8 septembre 2018 - Fête de la Nativité de la Sainte Vierge — Diocèse de Tulle

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8 septembre 2018 - Fête de la Nativité de la Sainte Vierge

Abbaye de Randol - 1er Vœux de Frère Alexis LIFAR

 

Révérend Père Abbé,

Frères de l’Abbaye,

Frères et sœurs,

C’est une grande joie pour l’évêque de Tulle de présider cette eucharistie au cours de laquelle un fils de cette Eglise de Tulle va prononcer ses premiers vœux monastiques ; et je vous remercie cher Père Abbé et cher frère Alexis de me procurer cette joie et, à travers mon humble personne, d’honorer le diocèse de Tulle ; qui plus est, dans l’année jubilaire des 700 ans de sa fondation, très liée à l’existence de l’Abbaye bénédictine de Tulle, laquelle donna, en la personne de son Abbé, le 1er évêque à ce nouveau diocèse, en 1317.

 

Tout au long de l’année, l’Eglise célèbre dans la joie les nombreux saints du calendrier liturgique, en faisant mémoire du jour anniversaire de leur mort, qui, en vérité, est celui de leur naissance au ciel – dies natalis. Il y a cependant trois personnes qui jouissent d’un privilège particulier – Jésus, lui-même, la bienheureuse Vierge Marie qui l’a porté dans son sein, et Jean son précurseur qui l’a baptisé dans les eaux du Jourdain. L’Eglise, depuis l’antiquité, célèbre leur naissance sur la terre, comme si, à travers cet événement c’était le ciel lui-même qui s’était incliné vers la terre et penché sur elle. Ces trois naissances constituent des évènements très distincts et pourtant ils sont intimement liés, car la naissance de la Vierge Marie, ainsi que celle de Jean le baptiste préparent la venue du Christ, du Messie promis depuis les temps anciens. L’Eglise célèbre la nativité de Marie et – même si c’est à un degré différent – celle de Jean Baptiste, parce que leurs vies respectives sont profondément unies à celle du Christ et au service de sa mission rédemptrice.

Ces trois naissances terrestres constituent un signe harmonieux, marqué par l’humilité, qui nous révèle en profondeur le dessein de Dieu : Dieu, par pur amour, se fait proche de l’humanité, en la personne du Verbe incarné, pour la sauver.

Aujourd’hui, notre attention se porte vers la Vierge Marie parce que, selon l’expression lumineuse de saint Jean de Damas, le mystère de ce jour est celui où « à partir de la nature terrestre, un ciel a été formé sur la terre et que c’est, en quelque sorte, « pour le monde, le commencement du salut ». En rigueur de termes, c’est à la maternité divine de Marie que tient le commencement du salut, mais on peut dire aussi, avec les mots que nous donne la liturgie, que la naissance de l’Immaculée a fait « lever sur le monde l’espérance et l’aurore du salut », parce que, « par elle, nous est venu le Soleil de Justice, le Christ notre Dieu » ! Et les Eglises d’Orient chantent pareillement que « ce jour est le prélude de la joie universelle », parce qu’en ce jour « se sont mis à souffler les vents annonciateurs du salut » (liturgie byzantine).

L’évangéliste saint Matthieu, en retraçant la généalogie de Jésus, souligne comment, d’Abraham jusqu’à Joseph, l’époux de Marie - de laquelle fut engendré Jésus -, la longue histoire, plus ou moins chaotique, des générations humaines se succédant, préparait l’événement absolument unique de la naissance du Sauveur inaugurant une humanité nouvelle. Toute l’histoire de l’Ancien Testament monte vers le Messie, et pourtant, elle n’y parvient pas humainement ; il y a un « hiatus » de Joseph à Jésus : le verbe de la génération humaine – « engendra… engendra… engendra… », s’arrête avec Joseph qui n’est donné que comme « l’époux de Marie », laquelle n’est pas celle qui enfante Jésus, mais celle « de qui il est enfanté », parce que conçu de l’Esprit-Saint.

Frères et sœurs, quelle belle coïncidence que frère Alexis prononce ses vœux en cette fête de la Nativité de Marie, où la liturgie nous fait lire ce récit de la « généalogie de Jésus ». C’est une coïncidence toute gracieuse ! Celui qui, aujourd’hui, est pour ainsi dire engendré à la vie monastique s’inscrit dans la longue lignée de ses prédécesseurs qui montèrent jusqu’à l’autel du Seigneur et chantèrent le Suscipe me Domine. Mais ce ne sont pas ses prédécesseurs qui l’engendrent à cette existence nouvelle d’une consécration de sa vie à Dieu, mais c’est Dieu lui-même qui a suscité en son âme ce désir de se donner entièrement à Lui. N’est-ce pas ce que dit la conclusion du rite du choix du vêtement religieux : « que Dieu achève en toi ce qu’il a commencé ». Et, toute proportion gardée, bien sûr, de même que Joseph se tient dans le silence devant le mystère de la conception virginale du Sauveur, frère Alexis et nous tous ici nous tenons en quelque sorte dans un silence religieux devant le don que Dieu fait à notre frère de sa vocation. Mystère de la vocation, mystère de l’appel de Dieu et de la réponse de l’homme, mystère de l’œuvre de Dieu, de l’œuvre de l’Esprit-Saint dans le cœur de l’homme. « Que Dieu achève en toi ce qu’il a commencé ». C’est aussi cette parole que l’évêque prononce au moment d’une ordination diaconale ou sacerdotale après la promesse d’obéissance. C’est l’œuvre de Dieu qui commence toutes choses et c’est encore son œuvre qui mène toutes choses à leur perfection.

