1er novembre 2020 - Solennité de Tous les Saints — Diocèse de Tulle

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1er novembre 2020 - Solennité de Tous les Saints

Cathédrale de Tulle

Frères et sœurs,

Cette solennité de Toussaint est teintée d’une bien grande tristesse en raison des épreuves que traversent notre pays et notre Eglise catholique. Aux difficultés causées par l’épidémie du coronavirus est venu s’ajouter la tragédie des attentats commis par des terroristes islamistes, à Conflans-Sainte-Honorine et tout récemment à Nice, dans la basilique de Notre-Dame de l’Assomption où trois chrétiens ont lâchement été assassinés.

Dans ces circonstances dramatiques, comment accueillir les paroles de Jésus dans le Sermon sur la montagne, qui nous parle de béatitude : « bienheureux, bienheureux, réjouissez-vous… » ? En fait, ces paroles se révèlent dans toute leur profondeur, en nous donnant de voir ce que nous risquerions de mettre de côté parce que cela peut heurter la conception du bonheur qui est celle d’une mentalité mondaine. Les paroles de Jésus sont déroutantes à première vue, parce qu’elles mettent côte à côte des réalités qu’on pense plutôt antinomiques : béatitude et pauvreté, béatitude et pleurs, béatitude et insultes, béatitude et persécution. Cette alliance de réalités qui en apparence se contredisent ou dont on voit mal comment elles peuvent cohabiter, pourrait, au mieux, décontenancer un lecteur étranger à la foi ou, au pire, le conduire à la dérision. Mais pour nous, disciples de Jésus, les béatitudes révèlent le mystère de la sainteté de Dieu, de la sainteté de Jésus, son Fils, et sont un appel à vivre nous-mêmes la sainteté. Et voilà pourquoi, nous écoutons cette page d’évangile en cette fête de Tous les Saints.

La fête de Tous les Saints est la fête de la préférence, incompréhensible pour la seule raison humaine, de la préférence de Dieu pour les pauvres, pour ceux qui pleurent, pour les persécutés. Qui d’entre nous aurait la prétention d’être parmi ces pauvres et ces persécutés ? Mais, il y a eu un vrai Pauvre et un vrai Persécuté, Jésus, dont les béatitudes sont en fait le portrait. Et il y a aussi, dans le monde d’aujourd’hui, des pauvres qui n’en peuvent plus et des persécutés qui souffrent pour leur foi et leur fidélité au Christ. Il y a des innocents qui, comme Jésus, sont assassinés. Il y en a des milliers et des milliers dans le monde et nous les ignorons bien souvent, parce qu’ils sont loin de nous, sauf quand la persécution, la haine, la violence, la barbarie font leur apparition dans notre société, près de chez nous.

Message de joie, annonce d’un don, les béatitudes sont lourdes d’exigences religieuses et morales : rejeter la violence, la dureté, la colère, la vengeance ; être droit et sans duplicité avec Dieu et les autres ; être disponible à la justice de Dieu qui implique la justice entre les hommes ; servir la paix ; pardonner et vivre la réconciliation ; tout cela au besoin en acceptant la persécution. Ainsi a vécu Jésus. Ainsi sont appelés à vivre ceux qui lui ressemblent. Les béatitudes peuvent résonner étrangement et comme irréellement dans notre société et pourtant elles sont le remède aux maux de l’humanité. Et c’est pourquoi elles sont aussi l’âme et le contenu de la mission, comme l’illustrent la vie des saints qui sont les meilleurs missionnaires dans l’Eglise, comme en témoigne l’influence missionnaire des personnes qui essaient de les vivre.

Les béatitudes nous disent ce qui caractérise tous les saints. Tous, sans exception, ils sont, d’une façon ou d’une autre, le miroir des béatitudes. Il ne peut pas en être autrement. Etre saint, c’est laisser l’Esprit-Saint peindre en nous les traits, du moins tel ou tel trait, du visage du Christ, qui est le Saint par excellence, parce qu’il est le chef-d’œuvre de la vie selon les béatitudes. Les saints ont eu des défauts, des limites, des imperfections. Mais leurs limites, leurs défauts, leurs péchés, les ont conduits à vivre de mieux en mieux les béatitudes : la pauvreté de cœur, la douceur, les larmes du repentir, la faim de l’amour de Dieu, l’appel à sa miséricorde et la miséricorde pour les autres, la limpidité du cœur et du regard, le service de la paix, l’accueil, non pas la recherche, mais l’accueil de la persécution. Portrait du Christ et des saints, les béatitudes sont en quelque sorte le résumé de l’Evangile. Nous ouvrir à la sainteté, c’est, grâce au Christ et en compagnie des saints, nous ouvrir peu à peu à la joie que Dieu veut nous donner en nous offrant son Royaume, à travers les sacrements, la prière, la connaissance de sa Parole, nos tâches apostoliques et nos efforts de conversion.

