10 février 2019 - 5ème dimanche du Temps ordinaire – Année C — Diocèse de Tulle

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10 février 2019 - 5ème dimanche du Temps ordinaire – Année C

Eglise de Marcillac-La-Croisille - Remise de la médaille du mérite diocésain à Mme Simone DOR

         "Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu".

         Frères et sœurs, nous accueillons dans la foi les paroles de l'Apôtre saint Paul aux corinthiens ; nous les accueillons comme la Parole de Dieu qui, telle un charbon ardent, vient toucher nos cœurs et nos lèvres. Cette Parole nous révèle en profondeur qui nous sommes : des enfants de la grâce ! Nul d'entre nous n'a mérité d'être chrétien ; d'ailleurs la plupart, nous avons reçu le baptême alors que nous étions encore incapables de prononcer une seule parole et de comprendre ce qui nous arrivait ; nous n'en avons même aucun souvenir. Le don de Dieu pour nous a été totalement gratuit ; la grâce a été gracieuse. C'est en effet la caractéristique essentielle de la grâce divine : elle est toujours gracieuse ! J’entends parfois certaines personnes regretter ou même s’offusquer que leurs parents les aient fait baptiser enfants, à un âge où ils n’ont pas pu choisir. Certains qui renient la foi, qui apostasient en demandant qu’on les efface des registres de baptême, font valoir cet argument : on ne leur pas demander leur avis... On pourrait leur répondre qu’heureusement leurs parents ne leur ont pas davantage demandé leur avis pour leur donner à manger, les éduquer, les envoyer à l’Ecole, etc... Comment, si on est chrétien, ne pas vouloir transmettre aussi ce qui nous tient le plus à coeur, c’est-à-dire la foi en Jésus-Christ ?

         "Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu". Cette Parole prend aussi un sens très particulier pour tous ceux qui accomplissent une mission dans l’Eglise,  comme par exemple celle de catéchiste. Personne ne se donne à lui-même une mission. On la reçoit. On peut s’en sentir indigne et incapable. En un sens, je dirai : tant mieux qu'il en soit ainsi ! Ce n'est pas lorsqu'on est fort ou qu'on se croit fort, lorsqu'on est sûr de soi, qu'on se trouve dans la meilleure disposition pour recevoir et accomplir une mission ecclésiale. Comme le dit le même saint Paul dans sa 2ème lettre aux corinthiens, "quand je suis faible, c'est alors que je suis fort". Cela semblerait contradictoire pour un ignorant des choses de Dieu ; pour nous, cela signifie que lorsque nous nous reconnaissons faibles pour une mission, la force de Dieu peut alors vraiment se déployer en nous. Nous abandonnons nos rêves de pouvoir, de savoir, d'avoir, pour laisser agir la grâce de Dieu. Alors, comme l'Apôtre des Nations, nous n'hésitons pas à dire : "je me suis donné de la peine plus que tous les autres" ; mais en ajoutant aussitôt : "à vrai dire, ce n'est pas moi, c'est la grâce du Christ avec moi".

         Cette dernière remarque est précieuse. Elle évite d'une part de se complaire dans le quiétisme, le providentialisme ou simplement la négligence ou la paresse ; et, d'autre part, elle nous préserve de l'orgueil, de la suffisance, et aussi de l'illusion de se croire indispensable. En effet, ce n'est par parce que c'est par pure grâce que nous avons reçu une mission qu'il faut se rouler les pouces et tout attendre du Ciel. Bien au contraire, il faut se donner les moyens de correspondre de notre mieux à la grâce reçue, notamment en se formant, en méditant la Parole de Dieu, en s’engageant résolument dans la Communauté, mais aussi et surtout dans la société. Toute mission suppose qu'on se donne de la peine. Mais d'un autre côté, il faut savoir reconnaître que tous nos efforts, tout notre labeur ne seraient rien sans "la grâce de Dieu avec nous".

