26ème dimanche Temps ordinaire – B - Installation des curés in solidum — Diocèse de Tulle

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26ème dimanche Temps ordinaire – B - Installation des curés in solidum

Père Joseph ZHAO et Père Cyprien SAGNA - Saint-Martin de Brive

 

Frères et sœurs, la Parole de Dieu aujourd'hui vient peut-être bousculer quelque peu notre vision de l'Eglise, de la communauté paroissiale, du groupe de fidèles auquel nous appartenons, notre conception des charges qui nous ont été confiées, des responsabilités que nous exerçons. Ce côté dérangeant n'est d'ailleurs pas propre aux lectures de ce jour ; la Parole de Dieu ne nous laisse jamais tranquilles ; elle est, selon les mots de l'épître aux Hébreux, "plus tranchante qu'un glaive". Malheur à nous si nous l'écoutions d'une oreille distraite ou si n'en retenions que ce qui nous conforte dans nos idées, nos certitudes, nos convictions. Malheur à nous si elle ne changeait rien à notre vie, à notre façon de penser et nos manières d'agir. Habituellement, on choisit les livres qu'on veut lire ; on a ses auteurs préférés. Ca pourrait même être le cas avec les livres de la Bible, sauf que la liturgie nous évite de tomber dans cet esprit sélectif ; elle nous donne chaque jour, chaque dimanche à écouter une parole que nous ne choisissons pas.

Laissons-nous donc guider par celle d'aujourd'hui et demandons au Seigneur la grâce de nous laisser convertir par elle. Dans l'Evangile, comme dans la première lecture, on trouve deux situations comparables : celles d'hommes qui prophétisent ou font des miracles sans, pourrait-on dire, en avoir eu la permission, sans avoir été investis pour cela, et donc en dehors des cadres prévus. Il s'agit d'Eldad et Medad qui ne se sont pas rendus à la convocation de Moïse qui a pris une part de l'Esprit reposant sur lui pour le remettre à 70 anciens. Or voilà que ces deux énergumènes se mettent à prophétiser dans le camp ; et le récit précise bien que l'Esprit repose sur eux ! Dans l'Evangile, il est question d'un homme qui expulse les démons au nom de Jésus, alors qu'il ne fait pas partie des disciples de Jésus. Dans les deux cas, cela entraîne une vive réaction : de la part de Josué, très proche de Moïse, et de la part de Jean, très proche de Jésus. Ils voudraient que leur chef – Moïse et Jésus – fasse cesser ce qui leur paraît une usurpation de pouvoir. Il faut arrêter ces individus. Mais ni Moïse, ni Jésus n'entrent dans cette vision des choses. Moïse se réjouit qu'il y ait d'autres prophètes dans le peuple et il souhaiterait même que tout le peuple soit un peuple de prophète. Quant à Jésus, il déclare que "celui qui n'est pas contre lui et contre le groupe des disciples est en fait pour lui et pour le groupe des disciples".

Frères et sœurs, ces deux exemples nous invitent – surtout si nous exerçons des responsabilités, petites ou grandes, dans nos communautés paroissiales – à nous demander à qui nous ressemblons : à Josué et Jean ou à Moïse et Jésus. Est-ce que nous avons plutôt tendance à récriminer en voyant des personnes venir marcher sur nos plates-bandes ou bien est-ce que nous nous réjouissons de voir de nouveaux ouvriers pour travailler à la Vigne du Seigneur ?

Aujourd'hui, frères et sœurs, il y a parmi nous, non pas Eldad et Medad, mais le Père Joseph et le Père Cyprien qui nous viennent d'ailleurs. A la Conférence des Evêques, nous utilisons l'expression "les prêtres venus d'ailleurs", pour désigner ceux qui nous viennent d'autres pays, plutôt que le qualificatif d'"étrangers". "Venir d'ailleurs" souligne le fait qu'ils nous sont envoyés par d'autres Eglises locales comme prêtres "fidei donum" et que nous les accueillons comme tels, comme le don de la foi d'autres peuples auxquels jadis des missionnaires venus de notre pays, de notre vieille Europe ont apporté l'Evangile. "Venir d'ailleurs", n'est-ce pas aussi la caractéristique de tout prêtre mis à la tête d'une communauté paroissiale ? La Communauté ne se donne pas à elle-même ses pasteurs, elle les reçoit d'ailleurs, comme signe que l'Eglise n'est pas une association, un club d'amis, mais qu'elle est le Corps du Christ, qu'elle n'est pas née d'un vouloir humain, mais du Côté transpercé du Christ sur la Croix.

