Ne ratons pas le sens de l'histoire — Diocèse de Tulle

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Ne ratons pas le sens de l'histoire

Edito de l'Eglise en Corrèze - Septembre 2020

En plein cœur de l’été, après quelques jours seulement de débats au pas de charge, dans la nuit du 31 juillet au 1er août, 101 députés (sur 577) se sont prononcés, en deuxième lecture, sur le projet de loi relatif à la bioéthique. Résultat du vote : 60 voix pour, 37 contre et 4 abstentions. La prochaine étape sera l’examen de la loi, en deuxième lecture, par le Sénat, probablement en janvier. Mais le dernier mot reviendra de toute façon à l’Assemblée nationale.

Ce projet de loi adopté par les députés remet profondément en cause les valeurs universelles éthiques de dignité, de solidarité et de fraternité, en permettant à des revendications au nom de situations particulières de prévaloir sur le « bien commun» de la société. En fait, ne sommes-nous pas en train de développer une bioéthique « à la demande», conduisant inévitablement à des dérives marchandes, eugéniques et transhumanistes ?

Les partisans de cette loi se sont réjouis d’avoir recherché et trouvé « un équilibre».

  •  Mais comment parler de la sorte quand cette loi ouvrira aux couples de femmes et aux femmes seules la procréation médicalement assistée (PMA) jusque-là réservée aux couples hétérosexuels souf-frant d’infertilité ? Peut-on se réjouir d’interdire dé-sormais à des enfants d’avoir un père ? D’autre part, est-ce normal que la Sécurité sociale rembourse cette PMA, surtout quand on sait l’état de ses comptes et le fait que de plus en plus de personnes malades n’ont plus accès à des soins coûteux, faute de pouvoir cotiser à une mutuelle complémentaire ?
  •  Peut-on se réjouir que le texte de loi permette d’établir la filiation au sein d’un couple de femmes par reconnaissance anticipée de l’enfant auprès d’un notaire, que des femmes puissent conserver leurs ovocytes en dehors d’une nécessité médicale et que soit consacrée dans le texte la facilitation des recherches sur les cellules souches embryonnaires ?
  •  Est-ce une avancée éthique que de permettre la création de « chimères» pour la recherche, en insérant des cellules humaines dans des embryons d’animaux ? 
  •  Comment ne pas désapprouver fortement la dis-position adoptée à la sauvette, en pleine nuit, à la fin de l’examen du projet de loi, qui autorise à recourir à l’interruption médicale de grossesse jusqu’au terme de la grossesse, en raison d’ « une détresse psychosociale» - notion bien difficile à objectiver, et qui risque concrètement d’ouvrir la voie à des IVG en fin de grossesse ?

Je ne peux pas passer ici en revue tous les articles de ce projet de loi adopté par l’Assemblée nationale. Beaucoup d’autres posent de graves problèmes. On est en droit de s’interroger, comme l’a fait Mgr Pierre d’Ornellas, reponsable du groupe de travail bioéthique de la Conférence des Évêques : «le vote des députés n’est-il pas guidé par une certaine myo-pie ? » Alors que notre planète à bout de souffle nous impose un véritable tournant écologique, comment être aveugle au point de ne pas remarquer qu’on est en train de reproduire pour l’humain les mêmes erreurs que pour l’environnement ? «Tout est lié » ne cesse de répéter le Pape François ! Oui, tout est lié dans le respect du vivant, qu’il appartienne à l’environnement ou à l’espèce humaine ! Allons-nous, une fois de plus, rater le sens de l'Histoire, en maltraitant la vie humaine ? Les menaces sont bien réelles : marché des tests génétiques, robotisation et intelligence artificielle sans contrôle suffisant, expérimentation sur des embryons chimères, sélec-tion accrue des enfants à naître, filiation sans pa-ternité, maternité sans gestation, marchandisation de la procréation. Comment protéger la création tout en mettant en danger ce qu’elle renferme de plus précieux, l’homme ? Il n’y aura pas de véritable écologie si l’anthropologie (ce qui concerne l’humain) n’est pas intégrée ! L’écologie sera intégrale ou elle ne sera pas !

Restons mobilisés en cherchant à approfondir notre réflexion sur ces questions et en faisant connaître nos désaccords aux représentants de la Nation

.+ Francis BESTION, Évêque de Tulle

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