7 avril 2020 - Messe chrismale — Diocèse de Tulle

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7 avril 2020 - Messe chrismale

Messe à l’oratoire de la Maison diocésaine en raison du confinement sanitaire

« L’Esprit du Seigneur est sur moi ; l’Esprit du Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs la libération, et aux aveugles pour qu’ils retrouvent la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur ».

Frères et sœurs, ce sont là les paroles que Jésus lit dans le rouleau du prophète Isaïe, à la synagogue de Nazareth, et qu’il comprend comme le concernant lui-même, lui l’Envoyé du Père, le Messie de Dieu, le Christ, celui qui a reçu l’onction céleste. Et c’est pour cela, qu’ayant refermé le Livre saint, à la fin de la lecture, il peut dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Ecriture que vous venez d’entendre ».

Deux mille ans après, l’Eglise qui lit cette page d’Evangile, au cœur de la Semaine sainte, comprend, elle aussi, comme son Maître et Seigneur, Jésus-Christ, que ces paroles s’adressent à elle. Elle comprend que, comme servante du Seigneur en ce monde, prolongeant et actualisant l’incarnation et la Rédemption, l’Esprit Saint repose sur elle, qu’il la consacre pour qu’elle porte la Bonne Nouvelle aux pauvres de ce monde, qu’elle libère les cœurs opprimés, qu’elle apporte le réconfort aux malades et à tous les souffrants, qu’elle témoigne de la grâce miséricordieuse de Dieu pour ses enfants bien-aimés.

Et quand je dis « l’Eglise », je n’entends pas d’abord une institution, mais le « Corps mystique » du Christ, où chaque membre de ce Corps, parce qu’il a lui-même reçu l’onction de l’Esprit, faisant de lui un prêtre, un prophète et un roi, se sent appelé et envoyé – disciple-missionnaire – pour être ce porteur de la Bonne Nouvelle aux pauvres, cet annonceur du Salut, ce témoin de la libération des cœurs, cet acteur du « prendre soin », comme on dit aujourd’hui, pour ses frères et sœurs en humanité.

L’année de l’Appel que nous vivons en diocèse, dans nos Communautés Locales, nos fraternités locales missionnaires, dans nos Ecoles, nos mouvements apostoliques, nos groupes de spiritualité, nos familles – cette année de l’Appel nous rappelle d’abord et primordialement que nous sommes les oints du Seigneur, que nous avons reçu l’onction de l’Esprit pour cette mission christique de porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, de faire tomber les chaînes de tous les esclavages du péché, de toutes les oppressions du mal, de permettre la guérison de toutes les cécités morales, de toutes les infirmités qui tiennent les hommes paralysés.

Frères et sœurs, nous savons ce qui s’est passé dans la synagogue de Nazareth après que Jésus ait prononcé les paroles du prophète Isaïe et qu’il ait dit que ces paroles trouvaient en sa propre personne leur accomplissement. L’évangéliste saint Luc rapporte que « tous lui rendirent témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche ». Mais, cependant, aussitôt après, vint sourdre dans leur esprit, une autre réaction, résumée ainsi par saint Luc : « n’est-il pas le fils de Joseph ? ». Autrement dit : comment peut-il se prendre pour le Messie ? Qui est-il pour s’attribuer à lui-même les paroles du prophète ? Nous savons bien qui il est en réalité : le fils du charpentier. Et nous nous rappelons la conclusion du récit : ils deviennent furieux et jettent Jésus hors de la synagogue, allant jusqu’à le conduire au bord d’un escarpement rocheux pour le précipiter dans le vide.

Ce que ces habitants de Nazareth exprimèrent, à la fois comme étonnement, mais aussi comme vindicte à l’égard de Jésus, on pourrait aussi le transposer à la manière dont la société regarde l’Eglise à travers sa marche dans les siècles. Avec la différence que l’Eglise, même si elle est sainte dans son chef, reste pécheresse dans ses membres – lesquels doivent sans cesse se convertir pour essayer de correspondre à la grâce de l’onction qu’ils ont reçue, afin que leur témoignage puisse porter tous les fruits de sainteté espérés.