Le Père Joseph et le Père Cyprien nous viennent de loin : l'un de la Chine, l'autre de l'Afrique. Ils sont un peu comme les Mages, ces lointains de la terre venus jusqu'à la crèche de Bethléem, se joindre à l'acte d'adoration des bergers – les seuls d'Israël à pouvoir se prosterner devant un enfant dans une étable obscure. Les Pères Joseph et Cyprien ne sont pas venus chez nous à cause d'un souhait personnel mais envoyés par leur Evêque ou leur Supérieur ; ils ont répondu librement à un appel et je les en remercie.

Aujourd'hui, je les installe comme curés dans l'ensemble inter-paroissial de Brive, comprenant les paroisses intra-muros de St Martin, St Sernin, le Sacré-Cœur des Rosiers, St-Xaintin de Malemort et Sainte Thérèse des Chapelies, ainsi que les paroisses extra-muros de Cosnac, La Chapelle-aux-Brocs, Turenne, Nespouls, Noailles, Jugeals-Nazareth, Ligneran, Vénarsal et Dampniat. Avec le Père Jean Rigal et aussi le Père Gilbert Tembo, ils exerceront solidairement, collégialement, la charge de curés de ce grand ensemble interparoissial. Ils sont curés in solidum, selon l'expression du droit canonique. L'un d'entre eux, le Père Jean Rigal – l'Ancien – est Modérateur de cette équipe. Ca ne veut pas dire qu'il est plus curé que les autres, mais qu'il est chargé d'assurer la communion entre eux par une bienveillante vigilance et une fraternité, disons… paternelle. S'ils sont curés in solidum, cela ne signifie pas cependant que chacun est partout et fait tout – ce qui reviendrait à n'être nulle part et à ne rien faire. Voilà pourquoi j'ai demandé au Père Cyprien de résider à Malemort et d'accompagner davantage, comme Pasteur, les paroisses de Malemort, Ste Thérèse, Dampniat et Vénarsal. Tandis que le Père Joseph, qui réside à St Martin, accompagne davantage comme pasteur, avec le Père Jean Rigal, les paroisses de St Martin, St Sernin, Cosnac et les paroisses du rural. De même que le Père Gilbert Tembo, lui aussi curé in solidum, accompagne davantage comme Pasteur, la Communauté du Sacré-Cœur, mais pas exclusivement ; il est aussi Aumônier de Cornil et prêtre référent de l'Aumônerie des Hôpitaux de Brive. Je demande aux Pères Joseph et Cyprien de s'investir à fond pour la pastorale des enfants et des jeunes.

Un jour, les paroisses de N.D. d'Estavel et d'Ussac et celles du Causse rejoindront aussi ce grand ensemble inter-paroissial ; et un jour aussi d'autres paroisses de la périphérie de Brive, qui ont encore un curé – mais pour combien de temps ? – rejoindront aussi ce grand ensemble. Non pas que je veuille à tout prix créer, par je ne sais quelle volonté personnelle, de grands ensembles, mais parce que la réalité est là et que je ne peux me la cacher ni vous la cacher. Il y a en Corrèze seulement 12 prêtres de moins de 70 ans et sur ces douze la grande majorité est près de 70 ans ! Nous sommes donc au pied du mur, si je peux m'exprimer ainsi.

