1er avril 2021 - Jeudi Saint — Diocèse de Tulle

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1er avril 2021 - Jeudi Saint

Messe en mémoire de la Cène du Seigneur

 Frères et sœurs, que s’est-il passé lors du dernier repas de Jésus, avec ses apôtres, la veille de sa mort en croix ? Nous venons de l’entendre à travers deux récits : celui de Saint Paul, dans sa première lettre aux corinthiens, et celui de saint Jean, dans son Evangile. Le premier nous rapporte fidèlement le récit de l’institution de l’eucharistie, tel qu’il l’a reçu des Apôtres, et le second – et il est le seul des évangélistes à le faire – nous rapporte le geste du lavement des pieds.

         Ce dernier repas, avec les gestes posés par Jésus et avec les paroles qu’il a prononcées sont comme une anticipation, une façon de permettre à ses disciples d’être associés à son sacrifice qui sera vécu historiquement le lendemain. Nous savons en effet qu’ils seront dispersés au cours de la nuit et pendant le procès. Seul le disciple bien-aimé sera au pied de la croix, avec Marie, sa mère et quelques femmes ; les autres auront été dispersés par la peur. Ils ne seront donc pas les témoins oculaires de cet événement, mais ils vont toutefois le devenir d’une autre manière, pendant ce repas pascal du jeudi soir ; ils vont en devenir participants, sous les signes du pain et du vin partagés et du lavement des pieds. Il s’agit d’une participation sacramentelle : en mangeant le pain et en buvant à la coupe, ils vont déjà participer à l’acte définitif qui se déroulera le lendemain. Cependant, en donnant à ses apôtres le pain à manger comme son corps, et le vin à boire comme son sang, Jésus, par cet acte sacramentel, ne fait pas qu’ouvrir la participation à son sacrifice pour ses disciples, ce soir-là, mais il ouvre aussi un mode de participation à son sacrifice pour l’avenir, jusqu’à la fin des temps. Cette participation sacramentelle à la mort et à la résurrection de Jésus, elle va devenir celle de l’Eglise au cours des âges, jusqu’à aujourd’hui et jusqu’à la fin des temps. De ce mystère, les prêtres, de part leur sacerdoce ministériel, sont les humbles serviteurs. L’Eglise, à chaque eucharistie, fidèle aux paroles de Jésus ‘faites ceci en mémoire de moi’, ne se contente pas d’évoquer un événement du passé, mais elle est rendue réellement capable de participer à ce même événement. Par le signe sacramentel, nous entrons dans l’événement de la mort et de la résurrection du Seigneur.

         Notre participation à l’eucharistie n’est pas une sorte de signe d’appartenance, du genre de celui qui peut exister dans des groupes qui commémorent un événement du passé, mais, c’est vraiment un acte qui nous fait entrer dans le sacrifice que Jésus fait de lui-même, et cela parce qu’il est le grand prêtre qui agit lui-même dans la célébration des sacrements et qui s’associe son Eglise. Celui qui s’offrit sur la croix est le même qui offre maintenant, dans le sacrifice de la messe, par le ministère sacerdotal des évêques et des prêtres. Si bien qu’on peut dire qu’en participant à l’eucharistie, nous participons réellement au sacrifice du Christ, et que nous entrons dans le dynamisme de la résurrection, telle que Jésus l’a vécue, pour faire surgir à travers les divers aspects de notre existence les fruits de la Résurrection, à savoir une existence non plus vouée à la mort, mais à la vie éternelle.

        

         L’évangéliste saint Jean aurait pu rapporter, comme les trois autres évangélistes, le récit de l’institution de l’eucharistie, mais il a choisi de rappeler un autre geste de Jésus, celui du lavement des pieds. Et l’Eglise a conservé ce geste dans sa liturgie du jeudi saint, même si cette année nous ne l’accomplirons pas, en raison des contraintes sanitaires dues au virus. Ce geste de Jésus peut se comprendre de deux manières : comme un signe de purification et un signe de service. En réalité, les deux sont inséparables. Dans ce geste d’humilité – c’est celui qu’accomplissaient les esclaves pour leurs maîtres – est rendue visible la totalité du service de Jésus dans sa vie et dans sa mort. Le Seigneur se tient devant nous comme le Serviteur de Dieu, comme celui qui s’est fait pour nous serviteur, et qui porte notre fardeau, nous donnant ainsi la pureté véritable, celle qui nous libère du péché et nous donne la capacité de nous rapprocher de Dieu. Autrement dit, dans le geste du lavement des pieds, c’est tout le mystère pascal du Christ qui est comme synthétisé.

         Après avoir lavé les pieds de ses apôtres, Jésus leur donne le commandement de faire entre eux, à l’avenir, ce qu’il a fait pour eux ; il les invite à se faire serviteurs les uns des autres. Et du coup, notre participation à la célébration eucharistique, telle que je l’évoquais à l’instant, prend une dimension nouvelle. Il ne s’agit pas seulement d’entrer spirituellement, mystiquement, dans l’offrande du Christ à son Père, il ne s’agit pas seulement de nous unir sacramentellement au sacrifice du Christ, mais il s’agit aussi d’entrer concrètement dans la mission de serviteur que le Christ a reçue de son Père et qu’il a accomplie, dans sa vie et dans sa mort. Que pourrait bien signifier l’actualisation du sacrifice du Christ et la communion à sa mort et à sa résurrection, si cela n’était pas accompagné de la mise en pratique de l’offrande du Christ dans notre propre vie, à travers notre manière de nous laver les pieds les uns aux autres, c’est-à-dire notre manière de servir nos frères et sœurs, de vivre la charité entre nous ?

         Le ministère diaconal nous rappelle cette dimension inséparable de celle de l’eucharistie. Et cela est signifié dans la place et les gestes du diacre pendant la messe. Le diacre ne consacre pas le pain et le vin, mais il se tient à l’autel juste derrière l’évêque ou le prêtre pour servir à l’autel et, à la fin de la prière eucharistique, il élève la coupe du salut.

         Frères et sœurs, quand nous offrons le pain et le vin de l’eucharistie, devenus le corps et le sang du Christ par la consécration, quand nous entrons dans cette offrande, quand ensuite nous communions au corps et au sang du Christ, nous vivons aujourd’hui la mort et la résurrection du Christ, et, inséparablement, nous ouvrons notre vie pour qu’elle devienne, par la force de l’Esprit, une vie au service de nos frères. C’est pour cela qu’on appelle l’eucharistie le sacrement de la charité. C’est l’amour du Seigneur jusqu’à l’extrême qui a le pouvoir de transformer nos vies pour que nous nous aimions comme lui nous a aimés.

Mgr Francis Bestion