va vraiment à contre-courant des modes de vie actuels, de l’idéologie progressiste qui veut faire croire que les progrès scientifiques et techniques peuvent résoudre tous nos problèmes et tous nos soucis et procurer le bonheur. Qu’il y ait des progrès personne n’en doute, mais on constate aussi qu’il y a un revers de la médaille et que les progrès techniques ont engendré aussi de graves nuisances qui, globalement mettent la vie de l’humanité en grave danger. Quoiqu’il en soit, ces progrès, non seulement ne sortent pas de la misère des millions et des millions d’êtres humains, mais ils ne procurent pas à l’Homme le salut, la vie éternelle.

         Frères et sœurs, la question du scribe et la parole de Marie à Bernadette nous interrogent sur notre propre manière de vivre et sur notre désir du Ciel. Car la question du salut ne concerne pas que l’après-vie sur la terre, elle concerne notre vie actuelle comme préparation de la vie éternelle. Les deux sont intrinsèquement liées. L’épître de saint Jacques nous le rappelait et la parabole du bon samaritain en est l’illustration très concrète. Ici bas, tout le monde n’a pas la richesse, le bien-être, la santé ; mais, tout le monde vieillit et va vers la mort. Mais tous nous avons une capacité que Dieu a mise en nous et que personne ne peut nous enlever : la capacité d’aimer notre prochain, la capacité de nous faire proche du blessé au bord de la route. A Lourdes, la proximité de nos frères et sœurs malades, infirmes, souffrants, nous fait prendre conscience de cela et doit nous permettre de nourrir notre espérance de la vie éternelle, en œuvrant très concrètement pour notre salut et celui de nos frères. Amen.

 

+ Francis BESTION

Evêque de Tulle

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