21 Septembre 2018 - Messe au 126ème RI de Brive — Diocèse de Tulle

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21 Septembre 2018 - Messe au 126ème RI de Brive

Fête de Saint Maurice

« Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l’âme ».

Cette parole de Jésus, il est légitime de penser que saint Maurice et ses compagnons de la légion Thébaine l’avaient bien présente à l’esprit au moment où ils devaient choisir entre l’obéissance à l’empereur Maximien qui leur donnait l’ordre de massacrer des populations chrétiennes et l’obéissance à Dieu au nom de leur foi. Ils préférèrent aller vers le martyre plutôt que de renier leur appartenance au Christ. L’Evêque Eucher qui relata leur histoire, un siècle et demi plus tard, mentionne une lettre que Maurice, commandant de la Légion, envoya à l’empereur pour expliquer sa conduite et celle des autres chrétiens qui composaient son armée. Il disait ceci : « Empereur, nous sommes tes soldats, nous sommes prêts à combattre les ennemis de l’Empire ; mais, nous sommes aussi chrétiens et nous devons fidélité au vrai Dieu. Nous ne sommes pas des révoltés, nous aimons mieux être des victimes que des bourreaux ; mieux vaut mourir innocents que de vivre coupables ».

Saint Maurice et ses compagnons martyrs font partie de cette foule immense de témoins dont parle le visionnaire du livre de l’Apocalypse, et qui se tiennent debouts devant le trône de l’Agneau, vêtus de blanc, les palmes du martyre à la main. A la question « d’où viennent-ils et qui sont-ils ? », il est donné comme réponse : « ils viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leur vêtement dans le sang de l’Agneau ». C’est une magnifique définition du martyre. Les martyres ne sont pas des sortes de héros, semblables à ceux de la mythologie grecque, qui allaient fièrement au combat, sans aucune crainte de la mort. Les martyrs ne sont pas des héros, mais des saints, qui ont imité le Christ, l’Agneau pascal, qui, sur la croix, offre sa vie par amour pour le salut du monde. Il n’y a pas de martyre sans amour. Les saints martyrs n’ont d’autre référence que celle du Christ, modèle de tous les saints.

Chers amis, votre situation de militaires, en 2018, n’est pas celle des Légions romaines du III° siècle et vous n’aurez pas, au service de la France, à faire le choix que firent Maurice et ses compagnons. Aujourd’hui, nos armées ne sont pas engagées dans la conquête de territoires, comme aux temps reculés des guerres à l’intérieur de l’Europe, ou celui, plus récent, des guerres coloniales. A partir de la 1ère guerre mondiale, la doctrine de l’Eglise elle-même a évolué, abandonnant le concept de « guerre juste » pour lui substituer celui de « paix juste et durable ». Et on peut dire qu’en cela l’Eglise a été pionnière, même si cela a été au prix de l’incompréhension de tous les belligérants de la 1ère guerre mondiale. L’Eglise a posé, à ce moment-là, les fondements d’une doctrine des relations internationales dont l’élément moteur est celui de la paix, non pas une paix irénique ou une paix comprise simplement comme l’absence de conflit, mais une paix juste et, par là-même, durable. C’est cette doctrine qui a prévalu au niveau des Etats, d’abord par la création de la Société des Nations et, ensuite, celle de l’Organisation des Nations Unies.

Les conflits et les guerres n’ont pas cessé pour autant, mais ils se sont davantage limités à des opérations locales ou régionales. La paix a prévalu en Europe et entre les grandes nations depuis la fin de la 2de guerre mondiale. Mais voilà qu’une situation nouvelle est apparue en ce début du XXIème siècle, que la pape François n’a pas hésité à qualifier de « 3ème guerre mondiale », par morceaux, diffuse, disséminée sur toute la planète. C’est à cette nouvelle situation que vous êtes désormais confrontés, sur notre territoire national, mais aussi en Afrique et au Moyen Orient. Les opérations extérieures ont changé de physionomie et s’y sont ajoutées les contraintes des plans de sécurité intérieure, aux côtés des forces de police.

Oui, les temps ont changé et, comme toujours, vous avez dû vous adapter, avec tout ce que cela suppose de contraintes et d’efforts nouveaux pour faire face à ce qu’il faut bien appeler une nouvelle forme de guerre. Votre motivation reste la même : servir le pays, le défendre, protéger les populations, s’engager sur les territoires de pays étrangers pour éviter que la menace islamiste s’étende ou se renforce. En cela, vous êtes et vous restez des combattants de la liberté, pour la justice et pour la paix. C’est un idéal d’une grande noblesse d’âme qui vous honorera toujours et qui vous soutiendra aux heures difficiles – la plus dure étant celle où vous voyez des hommes tomber au combat.

Ce service pour la nation, vous vous en acquittez, non pas malgré votre foi, mais avec elle. Elle est un secours précieux pour vous et pour vos familles, parce que la foi est le contraire de la peur. Elle est aussi ce qui doit préserver vos coeurs et vos âmes de tous les sentiments humains contraires à l’esprit de l’Evangile. Et Dieu sait si les situations difficiles auxquelles un militaire est susceptible d’être confronté peuvent agiter dans son esprit des sentiments de peur, de violence, de haine et de vengeance, envers ceux qui sont ses adversaires et dont l’idéologie se nourrit elle-même, au plus haut point, de la haine. Votre foi de chrétiens non seulement n’est en rien une faiblesse, mais elle est une véritable force, supérieure à toutes les autres. L’entraînement au combat, la discipline militaire, les armes constituent des forces indispensables pour le militaire ; elles permettent de gagner des batailles. Mais ce ne sont pas elles qui établissent dans la paix juste et durable. Seules des forces d’un autre ordre peuvent changer durablement les coeurs et le monde. La foi est une de ces forces, avec ses deux soeurs, qui sont l’espérance et la charité. En fin de compte, ce sont elles qui feront toujours la différence pour la conduite de votre propre vie et pour tracer autour de vous des chemins de justice, d’amour et de paix.

Que l’intercession de saint Maurice, votre saint patron, vous garde fidèles à la foi de votre baptême et vous aide à en témoigner là où le Seigneur vous a plantés. Amen.

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