9 mai 2017 - Mardi 4ème semaine de Pâques — Diocèse de Tulle

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9 mai 2017 - Mardi 4ème semaine de Pâques

Messe avec les « Amis de Lourdes » - Couvent Saint-Antoine - Brive

 

« C’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de ‘chrétiens’ ». Saint Luc a retenu cette date et ce fait historique dans son livre Les Actes des Apôtres. Pour nous, qui portons ce nom de chrétiens, à la suite de tant et tant de générations, depuis l’an 42, ce n’est pas sans émotion que nous écoutons le récit de son origine. Ce nom que nous portons ne vient pas de Jérusalem mais d’Antioche, alors capitale de la Syrie. Il est né chez les païens ; il est en quelque sorte le fruit de l’évangélisation du monde païen. Jusque-là les Apôtres et leurs collaborateurs ne s’étaient guère adressés qu’à des juifs ; mais là, à Antioche, ils s’adressent à des Grecs, à des païens. Nous comprenons aussi que ce ne sont pas les disciples du Christ qui se sont donnés ce nom de chrétiens. Il leur vient de ceux qui ne le sont pas, pour distinguer les fidèles du Christ de tous les autres, juifs ou non-juifs. C’était sans doute une sorte de sobriquet, une appellation un tantinet dédaigneuse… Et pourtant, ceux qui désignaient ainsi ces nouveaux croyants ne pensaient pas si bien dire. En effet, ce qui les caractérise le plus et le mieux n’est-ce pas leur appartenance à un certain Christos, au Christ, qu’ils reconnaissent d’ailleurs comme le Fils de Dieu, en le nommant « Seigneur ».

Ce nom de chrétien dont nous sommes si fiers, parce qu’il dit à merveille notre identité profonde – être du Christ – nous l’avons reçu des païens pour qu’il devienne notre plus grand honneur. C’est comme si ceux qui donnaient ce nom aux disciples du Christ attendaient d’eux que leur vie rende témoignage au Christ. Et c’est bien ce qui se passera ; nombreux seront ceux, dans les premiers siècles et tout au long de l’histoire, qui rendront témoignage au Christ et même le plus grand témoignage, celui du martyr. Comment ne pas penser, en écoutant ce nom d’Antioche, à tous ceux qui, aujourd’hui, sur ces terres où l’Evangile commença sa course vers le monde païen, sont persécutés et même menacés d’extermination ! Et, dès lors, comment cette situation ne nous pousserait pas à nous interroger, avec gravité, sur la qualité de notre propre témoignage, en tant que croyants porteurs de ce nom de chrétiens !

La page que nous avons écoutée du Livre des Actes des Apôtres commence par nous rappeler pourquoi les disciples du Christ sont arrivés à Antioche. Et c’est en même temps notre origine. « Les frères dispersés par la tourmente qui se produisit lors de l’affaire d’Etienne allèrent jusqu’en Phénicie, puis à Chypre et Antioche ». Autrement dit, c’est la persécution – dont Etienne fut la première victime – qui poussa les frères du Christ à quitter Jérusalem et aller au loin pour annoncer l’Evangile à d’autres qu’aux juifs. Ce sera constant dans l’histoire de l’Eglise. Rappelons-nous les chrétiens de France qui, pour fuir la terreur révolutionnaire et, un siècle plus tard, la suppression des congrégations religieuses, allèrent s’établir sur d’autres terres, plus ou moins lointaines, permettant ainsi à l’Evangile de continuer encore sa course. Ce qui était un mal se transformait, providentiellement, en un bien. Le livre des Actes ne dit pas autre chose : « la main du Seigneur était avec eux », souligne saint Luc. Il note aussi la joie de Barnabé, envoyé par l’Eglise de Jérusalem pour vérifier ce qui se passait à Antioche : « A son arrivée, voyant la grâce de Dieu à l’œuvre, il fut dans la joie ». Bien souvent, des évènements qui, à nos yeux, paraissent des épreuves et le sont réellement, peuvent néanmoins devenir des semences futures d’Evangile, parce que l’Esprit du Seigneur fait concourir au bien ce qui était un obstacle. Ainsi le martyre d’Etienne n’est pas resté sans produire de fruits. Plus tard, un Tertullien dira : « sang des martyrs, semence de chrétiens ».

