30 janvier 2021 - Pèlerinage des gens du Voyage — Diocèse de Tulle

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30 janvier 2021 - Pèlerinage des gens du Voyage

Samedi 3ème semaine du TO - Grottes de Saint-Antoine – Brive

Chers frères et sœurs,

Dieu vient de nous parler à travers les textes de la Bible que nous avons écoutés, car, tandis que dans l’Eglise on lit les Saintes Ecritures, c’est Dieu qui nous parle. Les écrivains sacrés n’ont pas écrit les livres de l’Ancien Testament ou du Nouveau Testament sous la dictée de Dieu, mais ils ont été inspirés par l’Esprit-Saint et c’est pour cela que, tout en étant écrite par les hommes, la Bible est la Parole de Dieu. Cette Parole est donc vivante, elle ne vieillit pas et elle ne peut jamais être lettre morte. Parce qu’elle est vivante, elle nous vivifie, elle est une nourriture spirituelle pour notre voyage d’ici-bas vers la patrie céleste.

Aujourd’hui, la Parole de Dieu qui nous est adressée, à travers le passage de la lettre aux Hébreux et celui de l’Evangile selon saint Marc, vient éclairer notre intelligence, réchauffer nos cœurs, fortifier notre foi, d’autant plus qu’il y est précisément question de la foi.

Qu’est-ce que la foi ? La lettre aux Hébreux en donne une définition, au 1er verset du chap. 11. Nous venons de l’écouter. Et cela nous ouvre un horizon infini. C’est une définition qui diffère absolument de celles qu’on trouve par exemple dans les dictionnaires. Si vous cherchez dans le dictionnaire au mot « foi », vous trouverez certes une définition, mais ici dans la lettre aux Hébreux, c’est plus qu’une définition. Il nous est dit que « la foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas ». Oui, ce sont des horizons infinis qui s’ouvrent devant nous, parce que cette parole nous met en quelque sorte au Ciel ! Ce que nous espérons ou « ces réalités qu’on ne voit pas », c’est le Ciel, et le Ciel, dans le langage de la Bible, c’est la réalité de Dieu lui-même. Ce n’est pas un lieu, ce n’est pas un temps, c’est la Vie éternelle, et donc c’est Dieu lui-même car il n’y a que Dieu qui soit éternel. Ce qu’on espère, ce qu’on ne voit pas, voilà que, par la foi, nous y avons mystérieusement accès !

Et la lettre aux Hébreux va présenter les grandes figures de la foi dans l’Ancien Testament, à commencer par Abraham, notre Père dans la foi. Grâce à la foi, Abraham a répondu à l’appel de Dieu, il a quitté son pays, il s’est mis en marche. Et, on trouve cette belle notation : « il partit sans savoir où il allait ». Un théologien contemporain commentant cette parole a écrit : « il partit sans savoir où il allait, pour savoir où aller ! ». C’est bien cela la foi : obéir à l’appel de Dieu, se mettre en marche, pour savoir où aller, pour voir ce qui est Invisible.

La lettre aux hébreux dit que nos pères dans la foi, à la suite d’Abraham, étaient « des étrangers et des voyageurs ». Voilà des expressions qui vous parlent, vous qui êtes des gens du voyage ! La roulotte, la caravane, c’est finalement un symbole très biblique ! C’est le signe qu’ici-bas nous sommes tous des étrangers, des voyageurs, et que, comme le dit la suite du texte, nous sommes « à la recherche d’une patrie » : « ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des cieux ». Par votre condition de gens du voyage, vous rappelez en quelque sorte à tout homme, qu’ici-bas, nous serons toujours des étrangers et des voyageurs, des pèlerins de l’Invisible. Nous sommes faits pour une autre réalité que celle qui passe, une réalité invisible, celle du Ciel, qui est éternelle. Nous sommes faits pour la Vie éternelle, c’est-à-dire pour Dieu.

L’évangile de la tempête apaisée vient encore éclairer, grâce aux paroles de Jésus et à ses signes, cette réalité de la foi, comme moyen de posséder déjà ce qu’on espère et comme moyen de voir l’invisible. Le récit commence par cet ordre de Jésus à ses disciples : « Passons sur l’autre rive ! » Dans la bouche de Jésus, cette invitation signifie que les disciples doivent se diriger de l’autre côté du lac de Tibériade. Mais il y a un sens plus profond : passer sur l’autre rive pourrait être la définition de la vie chrétienne, le résultat de la foi, le but du pèlerinage. D’ici, il faut aller ailleurs ; il faut, comme Abraham et sa descendance, aspirer à une autre patrie.

