14 février 2019 - 6ème dimanche du temps ordinaire – B — Diocèse de Tulle

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14 février 2019 - 6ème dimanche du temps ordinaire – B

Paroisse de Redoute – La Martinique

         Frères et soeurs, si nous lisions les Béatitudes avec l’esprit du monde, c’est-à-dire en prenant pour critère d’évaluation des paramètres du monde de la finance, du monde des media, du monde du pouvoir politique, du monde de la compétition sportive, alors nous serions dans l’impossibilité de comprendre ces paroles de Jésus. En effet, dans notre société de consommation où l’argent est roi, dans la société où est exalté l’individu, avec ses désirs érigés en norme pour la collectivité ou, en tout cas, voulant l’être, dans une société où pour que quelqu’un réussisse, il faut que beaucoup d’autres échouent, où règne la loi intraitable de la concurrence effrénée, dans ce genre de société, je vous le demande : y a-t-il place pour le pauvre, pour l’affamé, pour celui qui pleure ? Non, car ce sont des losers, comme on dit maintenant ! Ceux que Jésus déclare « heureux », ce sont, aux yeux du monde, des malheureux, des pauvres types, des gens qui n’ont pas réussi !

         Frères et soeurs, l’esprit mondain ne voit pas plus loin que le bout de son nez, il ne voit pas plus loin que les seules limites des déterminations économiques, politiques, sociales et culturelles du temps et de l’espace dans lesquels il est situé. L’esprit mondain est englué dans les conjonctures du moment, dans les lourdeurs de l’histoire, dans les heurts et malheurs du temps. Il est prisonnier des murs, des limites, des modes, des idéologies qu’il a lui-même contribué à établir. L’esprit mondain est à ce point auto-centré qu’il est incapable de pouvoir penser qu’il existe une autre réalité, un autre chemin, un autre bonheur que ceux que lui renvoient les modèles dans lesquels il s’est enfermé sans le savoir et même sans le vouloir vraiment.

         Frères et soeurs, seule la foi en Jésus-Christ a la capacité d’ouvrir nos yeux sur un autre monde, un monde où les valeurs sont pour ainsi dire renversées ou inversées parce que Dieu lui-même nous donne la vraie richesse : ce n’est pas une chose, un objet, une technique, une science, non, mais c’est une personne ! C’est Lui qui comble les pauvres, qui nourrit les affamés, qui console les affligés, qui relève les méprisés.

         C’est pour cela que saint Paul pouvait écrire aux corinthiens que s’ils avaient mis leur espoir dans le Christ pour cette vie seulement, ils étaient les plus à plaindre de tous les hommes ! Notre foi en Jésus Christ, notre espérance en Jésus Christ nous font, d’ores et déjà, dépasser les limites de notre condition humaine, les déterminations de l’histoire, les contradictions dans lesquelles sont empêtrées nos sociétés. Notre vie dans le Christ, mort et ressuscité, dans laquelle le baptême nous a établis, dans laquelle les sacrements nous maintiennent, cette vie nous permet de voir plus loin que les limites de nos pauvretés et de nos richesses, de notre faim et de notre satiété, de nos peurs et de nos rires, du bonheur et du malheur.

         Avec Jésus, nous demeurons plantés près des eaux vives qui coulent de son Coeur ; notre vie est irriguée en permanence, si bien que nos critères de bonheur, de réussite ne sont pas ceux du monde. Quel que soit notre état de vie, quelle que soit notre condition sociale, nous regardons plus loin et au-delà du seul horizon d’ici-bas.

         Les petits bonheurs, les petits espoirs auxquels nous nous attachons ne sont pas nuls, mais ils sont incapables de grandir et de nous faire grandir. Ils nous laissent sur notre faim. C’est pour cela que même les gens riches veulent être encore plus riches, que les hommes politiques veulent monter encore plus haut, que tout le monde aspire à grimper dans l’échelle sociale, que les vedettes veulent être toujours plus en haut de l’affiche... On n’est jamais rassasié des petits bonheurs et si on s’en trouve privé, alors c’est le désespoir... La béatitude dont parle Jésus, c’est autre chose ! Elle seule est vraiment à notre mesure parce qu’elle est celle de Dieu lui-même et que Dieu nous a créés à son image. Notre coeur demeure sans repos tant que nous ne sommes pas en marche pour cette béatitude, tant que nous ne tendons pas vers elle.

         Lorsque Jésus prononce les béatitudes, il sait de quoi il parle. Il ne nous enferme pas. Notre condition humaine il l’a pleinement partagée, à l’exception du péché. La pauvreté, la faim, la soif, les larmes, le rejet, le mépris, il les a connus, il les a assumés dans sa chair. S’il bénit et déclarent bienheureux ceux qui sont pauvres, ceux qui ont faim, ceux qui pleurent, ceux qui sont persécutés, ce n’est pas pour leur administrer une sorte de sédatif, d’analgésique, de tranquilisant... Non ! C’est pour leur dire : vous êtes bénis vous qui mettez votre confiance en votre Père du Ciel, quoi qu’il vous arrive ! Aux yeux des hommes, vous êtes des fous, des insensés ; mais, en vérité, vous êtes déjà des bienheureux, des sauvés ! Vous avez les pieds sur la terre, mais votre tête est déjà dans le ciel !

         L’eucharistie que nous célébrons maintenant est l’expression de notre béatitude. Elle ne transforme pas notre condition comme d’un coup de baguette magique. Mais elle nous purifie, elle nous renouvelle, parce que le Christ nous rend participants de sa victoire sur le mal, le péché et la mort. Parce qu’il est à la fois le prêtre, l’autel et la victime du sacrifice, il est capable de nous prendre dans son offrande au Père. Il actualise pour nous son mystère pascal et fait de nous des bienheureux ! Amen.

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