14 février 2021 - 6ème dimanche du Temps ordinaire – Année B — Diocèse de Tulle

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14 février 2021 - 6ème dimanche du Temps ordinaire – Année B

Eglise Saint-Martin d’Ussel

  Frères et sœurs, en poursuivant, depuis cinq dimanches, la lecture continue de l’Evangile selon saint Marc – c’est l’évangéliste qui nous accompagne dans cette année liturgique qu’on appelle « l’année B – nous découvrons progressivement la figure de Jésus, telle qu’elle s’est révélée aux habitants de Nazareth, de Capharnaüm, des autres localités de la Galilée, de la Judée et des autres contrées limitrophes de la Palestine. A la différence des contemporains de Jésus, nous connaissons bien le Christ, puisque nous sommes ses disciples, ses amis, parce que nous sommes chrétiens de longue date, mais il n’empêche que l’Evangile doit toujours garder pour nous sa fraicheur, car il est Parole de Dieu et que, jusqu’à notre dernier souffle, nous n’aurons jamais fini de convertir nos cœurs au mystère du Christ et de son Evangile de Salut.

         Après avoir regardé Jésus, comme prédicateur de l’Evangile, comme accomplissant des miracles, comme guérissant des malades et chassant des démons, nous le voyons aujourd’hui, présenté par saint Marc, comme celui qui est capable aussi de « purifier ». En effet, Jésus fait plus que guérir le lépreux qui vient à lui. Le mot employé par l’évangéliste est celui de « purification ». C’est encore une manière de mettre en valeur la nouveauté du signe accompli par Jésus.

         Dans la première lecture, tirée du livre du Lévitique – le livre où sont consignés les prescriptions de la Loi de Moïse – nous avons vu que les lépreux étaient tenus de rester à l’écart de tous. Ils vivaient hors des villes et des villages. Aujourd’hui, nous parlerions de « confinement sanitaire »… Mais, en réalité, cette mise à l’écart ne visait pas d’abord à éviter la contagion. C’était une prescription religieuse qui permettait au peuple de ne pas contracter une impureté rituelle. Ceux qui auraient été en contact avec un lépreux n’auraient pas pu participer au culte et à la prière. On pensait que la maladie de la lèpre, mal qui rongeait la peau, était le signe d’une impureté spirituelle. Et cela conduisait à séparer les gens en deux catégories, les purs et les impurs.

         En guérissant le lépreux – et d’abord en le laissant s’approcher de Lui – Jésus manifestait aux yeux de tous que Lui avait le pouvoir de dépasser cette séparation qui existait entre les purs et les impurs. En touchant le lépreux – geste absolument impensable – Jésus, de fait, le réintègre dans le Peuple de Dieu, le Peuple Saint. Jésus se révèle comme celui qui a le pouvoir de rassembler en un seul Corps – ce Corps qui sera l’Eglise, Corps du Christ – ceux qui étaient dispersés, tenus à l’écart, exclus du Peuple des Saints.

         Par son geste, Jésus se fait proche de ceux qui sont loin, de ceux que tous repoussent. Et, il faut bien reconnaître que dans notre tradition culturelle, on a connu cette crainte du lépreux pendant des siècles, sans aucun lien avec la Loi juive. On peut se rappeler des grandes figures, comme celle de saint François d’Assise, de saint Ignace de Loyola, qui firent fi de cette crainte ancestrale à l’égard de ceux dont l’apparence physique pouvait être repoussante. Saint François embrassait les lépreux !

         En guérissant ce lépreux qui avait eu l’audace incroyable de s’approcher de lui, Jésus n’opère pas seulement une guérison physique de la maladie et donc de cette apparence repoussante. En fait, il vient toucher en profondeur la culpabilité enracinée dans l’inconscient de l’humanité, et dont la maladie semble n’être que la manifestation extérieure. Ce lien entre la maladie et le péché n’appartient pas seulement aux mentalités qu’on qualifierait aujourd’hui d’archaïques par rapport aux connaissances médicales modernes. Aujourd’hui encore, il existe des personnes qui, inconsciemment peut-être, voient dans les maladies une sorte de punition ou de révélation d’un mal plus profond, un mal de l’âme noircie par le péché. Qui n’a pas entendu, suite à un accident ou un mal imprévu venant frapper quelqu’un, le genre de paroles suivantes : « pourtant, il n’avait fait aucun mal ! » Ce qui laisse supposer que si la personne avait fait quelque chose de mal, elle mériterait bien ce qui lui arrive…

         La guérison du lépreux révèle Jésus  comme celui qui vient libérer l’humanité de tous les maux qui l’accablent. Il n’est pas seulement un guérisseur ou une sorte de Rabbi plus grand que les autres, il est celui qui peut libérer de la lèpre intérieure du péché, de toute impureté, et rendre à tout être humain sa dignité d’enfant de Dieu.

         Frères et sœurs, en écoutant ce récit de l’évangile, nous pouvons spirituellement nous placer dans l’attitude de celui qui, tel le lépreux, vient se prosterner aux pieds de Jésus, en disant : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier ». Chacun d’entre nous peut entrer dans la conscience de ce lépreux rejeté loin du peuple et venir prier le Christ de le restaurer dans sa dignité d’enfant de Dieu et le rétablir dans la communion plénière du Peuple de Dieu. Songeons aux paroles de Jésus dans une autre page des évangiles : « je ne suis pas venu pour les bien-portants ni pour les justes, mais pour les malades et les pécheurs ». Le visage du Christ que nous ne devons cesser de contempler est celui du Fils de Dieu qui délivre du péché er procure la joie d’être réintégré dans la communion du Peuple Saint, afin, comme le lépreux, de pouvoir rendre témoignage, en allant proclamer sur tous les toits ce qui lui est arrivé !

         Frères et sœurs, alors que dans quelques jours nous allons entrer dans le temps liturgique du Carême, nous pouvons déjà, dans la confiance, regarder ce qui afflige nos esprits et nos cœurs. Et, comme le lépreux de l’évangile, dire à Jésus : « si tu le veux, tu peux me purifier ». Et comme le Christ le propose au lépreux, nous pouvons aussi aller nous montrer aux prêtres, pour que ceux-ci nous révèlent que le Seigneur nous purifie de nos péchés. C’est une belle introduction que cette page d’évangile à la démarche que l’Eglise nous propose plus particulièrement dans le temps du Carême, comme préparation à la célébration de la grande fête de Pâque, sommet de l’année liturgique : la démarche de la confession, c’est-à-dire venir supplier Dieu qu’il pardonne nos péchés, qu’il nous réconcilie et nous comble d’une joie renouvelée.

         Celui que nous contemplerons le Vendredi saint, cloué sur le bois de la Croix, pardonnant à ses bourreaux, offrant sa vie pour la multitude, mis au tombeau et ressuscitant le jour de Pâque, c’est bien celui qui peut nous libérer de toutes les peurs, de toutes les mises à l’écart, nous délivrer de l’impureté du péché et nous rassembler dans l’Eglise, la grande fraternité des baptisés. Amen.

 

Mgr Francis Bestion