10 mai 2020 - Messe diffusée en direct en temps de confinement sanitaire — Diocèse de Tulle

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10 mai 2020 - Messe diffusée en direct en temps de confinement sanitaire

5ème dimanche de Pâques - Oratoire de la Maison diocésaine

Frères et sœurs,

Il y a une question importante, grave même, qui traverse tout le Nouveau Testament, les évangiles, les Actes des Apôtres, les épîtres de saint Paul et les autres épîtres : Jésus Ressuscité est-il encore parmi nous ? Comment être sûrs de sa Présence ? Peut-on croire sans voir ?

La première communauté chrétienne a été confrontée à ces questions. La plupart de ceux qui adhéraient à la foi n’avaient pas connu Jésus au temps de sa vie terrestre. Et même les Apôtres qui, eux, avaient vu Jésus de leurs yeux, avaient vécu quotidiennement avec lui, allaient être confrontés, après son Ascension vers le Père, à son absence physique, à son effacement de leur vue. Déjà, Jésus, lorsqu’il était avec eux, pendant son ministère public, les avait préparé au fait qu’il allait devoir souffrir la Passion, être crucifié et mourir, avant de ressusciter le troisième jour. Mais nous savons qu’ils n’avaient pas compris ou pas accepté cette perspective. Et, en toile de fond, il y avait la question de la véritable identité de ce Jésus de Nazareth. Jésus lui-même leur avait posé la question : « pour vous, qui suis-je ? ».

Dans l’évangile selon saint Jean, on trouve le long entretien de Jésus avec ses Apôtres, placé juste après le repas pascal, où il leur a lavé les pieds et où il a annoncé la trahison de Judas. Nous venons d’entendre un extrait de ce long entretien. Jésus leur parle de sa glorification future ; il leur explique que son Père va le glorifier, ce qui suppose son retour vers Lui, donc son départ. L’heure est venue de passer de ce monde au Père. Dans le quatrième évangile, la Passion de Jésus, sa mort, sa résurrection, son Ascension et le don de l’Esprit-Saint forment un tout indissociable. Voilà pourquoi, Jésus, avant même d’être livré, peut leur dire : « Je pars vous préparer une place » et aussi « pour aller où je vais, vous savez le chemin ».

Une fois de plus, c’est Thomas qui, d’une certaine manière, se fait, à l’avance, le porte-parole de tous les disciples du Christ qui se succèderont à travers les siècles, et nous en sommes : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions-nous savoir le chemin ? ». La réponse de Jésus – « je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » - rejoint une autre de ses paroles que nous avons entendu dimanche dernier : « Je suis la Porte des brebis ». Il y a dans cette formulation une espérance puissante pour nous qui croyons au Christ. Comme le dira Pierre devant le Sanhédrin : « il n’y a pas d’autre Nom sous le ciel par lequel nous puissions être sauvés ». Et c’est valable pour tous ceux qui n’auront pas vu Jésus de leurs yeux de chair, c’est valable pour nous, comme le dira explicitement le Ressuscité au même Thomas : « tu crois parce que tu as vu ; heureux ceux qui croiront sans avoir vu ! ».

En disant « je suis la porte », « je suis le chemin, la vérité et la vie », Jésus révèle sa véritable identité : il est plus qu’un Rabbi, il est plus qu’un prophète ; il est le Fils de Dieu, de même substance que le Père. C’est le sens des paroles à l’adresse de l’Apôtre Philippe : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : ‘montre-nous le Père’ ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! ». Nul autre que Jésus, sur la terre et dans les cieux, ne peut dire ‘je suis la porte », « je suis le Chemin, la Vérité et la Vie », parce que nul autre ne peut dire « je suis dans le Père et le Père est en moi ». Il nous faut mesurer ce que ces paroles pouvaient avoir de choquant pour un juif. Toute la tradition biblique affirmait que personne ne peut voir la face de Dieu. Il est l’Invisible. Prétendre s’identifier à Dieu était une affirmation exorbitante. Et ce sera précisément le motif de la condamnation à mort de Jésus : « cet homme a dit : ‘je suis le Fils de Dieu’ ».

Aujourd’hui, nous vivons dans une société éprise de pluralisme et de tolérance. Même s’il arrive que ceux qui prônent le plus la tolérance s’avèrent parfois dans leur comportement, être les plus sectaires, y compris à l’intérieur de l’Eglise. La question qui se pose à nous et qui est tout sauf anecdotique est la suivante : « le désir de respecter les autres religions pourrait-il se retourner contre notre propre foi, en nous conduisant à renoncer au fait que Jésus est le « chemin, la vérité et la vie », qu’il est « la porte » et donc le passage obligé et unique pour nous conduire au Père ?

Au long de l’histoire de l’Eglise, les chrétiens ont reconnu, avec plus ou moins de clarté, qu’il peut y avoir quelque chose de vrai, de juste et de bon dans d’autres religions. Cette conscience est devenue claire aujourd’hui, mais elle ne doit pas se transformer en une relativisation et encore moins une dévalorisation de notre propre chemin. Et d’ailleurs notre capacité en entrer en dialogue, dans une relation positive, avec d’autres croyants ou d’autres approches de la réalité divine, dépend vraiment de notre conviction profonde de la vérité de notre propre chemin de foi, et c’est cette attitude qui est la source d’une juste tolérance. Dans l’univers pluri-culturel et pluri-religieux auquel nous appartenons, prendre conscience des paroles de Jésus qui se présente comme « le Chemin, la Vérité et la Vie », n’est pas synonyme d’exclusion à l’égard des autres. C’est même le contraire : être plus profondément fidèle à notre foi nous rend capable d’entrer vraiment en relation avec ceux qui ne la partagent pas, et nous donne le désir de leur faire connaître le Christ.

Frères et sœurs, nous croyons que celui qui a vu Jésus a vu le Père, parce que nous reconnaissons en la personne de Jésus, le Fils de Dieu, et dans les œuvres qu’il accomplit aujourd’hui dans son Corps qui est l’Eglise, la présence de Dieu lui-même. Toute la foi chrétienne repose sur le crédit que nous pouvons faire aux paroles de l’évangile que nous avons entendu ce matin. Ces paroles interroge la foi de chacun : est-ce que je crois que Jésus est vraiment le centre et le cœur de la foi, le passage obligé, le chemin, la vérité et la vie ? Est-ce que je crois que son Esprit répandu sur le Corps de l’Eglise nous assure le chemin vers Dieu ? Est-ce que je crois que le Corps du Christ ressuscité qu’est l’Eglise est bien le seul lieu où un chemin est proposé à tous pour aller vers le Père et être sauvé ? Sommes-nous convaincus que la communauté que nous formons est bien ce corps sacerdotal dont parle l’Apôtre Pierre dans sa première épître, ce « sacerdoce saint » chargé de présenter à Dieu le Père l’unique sacrifice spirituel ; ce Corps organisé autour de divers ministères, dont le livre des Actes des Apôtres nous présente la réalité naissante ? Croyons-nous que l’Eglise est ce Corps vivant qui doit être et devenir pour tous les hommes le signe incontournable de Celui qui est le chemin de la Vérité et de la Vie, et que, par conséquent, ce Corps accomplit les œuvres de l’Esprit, des œuvres plus grandes encore que celles accomplies par le Christ – selon ses propres paroles ?

Frères et sœurs, « heureux sommes-nous de croire sans avoir vu », heureux sommes-nous de mettre notre entière et totale confiance en Celui qui est à jamais notre vie, notre résurrection, notre salut éternel, notre glorification. Amen.

 

+ Francis BESTION

 

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