19 juin 2020 - Solennité du Sacré-Cœur — Diocèse de Tulle

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19 juin 2020 - Solennité du Sacré-Cœur

Eglise du Sacré-Cœur des Rosiers – Brive

Frères et sœurs,

Après les solennités de la Sainte-Trinité et du Corps et du Sang du Christ, la liturgie nous invite à nous tourner vers le Cœur du Christ. Et il y a là une indication très précieuse pour la vie de l’Eglise et de chacun de ses membres. Il s’agit certes d’une donnée qui peut toucher notre sensibilité – et celle-ci a sa place dans la vie chrétienne – , mais plus profondément encore il s’agit d’une dimension première de notre foi qui est capable d’animer et de transformer notre quotidien. Notre vie est illuminée par la révélation du Cœur de Jésus, c’est-à-dire de son amour. Saint Jean, dans sa première lettre n’a qu’un mot pour dire le mystère de Dieu : l’amour. L’Amour vient de Dieu, car Dieu est amour. « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, mais c’est Lui qui nous as aimés, et il a envoyé son Fils en sacrifice de pardon pour nos péchés ».

Nous savons tous qu’il y a deux organes fondamentaux pour notre vie : le cerveau et le cœur. Le cerveau est l’organe de la pensée, de la raison, de la mémoire, de la volonté, de l’imagination. Il oriente, il coordonne, il guide, il commande, il décide, etc. Le cœur, par ses battements ininterrompus, est l’organe de la vie parce qu’il permet d’envoyer et de recevoir le sang qui circule dans tout le corps. Si le cœur s’arrête la vie biologique s’arrête. Et voilà pourquoi il a une grande valeur symbolique dans toutes les civilisations. Il est l’expression des qualités humaines de la personne : on dit de quelqu’un que c’est un homme ou une femme de cœur, qu’il ou qu’elle « a du cœur », et mieux encore « bon cœur » ; pour indiquer la souffrance, on parle d’un « cœur brisé ».

C’est pour cela que dans la Bible, le cœur tient une grande place. Le cœur y est synonyme de toute la personne, le centre de l’être. Il est le lieu où l’homme rencontre Dieu. La vraie religion n’est pas seulement dans le culte et les paroles, mais dans le cœur. Les hommes regardent l’apparence, mais Dieu regarde le cœur. Et c’est pourquoi il faut chercher Dieu de tout son cœur et l’aimer de tout son cœur.

Dès lors, quoi de plus normal que l’Amour de Dieu, sa miséricorde infinie, se révèle au plus haut point dans le mystère du Cœur de son Fils, le Cœur de Jésus. Parler du Cœur de Jésus, c’est dire avant tout que le Verbe de Dieu s’est fait chair, que Jésus est vraiment homme. Il a éprouvé les sentiments humains. Il a été sensible à l’amitié, à l’hospitalité, à la consolation. Il a souffert et a été en proie à la détresse, à la peur, à l’angoisse. Dans sa passion, il a eu le cœur brisé physiquement et moralement.

Et surtout, en Lui s’est vraiment manifesté l’amour de Dieu pour l’humanité, pour chacun et chacune d’entre nous. L’évangile nous rapporte ses propres paroles : « apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ». Cette douceur et cette humilité sont celles dont il est question dans les Béatitudes, lorsque Jésus proclame : « heureux les pauvres de cœur », « heureux les doux ». Seul Jésus a pu vivre pleinement ces béatitudes parce qu’il portait en lui cette douceur et cette pauvreté de Dieu qui patiente devant nous et qui attend, comme le pauvre, que nous voulions bien lui prêter attention.

La dévotion au Cœur de Jésus n’est pas une dévotion parmi d’autres, elle n’est pas une dévotion sentimentale pour les mièvres ; elle nous révèle que dans la Sainte Trinité, il y a la personne du Fils avec sa très sainte humanité. Ce qui faisait dire à saint Athanase : l’un de nous est dans la Trinité. Cela explique que dans son corps ressuscité Jésus garde les plaies de la crucifixion, qu’il ait fait voir ainsi son cœur transpercé à Sainte Marguerite Marie et qu’il ait présenté à sainte Faustine le modèle de l’icône de la miséricorde. La dévotion au Cœur de Jésus rejoint profondément les grands courants spirituels qui ont insisté sur l’humanité du Christ. Nous pouvons penser à saint Bernard, à saint François d’Assise, à sainte Thérèse d’Avila, à saint François de Sales, à tout le courant qu’on appelle l’Ecole française, et, plus près de nous, à sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et le bienheureux Charles de Foucaud.