         Frères et soeurs, la Parole de Dieu entendue aujourd'hui nous entraîne à approfondir encore plus le sens de la grâce, le sens du baptême, le sens de tous les sacrements qui sont les canaux de la grâce, et le sens de la mission reçue, quelle que soit cette mission. La vocation d'Isaïe, celle de Saul de Tarse et celle de Pierre, le pêcheur du lac de Tibériade, ont quelque chose en commun. Et c'est vrai de toute vocation dans l'Eglise, depuis la vocation baptismale jusqu'à la vocation diaconale et sacerdotale, ainsi que la vocation de consacré, et même la vocation du mariage. C'est vrai aussi de toute mission ecclésiale reçue, comme celle de catéchiste par exemple. Ce quelque chose de commun à toute vocation et à toute mission, c'est qu'elles tombent toujours sur les épaules d'un pécheur. Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement ?

         - "Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures", s'écrie le jeune Isaïe. Comment pourrait-il être prophète du Très-Haut s'il est un pécheur ?

         - "Je ne suis pas digne d'être Apôtre, puisque j'ai persécuté l'Eglise de Dieu", s'exclame Paul de Tarse. Comment quelqu'un qui s'en est pris avec haine et violence aux disciples du Christ pourrait prétendre devenir son Apôtre ?

         - "Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur", dit Pierre en tombant à genoux aux pieds de Jésus.

         Chers amis, à ces trois témoignages illustres, chacun ici pourrait ajouter le sien. Qui oserait dire que Dieu l'a choisi pour une mission, pour un ministère, pour un service, pour une consécration dans l'Eglise, parce qu'il était meilleur que les autres ?

         Quelle est donc cette grâce divine capable de passer sur les imperfections, les faiblesses et surtout les péchés des hommes et des femmes pour s'en remettre à eux afin qu'ils soient des prophètes, des apôtres, des témoins ? Il n'y a qu'une réponse possible : c'est la grâce de la miséricorde. Ce n'est pas n'importe quelle grâce qui nous a enfantés à la mission, c'est la grâce du pardon. Et voilà pourquoi on peut dire sans honte que parmi les plus grands saints de l'Eglise, plusieurs furent d'abord de grands pécheurs. Ils n'ont pas été saints parce qu'ils étaient pécheurs ! Ils l'ont été parce qu'ils ont été plongés dans le bain de la Miséricorde divine et qu'ils ont pu se convertir par la grâce de cette miséricorde. C'est vrai tout particulièrement des deux que je viens d'évoquer : saint Pierre et saint Paul. Peut-être l'était-ce aussi d'Isaïe, mais nous ne le savons pas. Les deux colonnes de l'Eglise, les fondateurs de l'Eglise la plus prestigieuse, celle de Rome, furent de grands pécheurs pardonnés ; l'un fut un renégat, l'autre un persécuteur. Et l'un et l'autre donnèrent leur vie pour Celui qu'ils avaient combattu ou renié. Là est tout le Mystère de l'Eglise. L'Eglise n'aurait sûrement pas pu s'édifier sur des colonnes d'orgueil ; elle ne pouvait s'édifier que sur les colonnes de l'humilité de pécheurs pardonnés. C'est là sa gloire ! C'est là notre propre et seule gloire aujourd'hui encore. Ce n'est pas une gloire humaine ! C'est la gloire de Dieu miséricordieux, la gloire du Christ miséricordieux qui, sur la Croix, de son côté ouvert par la lance, laisse jaillir la Source la plus miraculeuse qui soit, capable non seulement de pardonner les pécheurs et de les guérir, mais aussi d'en faire des apôtres !

         - "Maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné", dit le Seigneur à Isaïe.

         - "Ma grâce te suffit", dit la voix du Christ à Saul le persécuteur.

         - Sois sans crainte ; désormais ce sont des hommes que tu prendras", dit Jésus à Simon Pierre.

 

         Frères et sœurs, pendant quelques instants de silence, écoutons au fond de notre cœur la voix du Seigneur miséricordieux dire à chacun, la Parole du pardon et de la mission. Laissons-le approcher de nos lèvres et de nos cœurs le charbon incandescent de sa miséricorde purificatrice. Amen.

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle

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