L’évangile vient aussi éclairer un autre aspect de ce voyage, de ce pèlerinage de la foi. Pour passer d’une rive à l’autre, en caravane ou en barque, pour passer de la terre au Ciel, de la vie à la Vie, il faut affronter bien des obstacles. La barque ici est l’image de notre vie ici-bas, et l’image de l’Eglise en pèlerinage sur cette terre. Personnellement et en Eglise, nous devons affronter bien des tempêtes avant de parvenir au terme du voyage, avant d’arriver à bon port. Comme disciples du Christ, nous sommes dans cette barque de l’Eglise. Mais nous n’y sommes pas seuls. Jésus est avec nous, comme il était ce jour-là avec Pierre, Jacques, Jean, André et tous les autres. Oui, Jésus est avec nous, puisqu’il nous l’a promis, avant d’être élevé dans la gloire du Ciel : « Je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps ». Et que fait Jésus dans la barque ? Il dort ! C’est ce que dit l’évangéliste. Que signifie cette remarque ? Elle traduit le désarroi des apôtres face à la tempête violente qui se déchaîne et qui menace de faire chavirer la barque ou de la faire couler. Elle traduit notre propre désarroi devant les difficultés de la vie, les épreuves de toutes sortes que nous affrontons au cours de notre pèlerinage de la foi, ici-bas. Personne n’est épargné. Les forces du mal ou tout simplement les aléas de l’existence, comme la maladie, les virus, surgissent face à nous telle des vagues puissantes qui nous menacent. Et nous pouvons avoir l’impression que Dieu nous a abandonnés, que le Seigneur s’est endormi, qu’il ne fait pas cas de ce qui nous arrive. C’est le sens du cri qui sort de la bouche des disciples : « Maître, nous sommes perdus ! Cela ne te fait rien ? ». Mais, c’est aussi cela la foi : crier vers Dieu de toutes nos forces dans les épreuves : « Seigneur, réveille-toi ! Car sans toi, nous périssons ! »

Non, chers amis, Jésus ne dort pas ! Dieu ne dort pas ! Il est là, mais comme nous ne le voyons pas, nous avons l’impression qu’il est absent. C’est ce que symbolise le sommeil de Jésus dans la barque. Et comme nous pensons que Dieu est absent, que le Christ est indifférent à nos épreuves, quelque chose de terrible fait son apparition dans nos âmes : la peur. Quand les hommes pensent que Dieu n’existe pas, ou bien quand ils oublient Dieu, quand ils vivent comme si Dieu n’existait pas, alors, si survient l’épreuve, si la tempête se déchaîne, ils ne leur reste que ce sentiment bien humain : la peur.

La peur est le contraire de la foi. C’est ce que Jésus, après avoir fait taire les éléments, dit aux disciples : « Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? ». La non-foi ou la foi mise au placard aboutissent à la peur. Cependant, Dieu est capable de tout faire concourir au bien, même le mal. C’est ainsi que la peur peut être salutaire. Elle peut nous permettre un sursaut. Elle peut nous faire crier vers Dieu. Rappelez-vous un autre passage des évangiles, où Jésus marche sur les eaux pour aller à la rencontre des disciples sur le lac, pendant la tempête. Ils croient voir un fantôme. Jésus leur dit : n’ayez pas peur ! Et Pierre répond : si c’est toi, permets que je vienne vers toi. Et Jésus lui dit : « viens ! ». Mais pas plus tôt sur l’eau, il a peur et il se met à couler. Mais cette peur est salutaire, parce qu’elle fait jaillir le cri de la foi : « Seigneur, sauve-moi ! ». Et aussitôt, Jésus le saisit par la main. Heureuse peur qui nous fait crier vers le Seigneur !

Alors, chers frères et sœurs, remercions le Seigneur de nous donner aujourd’hui une Parole si forte, si réconfortante au sujet de la foi, une parole si encourageante en ces temps où nous sommes menacés de céder à la peur, de nous laisser aller à des réflexes de repli sur soi, de morosité, etc. La Parole de Dieu vient nous rappeler que la foi nous ouvre à l’Invisible, qu’elle nous fait déjà posséder ce que nous espérons, qu’elle nous fait marcher comme Abraham vers un pays inconnu, vers la Terre promise, l’autre rive, la vie éternelle, c’est-à-dire Dieu lui-même. Nous sommes des voyageurs, des gens du voyage, du Grand Voyage vers l’autre rive, des gens du pèlerinage, le pèlerinage de la foi. Nous ne sommes pas orphelins. Le Seigneur est avec nous dans la caravane, dans la barque de l’Eglise. Il ne dort pas, même si nous avons l’impression qu’il dort. C’est pour mieux nous inviter à crier vers Lui, à ne pas craindre la tempête.

Ne rêvons pas d’une mer paisible où tout irait bien ou d’une vie comme un long fleuve tranquille ! Ne pensons pas non plus que la patrie céleste, la Vie éternelle est une réalité qui nous serait totalement étrangère ici-bas. Non, elle est d’une certaine manière déjà présente en nous, parce que le Seigneur est avec nous. La foi nous permet de le connaître et la charité qu’il met en nos cœurs nous permet de l’aimer, d’être ses amis. Et l’eucharistie que nous célébrons maintenant nous rend cette Présence du Seigneur ô combien réelle, ô combien efficace pour notre pèlerinage de la foi, puisqu’il se fait pour nous nourriture, viatique pour la route.

Dans la lettre aux hébreux, juste avant le passage que nous avons entendu aujourd’hui, il y a cette parole que je vous laisse en conclusion : « Nous ne sommes pas, nous, de ceux qui abandonnent et vont vers leur perte, mais de ceux qui ont la foi et sauvegardent leur âme ». Ainsi soit-il.

Mgr Francis Bestion