29 octobre 2017 - 30ème dimanche du Temps ordinaire – Année A — Diocèse de Tulle

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29 octobre 2017 - 30ème dimanche du Temps ordinaire – Année A

Visite pastorale à la Communauté Locale de Meymac

Frères et sœurs,

En venant vers vous, aujourd'hui en visite pastorale – même si c'est une visite éclair – votre évêque pense à l'Apôtre saint Paul qui visitait les communautés chrétiennes qu'il avait engendrées à la foi en Jésus-Christ ou bien qui leur écrivait des lettres pour les encourager à persévérer dans cette foi, dans l'espérance et la charité. Les Eglises fondées par Paul étaient établies dans les grandes villes de la Méditerranée ; il ne pouvait pas les visiter toutes, alors il leur écrivait. Pour ma part, je n'ai pas besoin de vous écrire, car vous n'êtes pas si loin de Tulle que je ne vienne jusqu'à vous.

Vous avez entendu, dans la deuxième lecture, ce que saint Paul dit aux chrétiens de la ville de Thessalonique, cette communauté si chère à son cœur d'Apôtre. Autant dans ses lettres aux corinthiens, il use parfois de paroles dures pour réprouver le comportement de certains membres qui ne sont pas fidèles à l'Evangile qu'il leur a transmis, autant, ici, il loue le comportement des Thessaloniciens qui ont "accueilli la Parole de Dieu au milieu des épreuves avec la joie de l'Esprit-Saint". Ces encouragements de saint Paul, j'aimerais les faire mien aujourd'hui à votre égard, chrétiens de la communauté locale de Myemac, car j'espère que vous aussi, vous accueillez la Parole de Dieu avec la joie de l'Esprit-Saint. Même si, comme pour les thessaloniciens, les épreuves de la condition humaine ne vous sont pas épargnées. Nous n'accueillons pas la Parole de Dieu parce que dans nos vies tout va comme nous voudrions ; nous l'accueillons parce que nous croyons que le Seigneur qui se révèle à nous dans cette Parole veut ce qu'il y a de meilleur pour nous. C'était déjà le sens des commandements que Dieu transmettait à Moïse pour le Peuple de la première Alliance. Ces dix commandements ne sont pas les diktats d'un despote imposant sa Loi à ses sujets. Ces commandements sont des Paroles de Vie, les Paroles d'un Père compatissant envers ses enfants, pour qu'en conformant leur vie à ses commandements, ils empruntent le chemin de la vraie Vie. C'est bien le sens du message transmis au Peuple de l'Exode par Moïse, tel que nous le rapporte la première lecture. Elle se termine par ces mots : "S'il crie vers moi (le peuple), je l'écouterai, car moi, je suis compatissant". Ces paroles divines sont la révélation de l'identité de ce Père céleste, de sa nature même : il est compatissant parce que son cœur de Père est miséricordieux.

A partir de là, nous pouvons comprendre que Jésus, dans l'Evangile, résume les dix commandements en seulement deux. Le premier, le plus grand, c'est d'adorer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de tout notre esprit ; et le second, c'est d'aimer notre prochain comme nous-mêmes. Cela, les pharisiens, parfaits observateurs de la Loi, le savaient déjà, mais ce qu'ils entendent pour la première fois, c'est que le second commandement est semblable au premier. Bien sûr, ce n'est pas la même chose d'adorer Dieu ou d'aimer son prochain, mais cependant Jésus révèle que c'est de valeur comparable. A travers l'unité de ces deux commandements, Jésus veut manifester que la fidélité à l'appel de Dieu ne s'accomplit pas dans une infinité de préceptes tous plus particuliers les uns que les autres, mais dans l'enracinement de notre fidélité dans la communion avec Dieu.

Si les dix commandements peuvent se subsumer en deux – adorer Dieu et aimer son prochain – et si tout dépend de ces deux commandements, c'est parce qu'ils sont la révélation du Mystère de Dieu et du Mystère de l'Homme. Le Mystère de Dieu, c'est qu'il est Amour. C'est cela la Sainte Trinité : l'amour comme cœur d'un Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit. Comme créatures, nous sommes le fruit de l'Amour trinitaire. Et c'est ainsi qu'il faut comprendre le Mystère de l'Homme. Créé à l'image et à la ressemblance du Dieu Amour, il ne peut s'accomplir qu'en aimant à son tour. Né de la communion d'Amour trinitaire, l'Homme est fait pour aimer. L'adoration de Dieu, l'amour envers Dieu est la réponse de l'Homme au don total de Dieu dans l'Alliance. Et il en est de même de l'amour envers le prochain. Comme le dira saint Jean, dans sa première épître : ce n'est pas nous qui avons d'abord aimé Dieu, mais c'est Dieu qui, le premier, nous a aimés. Et dès lors, comment pourrions dire que nous aimons Dieu que nous ne voyons pas si nous ne sommes pas capables d'aimer notre prochain que nous voyons.