Celui qui prononce ses vœux le fait au cours de la liturgie eucharistique et cela revêt une signification particulière d’une grande profondeur. La liturgie en effet est une œuvre de Dieu – opus Dei – et c’est ainsi que saint Benoît l’a compris dans sa Règle ; c’est ainsi que le Concile Vatican II la définit dans la Constitution Sacrosanctum Concilium. La liturgie est une œuvre de Dieu, grâce au Christ, Grand Prêtre, qui nous conduit au Père, dans le culte que nous rendons à Dieu, mais aussi et surtout parce que la liturgie est l’actualisation du Mystère pascal du Christ par lequel et dans lequel nous sommes sanctifiés et sauvés. Il n’y a pas d’un côté une œuvre de Dieu et de l’autre une œuvre de l’homme. D’un bout à l’autre, c’est une œuvre de Dieu, grâce au Christ, vrai Dieu et vrai homme, au Christ qui ne cesse de s’offrir au Père, tout particulièrement dans le saint sacrifice de la messe.

Frère Alexis, votre profession au cours de la messe, au moment de l’offertoire, signifie que vous entrez, d’une manière particulière, dans cette offrande du Christ à son Père et que vous vous laissez comme porter par elle – ce qui ne réduit en rien l’acte de votre volonté, mais le met à sa juste place, celle même dont la Vierge Marie nous donne le modèle dans son Fiat ; celle dont saint Joseph, le Juste silencieux, nous donne l’exemple en prenant chez lui Marie, son Epouse, parce que l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint.

Frère Alexis, en rentrant au Monastère, il y a deux ans, vous m’expliquiez votre attirance pour la liturgie monastique. Aujourd’hui, vous pouvez encore mieux saisir combien la liturgie, parce qu’elle est l’œuvre de Dieu, nous permet d’entrer, d’une manière que rien d’autre ne peut surpasser ici-bas, dans le mystère de Dieu, parce que c’est l’Homme-Dieu, Jésus-Christ, qui en est le cœur, le Saint des Saints. En signant sur l’autel du Seigneur, votre engagement, vous signifiez que, non seulement cet engagement n’est pas étranger à l’offrande du Christ, mais que c’est par elle qu’il prend tout son sens. Vous êtes pour ainsi dire placé dans le sanctuaire du Cœur de Jésus, appelé à faire vôtres les sentiments de ce cœur lorsqu’il s’offre au Père sur l’autel de la croix. Il est grand le mystère de la foi !

L’annonciation à Joseph au commencement de l’évangile selon saint Matthieu et le récit de la Passion de Jésus, à la fin de l’Evangile selon saint Jean, où l’on voit Marie et le disciple bien-aimé au pied de la croix, ont en commun une note très précieuse pour nous tous et, en ce jour, plus particulièrement pour vous, frère Alexis. C’est l’invitation à prendre chez nous Marie. Joseph est invité par l’ange à prendre chez lui Marie, son épouse ; quant au disciple bien-aimé, il est dit de lui qu’il prit chez lui Marie, comme sa Mère. En ce jour de votre engagement, cher frère Alexis, recevez vous aussi cette invitation à prendre Marie chez vous. Ce faisant, c’est elle qui vous placera dans son Cœur immaculé, cœur de Vierge et de Mère, pour que vous y trouviez Jésus et que vous preniez sur vous son joug, parce que son joug est doux et son fardeau léger. En prenant chez vous Marie, en fait c’est elle qui vous abritera sous le pan de son manteau de mère miséricordieuse. Votre premier mot, frère Alexis, dans le rituel de la Profession, à la demande de votre Abbé « quid petis ? » a été : « misericordiam Dei ». Cette miséricorde divine, qui, mieux que cette mère, peut vous la manifester, elle qui, dès sa conception immaculée, en fut la bénéficiaire, pour devenir la Nouvelle Eve, l’Epouse parfaite, la mère du Sauveur ! En cette fête de sa naissance, puisse-t-elle nous accorder à tous un surcroît de paix. Amen.

 

 

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