Débats sur la bioéthique : dialogue et vérité — Diocèse de Tulle

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Débats sur la bioéthique : dialogue et vérité

Edito de l'Eglise en Corrèze - Mars 2018

            Depuis le 18 janvier, les Etats généraux de la bioéthique ont été ouverts dans notre pays pour inviter les citoyens à débattre en vue de la révision des lois de bioéthique. Les évêques de France ont souhaité que les catholiques prennent part à ce débat au nom du dialogue entre Eglise et société, pour y faire entendre leur voix sur des questions dont les enjeux sont majeurs et pourtant insuffisamment perçus, semble-t-il, par une majorité de nos concitoyens.

            Nos dirigeants ont déjà clairement pris position (pendant la campagne présidentielle et après), notamment sur la Procréation médicalement assistée (PMA) pour qu’elle soit ouverte à toutes les femmes, c’est-à-dire aux femmes célibataires et aux couples de femmes, alors qu’elle était jusqu’à présent réservée aux couples composés d’un homme et d’une femme, pour remédier à l’infertilité (Loi de 1993). On peut donc légitimement s’interroger sur l’opportunité de débattre si les jeux sont déjà faits… Plus largement, ce qui pose question, c’est la capacité réelle du Législateur à faire des choix qui ne reposent pas seulement sur les désirs des individus, quand bien même ces désirs, en s’ajoutant les uns aux autres, peuvent aboutir à une opinion majoritaire. La norme du Droit est-elle la recherche du Bien commun ou la ratification d’une opinion majoritaire, laquelle, par définition, est toujours suspecte de pouvoir être influencée, voire manipulée, par toutes sortes de courants idéologiques ? Il ne manque pas d’exemples, dans l’Histoire des sociétés, où des majorités populaires ont conduit, directement ou indirectement, à des tragédies… Quand les désirs des individus deviennent la norme du Droit, peut-on encore parler de recherche du Bien commun ? Ce dernier ne pourra jamais se réduire à l’addition des désirs et des attentes individuelles.

            Les débats actuels sur la bioéthique doivent nous conduire à nous poser une question de fond : quel Homme et quelle société voulons-nous pour aujourd’hui et demain ? L’enjeu est en fin de compte le statut de la Personne humaine. Qu’il s’agisse du début de la vie ou de sa fin, qu’il s’agisse de la famille, de la parentalité et de la filiation, de la génétique, de l’intelligence artificielle et de la robotique, ce qui est en cause c’est le sens de l’humain. Voulons-nous construire cette humanité sur le plus petit dénominateur commun – la matérialité biologique – ou bien prendre en compte le Tout de l’Homme, dans ce qui fait son originalité propre, à savoir sa dimension relationnelle et spirituelle ? Sommes-nous, par exemple, conscients que la PMA « sociétale » pourrait bien se révéler être une sorte de bombe à retardement préparant une guerre future des générations ? On invoque volontiers l’argument de l’ « égalité » pour promouvoir la PMA pour les femmes seules ou les couples de femmes, mais se demande-t-on si l’enfant « produit » hors généalogie sera l’égal du couple qui l’accueille, alors qu’ils n’auront pas la même histoire ? Dans une société laminée par la sécularisation et le consumérisme, où les enfants, les jeunes (et finalement les adultes) deviennent des « orphelins » spirituels, va-t-on aller jusqu’à les priver légalement d’une filiation charnelle accomplie, au point de les rendre étrangers à eux-mêmes, parce qu’ils ne sauront plus qui ils sont, ne sachant pas d’où ils viennent ? En réduisant la procréation à la fécondation, en rendant légal (au nom d’un soi disant « progrès ») ce que la science et la technique permettent de faire, en matérialisant le vivant, on s’apprête à renverser ce qu’il y a de plus universel dans la condition humaine. Pour un prétendu droit à l’enfant, on est prêt à sacrifier les droits de l’enfant. Quant on songe, comme le note le Centre catholique des médecins français (CCMF), que notre civilisation est parvenue à faire du droit des enfants une sorte de « pierre d’angle » pour la défense de tous les plus fragiles, on peut légitimement se demander ce qu’il adviendra des personnes âgées, des pauvres et des étrangers ?

            Avec toute la délicatesse et la pédagogie requises, puissions-nous, comme disciples-missionnaires du Christ, ne pas craindre de témoigner du caractère sacré et inviolable de toute vie humaine, de tout Homme, de la Personne humaine ! Parce qu’il s’agit d’une question qui touche à la cohérence interne de notre message sur la valeur de la personne humaine, ne craignons pas le dialogue ouvert avec nos concitoyens, mais accompagné aussi d’un témoignage courageux rendu à la Vérité.

 

Votre évêque,

+ Francis BESTION

           

           

           

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