17 septembre 2018 - Messe en mémoire des papes limousins dans le cadre des 700 ans du diocèse — Diocèse de Tulle

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17 septembre 2018 - Messe en mémoire des papes limousins dans le cadre des 700 ans du diocèse

24ème dimanche Temps ordinaire – B -Eglise de Beyssac

 

Frères et sœurs, c’est une belle coïncidence qu’à l’occasion de cette messe où nous faisons mémoire des papes limousins du XIVème siècle, et tout particulièrement d’Innocent VI, originaire de Beyssac, pape de 1352 à 1362, l’évangile de ce jour mette en exergue la figure de l’Apôtre Pierre, celui que le Christ désigna pour être le chef du Collège apostolique, le Pasteur de l’Eglise. Les pontifes romains sont tous des successeurs de Pierre. Les papes du XIVème siècle qui résidèrent en Avignon, à cause des vicissitudes de l’histoire, n’en furent pas moins liés indéfectiblement à l’Eglise de Rome – Eglise dont le pasteur exerce la primauté sur toute l’Eglise. C’est d’ailleurs un pape du Limousin, Grégoire XI, qui ramena la papauté à Rome, mettant fin à cette situation provisoire des papes en Avignon.

Alors que Jésus interroge ses Apôtres – « pour vous, qui suis-je ? », c’est Pierre qui, au nom des Douze, prend la parole et répond sans hésitation, avec toute la force de sa foi : « tu es le Christ », c’est-à-dire le Messie, celui que les prophètes avaient annoncé, l’Envoyé de Dieu. Dans le passage parallèle, en saint Matthieu, on voit Jésus commenter la parole de Pierre : « Heureux es-tu, Simon, ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est au cieux ». Et Jésus ajoute une autre parole, celle qui institue la primauté de Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle ». La foi de l’Eglise reposera sur la foi des Apôtres, sur la foi du premier d’entre eux, Pierre. Et tous ses successeurs auront pour mission de confirmer leur frères dans la foi. Ce qui suppose que la foi de Pierre et la foi de ses successeurs ne défaillent pas. Un autre passage des évangiles mentionne, à ce sujet, une parole de Jésus : « Pierre, j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas ». Nous devons comprendre que ce n’est pas par sa seule intelligence que Pierre a pu affirmer à propos de Jésus : « Tu es le Christ » ; c’est le Père qui lui a révélé cette vérité de la foi. Et pareillement, la foi de Pierre repose sur la prière de Jésus, et c’est vrai de la foi de tous ses successeurs.

Les évangiles auraient pu s’en tenir à ces paroles, en omettant de rapporter ce qui suit et qui fragilise en quelque sorte le témoignage de Pierre, sa belle profession de foi. Ce dernier, en effet, quelques instants après, adresse à Jésus « de vifs reproches » parce qu’il vient d’annoncer qu’il devra souffrir et mourir ; et il s’attire une réplique cinglante de Jésus : « Passe derrière moi, Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ! ». Les évangélistes n’ont pas falsifié le réel. Ils ont rapporté fidèlement la totalité de l’épisode, n’hésitant pas à laisser voir clairement les contradictions qui habitent la pensée et le cœur de l’Apôtre Pierre. Les évangiles ne mentent pas ; ils n’enjolivent pas la réalité, ils ne déforment pas le réel. Et personne, dans l’Eglise, n’a jamais osé enlever une seule page des évangiles, pas mêmes celles qui pouvaient être des pierres d’achoppement pour les premières générations de chrétiens, comme celle des tentations de Jésus au désert, comme celle du reniement de Pierre, comme celle des doutes de Thomas, et bien d’autres encore. Pierre, ici, est capable de proclamer la véritable identité de Jésus, parce que Dieu le Père la lui a révélée, mais il est aussi capable de se laisser enfermer dans des pensées qui ne viennent plus de Dieu, mais de l’Adversaire, du Satan, de l’Anti- Christ ! Les propres attentes de Pierre, ses limites, ses catégories, son idéologie demeurent trop humaines et, pire encore, elles ouvrent une brèche pour l’œuvre du diable. Et c’est tout cela qui fait partie des Saintes Ecritures, de la Parole de Dieu, et qui fait qu’aujourd’hui, comme hier, et comme demain, toutes les générations de chrétiens peuvent se reconnaître dans la figure de Pierre.

