Mardi saint 30 mars 2021 - Messe chrismale — Diocèse de Tulle

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Mardi saint 30 mars 2021 - Messe chrismale

Eglise du Sacré-Cœur des Rosiers – Brive

Frères et sœurs,

 

Au cours de la liturgie de la messe chrismale, l’évêque bénit les huiles saintes – l’huile pour les catéchumènes et celle pour l’onction des malades – et il consacre le chrême pour les sacrements qui confèrent l’Esprit-Saint : la confirmation, l’ordination presbytérale et l’ordination épiscopale. Parce que le christianisme est la religion de l’incarnation, dans les sacrements du salut, le Seigneur nous touche – corps, âme et esprit – au moyen de réalités matérielles issues de sa création. Et ainsi est rendue très concrètement visible, et pour ainsi dire palpable, le lien, l’unité entre la création et la rédemption. C’est ainsi que le Seigneur a voulu prendre du pain et du vin, lors du repas pascal, la veille de sa passion – pain et vin qui sont le fruit de la terre et du travail des hommes. Il a choisi ces réalités terrestres pour être porteuses de sa présence tout au long de la vie de l’Eglise, jusqu’à la fin des temps. Quant à l’huile, elle aussi fruit de la terre et du travail humain, elle est le symbole de l’Esprit-Saint et, inséparablement, elle renvoie au Christ. Le mot « Christ » qui traduit en grec le mot hébreu « Messie » signifie « celui qui a reçu l’onction », « l’oint de Dieu ». Ce qui se réalisait de manière symbolique et préfigurative dans l’onction des rois et des prêtres de l’Ancienne Alliance, au moyen de l’huile, voilà que cela se réalise en Jésus dans sa pleine réalité : son humanité est remplie de la force de l’Esprit-Saint. Et ainsi, il ouvre lui-même notre propre humanité pour qu’elle devienne le réceptacle de l’Esprit-Saint. Il en résulte que plus nous sommes unis à Jésus-Christ et plus nous sommes comblés de son Esprit, du don de l’Esprit-Saint. Ce n’est pas un hasard si nous nous appelons « chrétiens », le nom qui fut donné, à Antioche, à « ceux de la voie » (c’est ainsi qu’on appelait les disciples de Jésus) ; c’est en effet que nous sommes des oints – personnes qui appartiennent au Christ et, par conséquent, qui participent de son onction et son marqués par son Esprit.

La bénédiction des huiles et la consécration du chrême nous rappellent non seulement la signification de notre nom de chrétien, mais nous rappellent la tâche, le programme de vie qui nous incombe.

Trois huiles sont donc bénies aujourd’hui dans la liturgie.

Il y a tout d’abord l’huile des catéchumènes. Elle indique une première manière d’être touché par le Christ et par son Esprit. Cette première onction, faite avant le baptême, concerne les personnes qui se sont mises en marche vers Jésus ; elle tourne nos regards vers ceux qui sont en quête de foi, qui cherchent Dieu. Mais cette huile nous dit aussi que ce ne sont pas seulement les hommes et les femmes qui cherchent Dieu, mais que lui-même d’abord se met à notre recherche. Le fait que Dieu se soit fait homme, qu’il se soit abaissé à prendre la condition humaine, y compris jusque dans la nuit de la mort, nous révèle combien Dieu nous aime, jusqu’où peut aller son amour pour sa créature. L’amour de Dieu a toujours précédé le nôtre. C’est lui qui en premier s’est mis en marche vers nous. Il va au-devant de toutes nos soifs d’absolu, de toutes nos inquiétudes, de toutes nos questions. Le désir de mieux connaître Dieu et de mieux l’aimer ne doit jamais s’éteindre en nous. Parce que Dieu est infiniment grand et infiniment bon, notre connaissance de Dieu ne s’épuise jamais. L’inquiétude de l’homme envers Dieu n’est pas négative, elle est bien plutôt salutaire, car elle signifie que les réalités terrestres, temporelles, seront toujours trop peu pour nous et qu’il serait vain de chercher à se suffire à soi-même. Accueillons de manière toujours nouvelle la connaissance et l’amour du Seigneur.