Un autre fruit inattendu de la persécution de Jérusalem sera la conversion de Saul, sur le chemin de Damas, lui le persécuteur des chrétiens dont le Livre des Actes nous dit qu’il assistait au meurtre d’Etienne et qu’il l’approuvait. Nous le retrouvons à Antioche. Barnabé est allé le chercher à Tarse où il se trouve, alors que 7 années se sont écoulées depuis sa conversion. Sept années dont on ne sait rien, sept années en apparence infructueuses pour celui qui va devenir le grand Apôtre des nations païennes. Là encore, mystère de la Sagesse de Dieu qui prépare ceux qu’il a appelés, qui disposent lentement leur cœur pour une œuvre particulière. C’est Barnabé qui a permis à Paul de sortir de l’ombre et, plus tard, le même Barnabé s’effacera devant Paul en prenant la route de Chypre. Lorsqu’on regarde l’histoire de l’Eglise, on trouve tant et tant de situations semblables ; pour un regard humain, elles sont parfois bien étranges et incompréhensibles… Mais, avec les yeux de la foi, on découvre que la main de Dieu était présente, que sa grâce était à l’œuvre, comme dans les commencements de l’Eglise à Antioche.

Aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, ce n’est pas la persécution qui marque la vie de l’Eglise. Chez nous, les chrétiens ne sont pas persécutés. Et pourtant, un mal bien plus pernicieux fait ses ravages : le sécularisme, le relativisme, l’athéisme pratique, l’indifférence religieuse. « Nous vivons comme si Dieu n’existait pas », selon l’expression du pape Benoît XVI, reprise par son successeur François. Nos églises se vident, la foi s’attiédit, les mœurs se relâchent, les vocations ne cessent de diminuer. C’est une grande épreuve que nous traversons. Hélas, beaucoup semblent plus ou moins s’en accommoder… La tentation peut être grande de baisser les bras, de se dire : « après nous le déluge… ». On peut tenter, tant bien que mal, de survivre… Mais est-ce là l’attitude juste de ceux qui portent le nom de « chrétiens » ? Sûrement pas ! Nous devons réfléchir sur le sens de cette épreuve. Qu’y a-t-il à convertir dans nos manières de vivre, de croire, d’espérer, d’aimer ? Notre diocèse s’est donné des Orientations pastorales pour les années présentes et à venir. Je vous pose la question : les avez-vous lues ? Que faites-vous pour les mettre à l’œuvre à votre niveau, là où vous êtes, avec vos moyens, même s’ils sont humbles ? Est-ce que chacun s’est demandé : en quoi ces Orientations me concernent-elles, personnellement ? Je comprends bien que votre âge, pour la plupart, ne vous permet pas de prendre des engagements ; mais il y a quelque chose que vous pouvez faire : prier et témoigner. Et ce n’est pas un petit à côté ! C’est essentiel. A la bataille de Réfidim, Moïse ne combattait pas dans la plaine ; mais sur la montagne, ils tenaient ses bras levés vers le Ciel, en priant. Et quand ses bras tombaient à cause de la fatigue, les ennemis prenaient le dessus ; quand il les relevait, c’est le peuple de Dieu qui prenait le dessus. Soyez des Moïse dans l’Eglise ! Priez sans cesse pour qu’aujourd’hui encore la main de Dieu soit avec nous, que sa grâce soit à l’œuvre dans notre Eglise et dans notre diocèse ! Vous n’aurez pas perdu votre temps. Amen.

 

+ Francis BESTION

Evêque de Tulle

 

 

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