14 janvier 2018 - 2ème dimanche du temps ordinaire / B — Diocèse de Tulle

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14 janvier 2018 - 2ème dimanche du temps ordinaire / B

Journée du migrant et du Réfugié - Visite pastorale à Ussel

 

         Aujourd’hui nous commençons le parcours des dimanches du Temps ordinaire qui nous fera, semaine après semaine, accompagner Jésus, dans sa vie et son ministère public. A travers l’évangile de saint Marc (principalement), nous suivrons Jésus pour entendre à nouveau son enseignement et redécouvrir les gestes qu’il a faits et les signes qu’il a donnés. Avant d’entrer dans ce long récit, la liturgie de ce jour, à travers l’évangile de Saint Jean, veut nous aider à adopter une attitude première, qui nous permettre d’entrer dans la relation avec le Christ, d’accueillir ce qu’il dit et de nous attacher à sa personne.

         Cette démarche pour fonder ou refonder notre relation au Christ est engagée quand Jean-Baptiste désigne Jésus à ses disciples en leur disant : « Voici l’Agneau de Dieu » (Jn 1, 36). Ceci nous fait comprendre une première chose : on ne découvre pas Dieu tout seul. C’est d’ailleurs ce que la première lecture du livre de Samuel nous annonçait. On peut désirer rencontrer Dieu et le chercher de toutes sortes de façons. Ce qui nous atteint et ce que nous entendons peut nous donner le sentiment d’un appel et peut rejoindre notre désir de donner un sens et une lumière à notre vie. Mais tout cela restera inopérant si nous n’apprenons pas petit à petit à interpréter ces événements et ces paroles, et à comprendre qu’à travers eux, nous ne sommes pas dans une sorte de rêve (comme pouvait le croire le jeune Samuel), mais devant une parole qui vient de Dieu.

         Pour le jeune Samuel, le prêtre Élie va être celui qui l’aidera à comprendre le sens des mots qu’il a entendus. Dans son sommeil, il a été appelé par son nom et croit que c’est Élie qui a besoin de lui. A trois reprises, il se lève et va vers le vieux prêtre. Celui-ci comprend alors que Samuel ne rêve pas, mais que la parole qu’il entend vient de la part de Dieu. Élie lui explique alors comment y répondre, en disant : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 S 3, 9).

         Il faut bien que nous soyons aidés pour reconnaître sa présence. Nous avons besoin de cette première initiation qui nous éclaire sur le sens de ces événements et de ces paroles. Quelqu’un doit nous guider (nous tenir par la main) pour nous introduire dans la relation avec Dieu et nous dire : « Tu diras : ‘Parle, Seigneur, ton serviteur écoute’ ».

         Cette aide qui nous introduit à la rencontre avec Dieu, nous la recevons dans notre vie en Église, à travers la célébration de l’Eucharistie, dans le partage de la Parole de Dieu en groupe, dans nos vies d’équipes chrétiennes, ou, pour les enfants et les jeunes, dans leurs rencontres du catéchisme et de l’aumônerie. Cette aide, nous la recevons  de la part de ceux que le Seigneur a placé parmi nous comme pasteurs pour guider son peuple ; c’est le ministère des prêtres.

         Dans l’Évangile de saint Jean, c’est Jean-Baptiste qui remplit ce rôle. Il est venu en avant de Jésus pour préparer l’accueil du Messie d’Israël. Il a rassemblé des disciples autour de lui. Il a été témoin d’un signe de Dieu au moment du baptême de Jésus. C’est pourquoi, lorsque Jésus passe, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu » (Jn 1, 36).

 Jean oriente ses disciples vers un autre, vers celui qui est le véritable terme de leur vie. Et parmi les disciples de Jean (combien étaient-ils ?), deux d’entre eux s’approchent de Jésus. Aujourd’hui, les prêtres sont comme Jean-Baptiste. leur ministère ne vise pas à attirer vers eux les personnes auxquelles ils sont envoyés ; leur ministère ne vise pas à se rendre populaire ou à avoir du succès, mais à montrer le Christ aux hommes et aux femmes de ce temps, à les aider à devenir les amis du Christ, à le suivre et à demeurer auprès de lui. C’est un ministère de la présence et en même temps de l’effacement, un ministère de la proximité et en même temps de la distance ; un ministère qui requiert un grand zèle apostolique et en même temps une sorte d’abandon à la grâce de Dieu qui, seule, est capable d’agir dans les cœurs.

         Pour suivre Jésus dans sa vie publique et comprendre qu’il accomplit les promesses de Dieu, il nous faut aller vers lui. C’est lui alors qui prend la parole et nous demande, comme il demande aux deux disciples : « que cherchez-vous ? » (Jn 1, 38). Nous sommes comme les deux disciples de Jean-Baptiste. Conduits par l’Église et par ceux qui nous ont appris ce qu’était la vie chrétienne et avec qui nous avons découvert le chemin de la foi, nous nous sommes approchés peu à peu du Christ. Et chaque année, chaque semaine ou chaque jour, il nous interroge : « Que cherchez-vous ? »

         Nous tous, rassemblés aujourd’hui dans cette église comme l’étaient les disciples du Baptiste au bord du Jourdain, nous voulons aller vers le Christ et nous entendons sa question : Que cherchez-vous ? Qu’espérez-vous pour votre vie ? Que demandez-vous au Seigneur ? Nous pouvons entrer dans la réponse des disciples à Jésus et la rencontre qui s’en suit : « Maître, où demeures-tu ? Jésus leur dit : « Venez, et vous verrez ». Ils l’accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui » (Jn 1, 38-39). C’est là le chemin de la vie chrétienne, toujours ouvert devant nous : Où es-tu Seigneur ? Où demeures-tu ? Où pouvons-nous te rencontrer ? Et en réponse, Jésus nous invite à nous joindre à lui, à rester avec lui, à cheminer avec lui.

