Jeudi saint 29 mars 2018 - Messe de la Sainte Cène du Seigneur — Diocèse de Tulle

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Jeudi saint 29 mars 2018 - Messe de la Sainte Cène du Seigneur

Collégiale Saint-Martin de Brive

« Sachant que l’heure était venue de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout ».

Frères et sœurs ces quelques mots de l’évangéliste saint Jean, placés comme en exergue du porche d’entrée du récit de la Passion et de la mort de Jésus, sont un véritable condensé théologique du mystère de Jésus, mystère de son entrée dans le monde, de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. Ils nous introduisent ainsi dans la célébration du Triduum pascal qui commence par la mémoire de la Cène du Seigneur, en ce jeudi saint au soir. Dans ces quelques mots, tout est dit du sens profond du mystère de la croix. Saint Jean qui a reposé sa tête sur la poitrine de Jésus, qui a entendu les battements de son cœur humain, veut nous donner la clef d’interprétation du mystère de la mort et de la résurrection de Jésus : « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au bout ».

Le pape émérite Benoît XVI, lors des Journées mondiales de la Jeunesse, à Cologne, a donné une lecture lumineuse de ce que saint Jean appelle, dès le début de son évangile, plusieurs fois ensuite, et enfin ici la veille de la passion, « l’heure » de Jésus, qui est l’heure de son sacrifice pascal. L’heure de Jésus, c’est l’heure où l’Amour est vainqueur. C’est l’heure où Dieu a vaincu, parce qu’il est l’Amour.

Le pape pose la question suivante : que s’est-il passé le jeudi saint, lors du repas où Jésus, avec ses Apôtres, au Cénacle, commémore la Pâque juive, le mémorial de l’action libératrice de Dieu qui avait conduit Israël de l’esclavage de l’Egypte à la liberté de la Terre promise (nous avons entendu ce récit dans la première lecture) ? Jésus récite la prière juive de louange et de bénédiction sur le pain. Mais, ensuite, il se produit quelque chose de nouveau – saint Paul le rapporte, dans la deuxième lecture, tel qu’il l’a reçu des Apôtres. Jésus s’adresse aux disciples avec ces paroles : « Ceci est mon Corps donné pour vous en sacrifice. Ce calice est la nouvelle Alliance en mon Sang ». Et il fait passer le pain et le calice aux convives et il confie aux Apôtres la mission de redire et de refaire, toujours de nouveau, en sa mémoire, ce qu’il est en train de dire et de faire en ce moment.

« Qu’est-ce qui est en train de se passer » ? demande le pape Benoît XVI : « comment Jésus peut-il donner son Corps et son Sang » ? Et il répond ensuite à cette question. Faisant du pain son Corps et du vin son Sang, Jésus anticipe sa mort, il l’accepte au plus profond de lui-même et il la transforme en un acte d’amour. Ce qui de l’extérieur est une violence brutale, devient de l’intérieur l’acte d’un amour qui se donne totalement. Telle est la transformation substantielle qui s’est réalisée au Cénacle et qui visait à faire naître un processus de transformations, dont le terme ultime est la transformation du monde jusqu’à ce que Dieu soit tout en tous (cf. 1 Co 15, 28). Depuis toujours, tous les hommes, d’une manière ou d’une autre, attendaient dans leur cœur un changement, une transformation du monde. Maintenant se réalise l’acte central de transformation qui est seul en mesure de renouveler vraiment le monde : la violence se transforme en amour et donc la mort en vie. Puisque cet acte change la mort en amour, la mort comme telle est déjà dépassée au plus profond d’elle-même, la résurrection est déjà présente en elle. La mort est, pour ainsi dire, intimement blessée, de telle sorte qu’elle ne peut avoir le dernier mot. Et le pape reprend alors une image un peu étonnante, mais qui est familière aux hommes de notre temps, celle de la « fission nucléaire » qui produit une réaction en chaîne. Voici ce qu’il dit : « il s'agit d’une fission nucléaire portée au plus intime de l’être – la victoire de l’amour sur la haine, la victoire de l’amour sur la mort. Seule l’explosion intime du bien qui vainc le mal peut alors engendrer la chaîne des transformations qui, peu à peu, changeront le monde. Tous les autres changements demeurent superficiels et ne sauvent pas. C’est pourquoi nous parlons de rédemption : ce qui du plus profond était nécessaire se réalise, et nous pouvons entrer dans ce dynamisme. Jésus peut distribuer son Corps, parce qu’il se donne réellement lui-même ». Et, c’est cette première transformation fondamentale de la violence en amour, de la mort en vie, qui entraîne à sa suite les autres transformations. « Le pain et le vin deviennent son Corps et son Sang. Cependant, la transformation ne doit pas s’en arrêter là, c'est plutôt à ce point qu'elle doit commencer pleinement. Le Corps et le Sang du Christ nous sont donnés afin que, nous-mêmes, nous soyons transformés à notre tour. Nous-mêmes, nous devons devenir Corps du Christ, consanguins avec Lui (…) Dieu n’est plus seulement en face de nous, comme le Totalement autre. Il est au-dedans de nous, et nous sommes en Lui. Sa dynamique nous pénètre et, à partir de nous, elle veut se propager aux autres et s’étendre au monde entier, pour que son amour devienne réellement la mesure dominante du monde ».

Frères et sœurs, Jésus ne nous a pas donné la mission de répéter la Cène pascale. Il nous a donné la mission d’entrer dans son « heure ». Nous y entrons grâce à la parole qui vient du pouvoir sacré de la consécration. Il s’agit de cette prière – appelée par l’Église « prière eucharistique » – qui constitue l’Eucharistie. Elle est parole de pouvoir, qui transforme les dons de la terre de façon tout à fait nouvelle en don de soi de Dieu et qui nous engage dans ce processus de transformation. C’est pourquoi nous appelons cet événement « Eucharistie », qui signifie remerciement, louange, bénédiction, et ainsi transformation à partir du Seigneur : présence de son « heure ». L’heure de Jésus est l’heure où l’amour est vainqueur. En d’autres termes : c’est Dieu qui a vaincu, parce qu’il est l’Amour. L’heure de Jésus veut devenir notre heure et elle le deviendra, si nous-mêmes, par la célébration de l’Eucharistie, nous nous laissons entraîner dans ce processus de transformations que le Seigneur a en vue. L’Eucharistie doit devenir le centre de notre vie.

L’Eucharistie nous replonge chaque fois dans le Mystère pascal, source et sommet de l’année liturgique. Jamais, nous n’aurons fini de connaître, de méditer, d’intérioriser et de vivre l’inépuisable richesse de l’Eucharistie. Elle est vraiment le « mystère de la foi », la Réalité, plus réelle que toute réalité, en laquelle nous est présente et nous est offerte la plénitude du salut qu’a réalisé et que nous propose sans cesse le Père, par le Christ, dans l’Esprit. Chaque jeudi saint nous fait la grâce de pouvoir contempler et vivre le grand « Mystère de la foi » qu’est l’Eucharistie. Le triduum pascal nous invite à passer du temps, dans le silence et la prière, devant le « Saint Sacrement » qui est le sommet de la Présence du Christ mort et ressuscité, et, par lui, de Dieu Trinité, au milieu de nous, et la source de sa Présence en nous. Pour tout dire, l’Eucharistie, le Saint-Sacrement, est la source et le sommet de la vie de l’Eglise. Par la prière devant le Saint-Sacrement, nous entrons en communion avec le cœur de l’Eglise, une et catholique, et nous rejoignons les hommes connus et inconnus au plus profond de leur humanité. Amen.

 

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