Etre chrétien, c'est croire en Dieu de toutes nos forces et mettre en œuvre notre foi par une prière d'adoration conforme à ce que le Seigneur nous a enseigné, et non pas conforme à notre imagination, à nos goûts ou nos fantaisies. Etre chrétien, c'est aimer notre prochain, en sachant que le prochain ne porte pas une pancarte autour du cou pour se signaler à notre attention… Jésus nous a appris que le prochain, c'est celui de qui je me fais proche, de qui je veux me faire proche. Et cela se traduit dans des gestes et des paroles qui manifestent ma bienveillance.

Frères et sœurs, l'Evangile de ce jour nous ramène au cœur de la foi en Dieu et au cœur de la charité à l'égard du prochain. Dieu n'a pas envoyé son Fils pour nous compliquer le chemin, mais pour ouvrir un chemin devant tout homme. Désormais, Jésus est notre modèle pour aimer : "Aimez-vous comme je vous ai aimés".

Le chemin de la charité est celui de la fraternité. Cela rejoint un des trois grands axes des Orientations pastorales diocésaines : « pour une Eglise fraternelle ». L’Orientation n° 1 invite à créer des fraternités locales missionnaires dans chacune des petites paroisses qui composent la Communauté Locale. Si nous ne voulons pas que la vie chrétienne se délite, que la présence de l’Eglise s’estompe complètement dans le monde rural déjà désertifié, il est vital que les chrétiens se rassemblent le dimanche pour l’eucharistie dans un lieu central pour une liturgie soignée, mais il est aussi vital que, dans les villages, les clochers, ils forment de petites unités, ce que j’appelle les « fraternités locales missionnaires ». Il s’agit de se retrouver régulièrement à quelques-uns pour prier ensemble, partager un moment de convivialité et se soucier des frères et sœurs isolés, malades, handicapés et de s’organiser pour les visiter. Ces petites fraternités doivent être la présence visible de l’Eglise en un lieu, au plus petit échelon, l’église du village. Aller prier à l’église en semaine, faire sonner les cloches, est le signe qu’il y a encore quelques chrétiens dans un village… et qu’ils se manifestent comme tels ; non pas pour faire du tapage, mais pour être une présence repérable. La fraternité locale est le moyen de ne pas vivre seul la foi, l’espérance et la charité. Comment être témoin de l’Evangile si on reste seul, enfermé dans sa maison et qu’on n’en sort qu’une heure le dimanche pour aller à la messe ? L’Eglise est fraternelle ou elle n’existe pas ; l’Eglise est missionnaire ou elle n’existe pas. Dès que quelques personnes se mettent ensemble pour prier dans un village, le Christ est là présent, et l’Eglise est là. C’est ça l’Eglise. Ou alors elle n’existe pas, elle est seulement un concept, une idée, un vœu pieux… Je vous encourage donc à mettre en œuvre cette fraternité de terrain, de clocher qui ne s’oppose pas au rassemblement dominical plus large, mais qui le prépare en amont et le poursuit en aval. La vie chrétienne se nourrit, se vit, grandit, d’abord dans la famille – l’Eglise domestique –, dans la fraternité locale, dans la Communauté plus large autour d’un centre, dans un Espace missionnaire, communauté de communautés, et enfin dans une Eglise diocésaine. Ce sont divers niveaux qui ne s’opposent pas, et dont l’un ne remplace pas l’autre, mais qui s’imbriquent et se complètent. On ne peut pas tout vivre en famille et on ne peut pas tout vivre en diocèse. Il faut des lieux intermédiaires, comme la petite fraternité locale, à l’échelle d’un clocher, et la Communauté locale, à l’échelle d’un groupement de paroisses, comme ici, la Communauté de Meymac qui comprend plusieurs petites paroisses.

On ne peut plus aujourd’hui tenir le maillage territorial qui fut celui des siècles antérieurs : une commune, une paroisse, un clocher, un curé. Ca, c’est fini. Mais il ne faut pas non plus imaginer que la vie chrétienne ne puisse exister que dans des grandes villes ! Dans le monde rural, qui représente 80% du territoire français, mais seulement 20% de la population, l’Eglise peut exister, mais à condition que les chrétiens se prennent en charge différemment, sans nostalgie, mais de manière résolument missionnaire, en se demandant : comment allons-nous être l’Eglise là où nous sommes, comment allons-nous vivre en Eglise là où nous sommes ? C’est le grand défi d’aujourd’hui. Il ne s’agit pas de survivre, il s’agit de vivre !

Prions le Seigneur pour que la Bonne Nouvelle dont nous sommes les heureux témoins soit reçue par les hommes et les femmes que nous côtoyons comme un chemin de vérité et de liberté qui ouvre les cœurs à l'Amour de Dieu et à l'amour des frères. Amen.

 

+ Francis

Evêque de Tulle

 

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