Frères et sœurs, nos sociétés sans Dieu, ont plus que jamais besoin que les disciples du Christ, ceux que l’Esprit a consacré, aient le courage et la force nécessaires, puisés dans le mystère pascal du Christ, source de foi, d’Espérance et de charité, pour être les annonceurs et les témoins de la Bonne Nouvelle pour les pauvres de ce monde, pour les captifs, les aveugles, les boiteux, les opprimés et tous les souffrants, dont ils font eux-mêmes partie. La tempête de l’épidémie qui s’est abattue sur l’humanité nous révèle l’extrême fragilité de la condition humaine, notre vulnérabilité et toutes les formes de fausses sécurités avec lesquelles nous avions construit nos vies, nos habitudes, nos priorités – ce que beaucoup de nos contemporains, et peut-être nous-mêmes parfois, appellent le « progrès », en l’appliquant à tous les domaines de la vie et de l’activité humaine, jusqu’à forcer l’éthique à passer sous les fourches caudines de ce soi-disant « progrès ». Et voilà qu’un ennemi microscopique et donc invisible, surgi d’on ne sait où, incontrôlable, insaisissable, est venu perturber et même ébranler les tours de Babel érigées par les grands prêtres de la nouvelle religion du progrès, par les Prométhée des temps modernes, par les promoteurs d’un libéralisme économique sans limites, bien peu soucieux du Bien commun et de tous les « laissés pour compte » de la société.

Plus que jamais, notre conscience chrétienne se laisse interpeller par les paroles du Christ, par sa mission qui l’a rendu proche des pauvres, des pécheurs, de ceux que la société tenaient à l’écart et rejetaient. Il s’est laissé rencontrer et toucher par eux. Il s’est même identifié à eux. En prenant notre condition humaine, il a éprouvé la faim, la soif, la fatigue, la souffrance, jusqu’à l’angoisse. En offrant sa vie sur la croix, en allant jusqu’à se dépouiller de sa vie par pur amour, il a éprouvé jusqu’à l’abandon de Dieu.

Frères et sœurs, les rites de cette messe chrismale, où l’évêque consacre le saint-chrême, bénit l’huile pour les malades et l’huile pour les catéchumènes, sont comme les signes de la vocation de l’Eglise à prolonger le ministère du Christ, à le rendre présent aux pauvres, aux aveugles, aux opprimés, aux captifs ; et nous en sommes nous-mêmes les bénéficiaires.

L’onction du saint-chrême consacre les baptisés, elle les confirme pour qu’ils soient les témoins du Christ, ses disciples-missionnaires. Elle consacre les évêques et les prêtres pour qu’à travers leur ministère le Christ lui-même continue d’annoncer la Bonne Nouvelle du Salut, qu’il offre sa miséricorde aux pécheurs, qu’il actualise son sacrifice rédempteur : « faites ceci en mémoire de moi », pour qu’il se donne dans son corps et son sang.

L’huile des malades est bénie pour qu’à travers le ministère des prêtres dans le sacrement de l’onction des malades, les malades soient réconfortés par la grâce de l’Esprit saint, pour que le Seigneur les sauve et les relève. C’est ainsi que l’Eglise sert le Christ dans les membres souffrants du Corps mystique, qu’elle rend visible la douceur et la tendresse divines.

L’huile des catéchumènes donne aux futurs baptisés la force de lutter contre le mal, de se dépouiller du vieil homme pour que naisse l’homme nouveau recréé par le Christ. C’est ainsi que l’Eglise sert le Christ dans ceux qui vont renaître de l’eau et de l’Esprit et avoir part à sa grâce de salut.

Chers amis, en cette messe chrismale, demandons au Seigneur de nous rendre toujours plus accueillants au don de sa grâce qu’il répand en nous par sa Parole et ses sacrements, par le ministère des évêques, des prêtres et des diacres qui continue et prolonge son œuvre de Grand Prêtre et de Pasteur, de Serviteur de Dieu et de ses frères pour le salut de tous. Demandons la grâce d’être fidèles, les uns et les autres, selon notre état de vie et notre mission dans l’Eglise, à l’onction de l’Esprit-Saint que nous avons reçue. Que dans l’Eglise servante, la Bonne Nouvelle continue d’être annoncée aux pauvres, que la libération soit annoncée aux captifs, que les aveugles recouvrent la vue, que les opprimés soient libérés ! Amen.

 

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