Frères et sœurs, ce qui est en jeu, c’est le cœur, le noyau dur de la foi en Jésus-Christ. La perspective de voir souffrir et mourir le Messie fait peur à Pierre, parce qu’il est incapable d’entrer en profondeur dans le mystère du Christ. Et nous-mêmes, nous buttons forcément sur le mystère de la croix, tant que notre connaissance du Christ demeure par trop humaine, tant que nous le regardons seulement sur l’horizon de nos propres attentes, de nos propres désirs, de nos propres limites. Il en va d’ailleurs pareillement de la résurrection du Christ. C’est en effet le même mystère, le mystère pascal. C’est lui que nous célébrons dans chaque sacrement et tout particulièrement à chaque messe qui est l’actualisation de ce mystère. Sur l’autel, la mort et la résurrection du Christ sont actualisées pour nous, pour notre vie, pour notre salut. Le Christ ne cesse pas de s’offrir à son Père et de nous prendre avec lui dans cette offrande pour que nos vies deviennent elles-mêmes des offrandes d’amour au Père.

On comprend dès lors l’invitation du Christ, adressée aux disciples et à la foule : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera ». Nous savons tous, parce que nous en faisons l’expérience, que la vie n’est pas un long fleuve tranquille ! Personne ne cherche les épreuves, les souffrances, les échecs. Celui qui les rechercherait ou s’y complairait relèverait de la psychiatrie. Mais nous n’avons pas besoin de les chercher, car elles se présentent à nous, inévitablement. Elles font partie de la condition humaine. Et le Fils de Dieu lui-même en consentant à prendre cette condition humaine a assumées dans sa chair les épreuves et les souffrances. Il n’ a pas assumé que les siennes, mais celles de tous les hommes. Sur la croix c’est nos souffrances qu’il portait, nos péchés dont il était chargé. Si le chrétien peut suivre le Christ en portant ses propres croix, c’est parce que le Christ les a déjà portées et les porte encore aujourd’hui et pour l’éternité. La croix qui était un instrument de supplice, de torture est devenue le symbole des chrétiens, parce qu’elle est le signe du salut. La croix est le signe de l’amour infini du Seigneur : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». C’est ce qui faisait dire à un saint qu’ « une vie sans croix est une vie sans amour ». Et c’est là le grand trésor de la vie chrétienne : transformer en amour les épreuves et les souffrances de la vie, en les offrant, en les unissant à l’offrande du Christ. C’est comme cela qu’on peut comprendre la parole de saint Paul : « j’achève dans ma chair ce qui manque à la Passion du Christ ». En fait, il ne manque rien à la Passion du Christ, puisque son offrande est totale, parfait, absolue. S’il manque quelque chose, c’est ce que chacun peut offrir de sa propre vie, pour que l’offrande du Christ ne soit pas rendue vaine. C’est le « oui » de notre liberté au mystère de la croix du Christ.

Comment puis-je savoir que ma foi au Christ mort et ressuscité est bien réelle ? Si je consens à entrer moi-même dans ce mystère d’amour. C’est le sens des paroles de saint Jacques dans la seconde lecture de ce dimanche : c’est notre charité qui vérifie la qualité de notre foi. Et il n’y a pas de charité, d’amour véritable, sans renoncement à soi-même, sans qu’on prenne la croix pour aimer le plus possible comme Jésus a aimé. Amen.

 

+ Francis BESTION

Evêque de Tulle

 

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