         En ce dimanche, l’Eglise célèbre la journée mondiale du migrant et du réfugié. C’est une institution ancienne, puisqu’elle remonte à une initiative du pape Benoît XV, en 1914. Même si l’appellation et la date de cette célébration ont connu depuis bien des variations.

         La mobilité humaine – quelles qu’en soient les raisons – est un phénomène ancien (aussi ancien que l’humanité) et l’Eglise, d’une manière ou d’une autre, a manifesté, au long des siècles, une attention particulière aux personnes migrantes et aux personnes réfugiées. Elle ne le fait pas par simple philanthropie, mais pour des raisons très profondes dont certaines tiennent à sa nature même.

         Tout d’abord, les chrétiens, les disciples de Jésus-Christ ne peuvent pas oublier que leur Maître et Seigneur fut lui-même, dès le commencement de sa vie terrestre, un migrant et un réfugié. Ce détail, qui n’en est pas un, nous est rapporté par l’évangéliste saint Matthieu. pour échapper au massacre des enfants de Bethléem, ordonné par le cruel Hérode, la sainte famille de Marie, Joseph et l’Enfant Jésus, est contrainte de prendre la route de l’exil et de se réfugier en Egypte. Celui qui n’avait eu pour berceau qu’une mangeoire d’animaux devient, aussitôt né, un migrant et un exilé. Le même saint Matthieu, au chapitre 25 de son évangile, sur le jugement dernier, ne pouvait pas ne pas avoir à l’esprit cet épisode de l’enfance du Christ, lorsqu’il rapporte cette parole de Jésus à la foule : « j’étais un étranger et vous m’avez accueilli », « j’étais un étranger et vous ne m’avez pas accueilli ». Dès sa naissance Jésus a été identifié à tous les migrants et les réfugiés de l’histoire des hommes ; et dans ses paroles évoquant le jugement dernier, il invite les disciples à discerner sa présence dans ceux et celles de ses frères et sœurs en humanité qui connaissent ou connaîtront un jour la même épreuve. Moi, c’est eux ; eux, c’est moi.

         Si l’Eglise se préoccupe des migrants et des réfugiés, c’est aussi pour une raison qui tient à ce qu’elle est en elle-même. Dans le Credo, nous disons quelle est une, sainte, catholique et apostolique. Parmi ces adjectifs qui qualifient l’Eglise, celui de catholique indique l’universalité de l’Eglise. Quant nous nous préoccupons des migrants et des réfugiés, nous sommes nous-mêmes, parce que dans l’Eglise personne n’est étranger. La catholicité de l’Eglise est telle qu’elle embrasse « toutes les nations, les tribus, les peuples et les langues » ! Chacun est précieux, chacun a de la valeur aux yeux du Seigneur. Par-delà les couleurs de peau, les langues et les différences culturelles, par-delà même les différences religieuses, il y a quelque chose d’extrêmement profond qui nous unit et nous rend frères ; c’est le fait que Jésus-Christ, le Verbe incarné, offre son salut à tous les hommes. L’Eglise, de ce fait, est appelée à en être le signe et la semence dans le monde. Dans l’Eglise, personne ne doit se sentir étranger, parce que tout baptisé, et plus largement tout homme, toute femme, est un frère ou une sœur.

         Dire de l’Eglise qu’elle est « catholique » exprime certes son identité singulière par rapport aux autres confessions chrétiennes et aux religions, mais plus essentiellement, cette expression signifie son universalité, parce qu’elle est l’Eglise du Christ, venu sauver l’humanité. Concrètement, frères et sœurs, cela signifie que nous portons une grande responsabilité dans l’accueil de tous ceux qui, aujourd’hui, cherchent refuge et hospitalité. Responsabilité, non seulement au nom d’un certain humanisme, mais à cause de notre appartenance à l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. Cela ne signifie pas que nous soyons naïfs au point d’ignorer ou de refuser de voir les difficultés réelles que constituent aujourd’hui les grands phénomènes migratoires dans le monde, en Europe, dans notre pays. Cela ne signifie pas non plus que nous ferions semblant de ne pas voir le défi que représente l’accueil des migrants pour ceux qui nous gouvernent et doivent veiller au bien commun. Mais, parce que nous sommes catholiques, nous devons, malgré ces difficultés, tout mettre en œuvre, avec créativité et espérance, pour inventer des chemins pour aujourd’hui et demain, dans la fraternité, la justice et la paix, afin que toute personne puisse faire l’expérience, à nos côtés, d’avoir du prix, d’être précieuse aux yeux de Dieu, aux yeux du Christ, aux yeux de notre Mère Eglise. Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle

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