Cette nouvelle organisation est basée sur un travail d'équipe des prêtres qui exercent collégialement la charge curiale. Cela suppose qu'ils se réunissent chaque semaine autour d'une table et pas seulement pour faire des plannings des messes, mais pour penser la pastorale de ce grand ensemble interparoissial : pastorale des sacrements, pastorale des jeunes, catéchèse et catéchuménat, pastorale de la santé, pastorale des funérailles, etc., etc. Je compte sur l'équipe des prêtres pour se répartir les tâches dans ces divers domaines – ils ont déjà commencé à le faire – et à s'entourer de laïcs qui ne restent plus cloisonnés dans leurs clochers. Il ne s'agit pas de faire du centralisme, mais d'unir les forces dans certains domaines de la pastorale. En même temps, chaque paroisse ou un groupe de paroisses – surtout pour le rural – doit avoir son Equipe d'Animation pastorale, accompagnée et guidée par un des curés. Et le rôle de cette équipe d'animation est d'organiser la vie de la paroisse ou d'un groupe de paroisses, non pas simplement pour administrer mais pour donner un élan missionnaire. C'est ce qui se fait déjà ici ou là et j'en profite pour remercier et encourager tous ceux et celles qui s'engagent pour ce dynamisme des paroisses.

Les paroisses du rural ont compris depuis longtemps déjà qu'elles n'auraient plus un prêtre pour elles seules ; mais ce n'est pas pour autant que la vie ecclésiale ne continue pas, elle continue, grâce aux laïcs qui s'engagent. Maintenant c'est aux paroisses urbaines de comprendre qu'elles ne peuvent plus avoir un prêtre exclusivement pour elles, et qu'elles doivent donc s'organiser, coopérer entre elles, et maintenir à la base une réelle vie communautaire en se prenant en charge.

J'ai bien conscience que tout cela demande des ajustements, de nouvelles façons de penser la mission, et pour les prêtres et pour les laïcs. C'est un grand enjeu pour la vitalité de notre Eglise locale. Je compte sur la jeunesse des Pères Cyprien et Joseph pour qu'ils prennent des initiatives nouvelles, pour embaucher toujours plus de baptisés en leur confiant des responsabilités, pour ne pas rester dans leur presbytère, mais aller au dehors comme ne cesse de le rappeler le pape François ; ce ne sont pas les ordinateurs qui évangélisent, mais le contact humain, fraternel, paternel, avec les personnes, et cela demande de passer beaucoup de temps hors de chez soi. Soyez des prêtres missionnaires ! Et vous, chers fidèles laïcs, souciez-vous de la vie de vos prêtres ; invitez-les, faites leur rencontrer vos amis, vos voisins, ouvrez-leur des portes, aidez-les à s'enraciner dans la réalité locale ; aidez-les aussi à se détendre et à se reposer.

Les Pères Cyprien et Joseph viennent d'ailleurs et ce n'est pas une mince affaire pour eux que de s'acclimater à nos modes de penser, à nos modes de vivre, à notre pastorale, aux habitudes… En même temps, ils peuvent nous bousculer dans nos habitudes et nous obliger à prendre conscience que ce n'est pas parce qu'on a toujours fait telle chose de telle façon qu'il n'y a pas d'autres manières de faire… Il faut s'apprivoiser et accepter d'avancer ensemble et de se remettre en question. Du reste, comme la plupart d'entre vous êtes parents, vous êtes habitués à avoir été ou à être bousculés par vos propres enfants ou petits enfants. Et il faut qu'il en soit ainsi ! Chaque nouvelle génération est de son temps… Ce qui compte est de vivre la communion entre les générations, en acceptant d'avancer ensemble.

J'ai déjà trop parlé, mais il était important que je vous dise tout cela. Poursuivons notre liturgie, en rendant grâce au Seigneur de nous envoyer de nouveaux ouvriers pour la moisson, en priant pour eux, et en demandant pour chacun d'entre nous et pour tous d'être résolument ancrés dans le présent de la Mission, dans le présent du Royaume de Dieu à accueillir (je ne dis pas à bâtir, car c'est l'œuvre de l'Esprit) et vers l'Avenir de ce Royaume, pour la gloire de Dieu et le Salut du monde. Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle

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