C’est pour cela, chers amis, que dans l’Eglise doit battre le Cœur de Jésus. C’est pour fonder l’Eglise et la nourrir sans cesse qu’ont coulé du côté du Christ, jaillissant de son Cœur, l’eau et le sang, signes de l’Eglise elle-même et des sacrements de l’Eglise, tout particulièrement le baptême et l’eucharistie. Quand l’Eglise célèbre la solennité du Sacré-Cœur, quand elle fête le cœur du Christ, elle se rappelle que son cœur, et donc aussi le nôtre, doit devenir semblable à celui de Jésus : un cœur accueillant pleinement l’amour divin pour en vivre et pour le répandre dans le monde.

Frères et sœurs, contempler le cœur de Jésus, c’est aller au cœur de la foi, c’est contempler l’amour du Fils de Dieu incarné, c’est découvrir la manière dont Dieu nous a aimés et nous aime toujours en Lui. Contempler le cœur de Jésus, c’est éprouver dans notre propre cœur, au plus profond de notre âme, que ce Cœur est avant tout une Présence. Le mystère du christianisme, c’est avant tout et par-dessus tout, celui d’une Présence. Celui ou celle qui n’éprouverait pas au plus profond de son être le mystère de cette Présence ne saurait pas non plus ce qu’est vraiment la foi chrétienne.

Saint Augustin fut le premier auteur chrétien qui, dans son livre des Confessions,  a exprimé cette vérité d’une manière sublime. Le cœur du jeune Augustin avait longtemps erré dans toutes sortes de fausses doctrines avant de trouver la Vérité. Et cela parce qu’il ne comprenait pas encore qu’il fallait plus que la seule raison, qu’il fallait aussi la foi, la confiance, et beaucoup d’humilité pour chercher la Vérité, et cela parce que la Vérité n’est pas une idée, n’est pas une chose, mais une personne, le Christ. On peut saisir les objets, mais les personnes, on doit essayer de les approcher avec respect et on n’a jamais fini de les comprendre ; que dire lorsqu’il s’agit de Notre Seigneur Jésus, l’une des personnes de la Sainte Trinité ?

En fait, comme saint Augustin – mais avec moins de génie que lui – nos contemporains et parfois nous-mêmes, nous cherchons en dehors de nous-mêmes, ce qui est pourtant caché au plus profond de notre cœur. Lorsqu’enfin Augustin découvrit ce trésor caché dont parle les évangiles, cette perle de grande valeur pour laquelle on est prêt à vendre tous ses biens, il put écrire, les yeux pleins de larmes de joie : « Bien tard, je t’ai aimée, ô Beauté si ancienne et si nouvelle, bien tard, je t’ai aimée ! Voici que tu étais au-dedans, et moi au dehors, et c’est là que je te cherchais, et sur la grâce de ces choses que tu as faites, pauvre disgracié, je me ruais ! Tu étais avec moi et je n’étais pas avec Toi ; elles me retenaient loin de Toi, ces choses qui pourtant si elles n’existaient pas en Toi, n’existeraient pas ! Tu as appelé, tu as crié et tu as brisé ma surdité ; tu as brillé, tu as resplendi et tu as dissipé ma cécité ; tu as embaumé, j’ai respiré et, haletant, j’aspire à toi ; j’ai goûté, et j’ai faim et j’ai soif ; tu m’as touché et je me suis enflammé pour ta paix » (Conf. X, XXVII, 38). Augustin avait enfin découvert au plus intime de son être le mystère de la Présence aimante du Seigneur.

Ô, cœur ouvert de Jésus ! Tu fais couler en nos âmes les flots de ta miséricorde infinie ! Jésus, fais-nous la grâce de pouvoir entrer dans ton cœur pour que nous participions à ton œuvre d’amour et que nous manifestions ta tendresse à tous les mal aimés, à tous les délaissés, à tous ceux qui ont soif de ta Vérité, de ta douce Présence. Amen.

 

 

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