Parmi les saints, il y a ceux qui sont connus et ceux qui sont inconnus, ceux dont nous portons le nom et ceux qui ont donné leur nom à de nombreuses communes de France, ceux dont la vie a été écrite et ceux dont personne ne parle, ceux avec qui nous avons vécu et ceux de l’autre bout du monde, ceux dont nous avons pu admirer la vie et ceux que nous n’avons pas spécialement remarqués. La plupart d’entre eux n’ont pas fait des choses extraordinaires. Et ceux qui en ont fait sont saints parce qu’ils ont permis à Dieu de faire en eux ces choses extraordinaires. Les plus nombreux ont eu une vie ordinaire. Mais cette vie ordinaire, ils l’ont vécu avec beaucoup d’amour pour Dieu et leurs frères et sœurs.

Parmi les saints, il y a des enfants, des adolescents (comme le jeune Carlo Acutis, béatifié le 12 octobre dernier à Assise), il y a des jeunes et des adultes, des personnes âgées, des malades, des personnes handicapées. Il y a même des hommes et des femmes qui n’étaient pas chrétiens, mais qui le sont devenus en rencontrant le Christ lors de leur mort, en l’entendant leur dire : « chaque fois que tu as fait cela, c’est à moi que tu l’as fait ». Parmi eux, il y a des riches et des pauvres. Sans doute plus de pauvres que de riches, parce que dans le monde il y a plus de pauvres que de riches, et parce que le Christ a montré une particulière tendresse pour les pauvres. Les riches qui sont devenus saints le sont devenus, parce que, d’une manière ou d’une autre, ils sont devenus des pauvres. Parmi les saints, il y a des savants, mais aussi des hommes et des femmes sans instruction. La plupart ont eu une vie simple, occupée seulement à accomplir les tâches quotidiennes. L’Eglise des saints est un peuple étonnamment varié, sans frontière de couleurs, de race, de cultures. C’est ce qui fait la beauté du ciel, reflétant la beauté infiniment riche de Dieu Trinité.

Il est un point commun entre les saints que nous fêtons : c’est la certitude et la joie de savoir que leur sainteté n’a pas été le résultat de leur volonté, mais un don sans cesse offert et accueilli. Même les martyrs savaient que par eux-mêmes ils étaient toujours capables de renier le Christ. Comme saint Pierre qui s’en est souvenu toute sa vie et aussi saint Paul. Ce qui a fait de ceux et celles que nous fêtons des saints, c’est leur pauvreté de cœur. « Heureux les pauvres de cœur ». Oui, tous les saints ont été des pauvres de cœur, des assoiffés de douceur, de justice, de miséricorde, de paix, de droiture de regard et d’intention, des affamés de la consolation qui vient de Dieu. Ils ont tous été en recherche de la seule vraie richesse, qui est l’attachement au Christ, au besoin jusqu’à souffrir la persécution.

Ils ont de mieux en mieux découvert qu’ils étaient aimés de Dieu, malgré leur faiblesse et leurs péchés, parce que le Christ avait fait d’eux des enfants de Dieu. La sainteté a consisté pour eux, non à réaliser un idéal qu’ils s’étaient fait eux-mêmes, mais à laisser Dieu les faire ses enfants, dans le Christ, le Fils bien-aimé, par l’Esprit. Ils sont devenus saints en se laissant aimer par Dieu comme ses fils et ses filles, et en apprenant par là à aimer comme le Christ a aimé. Car pour aimer Dieu, il faut d’abord se laisser aimer par lui. La sainteté a consisté pour eux à s’abandonner, à abandonner leurs péchés et leurs incapacités à aimer, entre les mains du Père, avec Jésus.

Voilà pourquoi les saints ne sont pas pour nous des étrangers. Ils sont nos frères et nos sœurs aînés dans la famille de Dieu qui a pour nom la Communion des saints. Ils sont nos compagnons sur la route de notre vie. Ils ne nous oublient pas. Ils ne nous regardent pas avec orgueil. Loin de les éloigner de nous, leur sainteté les rend proches de nous. Nous pouvons leur parler de nous, de nos espoirs et de nos épreuves, de nos moments de lumière et de ténèbres. Ils sont nos intercesseurs auprès de Dieu. Nous pouvons leur dire, comme nous l’avons fait au début de la messe, dans la litanie des saints : « priez pour nous ». Ils nous comprennent. Eux aussi, ils ont connu nos joies et nos souffrances. Et ils savent comment parler à Dieu en notre nom. Ils sont pour nous le visage de Dieu adapté à notre mesure. En eux, nous découvrons les multiples facettes de la présence, de la miséricorde, de la beauté et de la grandeur de Dieu.

Ils nous rappellent que notre vie, si pauvre soit-elle, peut être utile au salut du monde, que nous ne sommes jamais perdus, que nous avons du prix aux yeux de Dieu. Ils nous rappellent que le désir et la gloire de Dieu c’est que nous devenions nous-mêmes des saints. Amen.

 

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