Dans l'Église souffrante, nous montons vers Pâques ! — Diocèse de Tulle

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Dans l'Église souffrante, nous montons vers Pâques !

Edito de l'Eglise en Corrèze - Avril 2019

Dans l'Église souffrante,nous montons vers Pâques !Depuis des mois, on parle beaucoup de l’ « ÉGLISE » dans les media classiques et les réseaux sociaux, la plupart du temps pour dénoncer les abus sexuels commis par des membres du clergé. L’abcès crevé laisse jaillir et s’écouler son pus, et, avec lui, de la révolte, de la rancœur, des critiques qui témoignent de la grande souffrance des victimes, mais aussi de tous ceux qui se sentent blessés dans leur appartenance à l’Eglise. Comment ne pas être touchés et parfois même troublés par tous ces « cas » d’abus et par le déferlement médiatique qui s’abat sur l’Eglise !

Comme fidèles du Christ, comme fils et filles de l’Eglise, notre mère, nous éprouvons un grand malaise, une profonde douleur, beaucoup de tristesse et d’amertume face aux actes ignominieux commis par ceux qui avaient été consacrés pour le service de leurs frères. La souffrance de leurs victimes, contenue et tue pendant de longues années, et donc souvent ignorée de la plupart d’entre nous, éclate au grand jour et nous émeut profondément.

En plus de tout cela, j’éprouve une autre sorte de malaise, semblable à celui que tout un chacun peut éprouver lorsqu’il se sent victime d’une injustice. C’est comme si je devais porter, comme si nous devions porter, le poids de fautes que nous n’avons pas commises, une sorte de fardeau écrasant, alors que nous sommes innocents. Personnellement, j’essaye de l’assumer, tant bien que mal, parce que je fais partie d’un Corps blessé – le Corps du Christ – et qui plus est comme ministre dans ce Corps, et que je ne peux pas m’en abstraire comme si cela ne me concernait pas. Comment ne pas penser à Jésus, la Tête de ce Corps, qui a porté sur la Croix les péchés de toute l’humanité, et donc les miens ? S’il y a un innocent de tout le mal du monde, c’est bien Lui, le Juste par excellence. Par amour pour tous, il a accepté le calice de la souffrance extrême en versant son propre sang, Lui l’Agneau immolé. Je pense aussi à saint Paul qui a osé dire : « j’achève dans ma chair ce qui manque à la Passion du Christ ». En fait, il ne manque rien à la Passion du Christ – si ce n’est ma participation, comme membre de son Corps, au mystère de la Rédemption. Il y a une sorte de solidarité mystérieuse dans le mal, mais il y en a une plus grande, plus forte, si j’y consens, au mystère pascal du Christ.

Ceci dit, je ne voudrais pas qu’on assimile l’Église à une sorte de marâtre, qu’on la réduise ou la limite, de manière caricaturale, à la hiérarchie de ses ministres et, encore moins, à quelques-uns d’entre eux qui ont défiguré son visage d’Épouse et de Mère. Que certains media commettent ces amalgames n’est pas très étonnant, car pour eux l’Église n’est qu’une institution humaine ; certains éprouvent même un malin plaisir à stigmatiser sa hiérarchie. C’est plus grave lorsque des journalistes de la presse dite « catholique », et d’autres membres de l’Église, se complaisent dans la généralisation et les amalgames outranciers – certains n’hésitant pas à instrumentaliser telle ou telle situation dramatique pour conforter et répandre des idéologies anti-cléricales, voire même pour porter des jugements péremptoires sur l’ensemble de l’institution, sur ses clercs en particulier qui, selon eux, seraient tous atteints d’une maladie appelée « cléricalisme »... Je pense souvent aux jeunes prêtres qui font leur premiers pas dans le ministère, qui, généreusement, ont consacré leur vie pour le service de leurs frères, et qui, non seulement doivent subir l’humiliation à cause de crimes commis par certains de leur aînés, mais aussi la suspicion et la critique de la part de membres de l’Église qui remettent en cause le célibat des prêtres et confondent autorité ministérielle et cléricalisme.

L’Église est certes une institution, mais elle est beaucoup plus que cela, sinon il y a bien longtemps qu’elle n’existerait plus ! C’est parce qu’elle est ma mère que je l’aime et que je pleure qu’elle soit défigurée par certains de ses membres. Parce qu’elle est le Corps mystique du Christ, elle est bien plus que ce que le monde en voit et que nous-mêmes en voyons. Alors que nous allons célébrer le Triduum sacré de la passion, de la mort et de la résurrection du Christ, souvenons-nous que c’est du côté transpercé de Jésus qu’est née l’Église et que les puissances des ténèbres ne prévaudront pas sur elle !

Nous portons notre croix, mais nous montons vers Pâques !

+ Francis BESTION

Evêque de Tulle

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