Il y a ensuite l’huile pour l’onction de malades. Avec la bénédiction de cette huile, nos regards se tournent vers toutes les personnes en souffrance : ceux qui manquent de tout, ceux qui sont victimes de la violence, de la guerre, partout dans le monde, vers les malades et les infirmes, avec leurs douleurs et leurs espoirs, vers les persécutés à cause de leur foi, vers tous ceux qui ont le cœur brisé. Jésus, qui a parcouru les routes de la Palestine en guérissant, a confié à son Eglise le ministère de la guérison comme une tâche primordiale. L’annonce du Royaume reste toujours première, mais elle est inséparable de la tâche de guérir ; guérir les cœurs brisés fait partie de l’annonce du Règne de Dieu. La guérison première et fondamentale advient dans la rencontre avec le Christ qui nous réconcilie avec Dieu et guérit notre cœur brisé. Avec cette tâche essentielle, la guérison de la maladie et de la souffrance fait aussi partie de la mission de l’Eglise. Et l’huile pour l’onction des malades est l’expression sacramentelle, donc visible, de cette mission. Et, avec vous, je rends grâce pour toutes les personnes qui, dans notre Eglise locale, exercent le ministère de la compassion, en portant à leurs frères et sœurs malades dans leur cœur ou leur âme une prévenance, un amour qui a le pouvoir de guérir. A la suite de tous les saints et saintes, au cours des siècles, qui, en s’approchant des malades, ont touché les plaies du crucifié, il y a ceux qui aujourd’hui encore, se mettent aux côtés des souffrants, apportant ainsi un témoignage de la compassion divine. L’huile pour l’onction des malades est un signe de ce baume de la bonté du cœur que ces personnes répandent sur les souffrants. Et, nous pouvons penser à tout le personnel soignant des hôpitaux, des EHPAD, ou à domicile. Sans parler du Christ, ils le manifestent.

Il y a enfin la plus noble des huiles, le chrême, un mélange d’huile d’olive et de parfums végétaux. Dans l’ancienne alliance, c’est l’huile de l’onction sacerdotale et royale. Dans l’Eglise, elle sert surtout lors de la Confirmation et des Ordinations. La liturgie de ce jour associe à cette huile parfumée les paroles de promesse du prophète Isaïe : « vous serez appelés ‘prêtres du Seigneur’, on vous nommera ‘ministres de notre Dieu’ ». Dans le monde qui ne connaissait pas Dieu, Israël devait être comme le sanctuaire de la présence divine, il devait exercer une fonction sacerdotale pour le monde. Il devait conduire les nations vers Dieu. Aujourd’hui, le baptême et la confirmation constituent l’entrée dans le nouveau Peuple de Dieu. L’onction donnée dans ces sacrements introduit dans ce service sacerdotal en faveur de l’humanité. Les baptisés-confirmés sont un peuple de prêtres pour le monde. Nous l’avons chanté au commencement de la messe. Les chrétiens, par leur témoignage, doivent rendre visible le Dieu vivant et conduire à lui ceux qui ne le connaissent pas. Cette responsabilité fait notre joie et, en même temps, comme le disait saint Augustin, notre inquiétude : sommes-nous vraiment le sanctuaire de Dieu dans le monde et pour le monde ? Ouvrons-nous aux hommes et aux femmes de ce monde l’accès à Dieu ou, par notre tiédeur, ne le cachons-nous pas ? Face à l’incrédulité, à l’éloignement de Dieu, de nos sociétés, face à nos contemporains ennuyés de leur propre histoire et de leur culture chrétienne, le cri vers Dieu des prophètes de la Bible ne doit-il pas devenir le nôtre : Seigneur, ne permets pas que nous devenions un non-peuple ! Tu nous as oints de ton amour, tu as mis sur nous ton Esprit ! Fais que la force de cet Esprit nous donne courage et persévérance pour que nous témoignions avec joie de ton Evangile de salut.

 

Je m’adresse enfin à vous, frères dans le ministère sacerdotal. A l’heure de la dernière Cène, le Christ a institué le sacerdoce de la Nouvelle Alliance. « Consacre-les dans la vérité », a-t-il prié son Père, pour les Apôtres, pour leurs successeurs, les évêques, et pour les prêtres de tous les temps. En rendant grâce pour notre vocation et en reconnaissant humblement nos manquements, nous allons renouveler notre « oui » à l’appel du Seigneur pour la charge que, par pure grâce, il nous a confiée. Puissions-nous être toujours plus fidèles aux engagements de notre ordination !

Et vous, frères diacres, qui, par l’ordination avez été configurés au Christ serviteur, et consacrés à la diaconie de l’Eglise, coopérateurs de l’évêque, selon la grâce propre de votre ministère, priez Dieu pour qu’il vous garde fidèles aux engagements de votre ordination, afin d’imiter toujours mieux son Fils, venu pour servir et non pour être servi.

Frères et sœurs, que chacun d’entre nous, selon son état de vie, laïc, ministre ordonné, consacré, selon les charismes que l’Esprit répand dans les cœurs, que chacun, dans l’Eglise, soit le signe vivant de la présence du Seigneur et le témoin de son Evangile de Salut. Amen.

 

Mgr Francis Bestion