20 décembre 2015 - 4ème dimanche de l'Avent – Année C — Diocèse de Tulle

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

20 décembre 2015 - 4ème dimanche de l'Avent – Année C

Consécration du nouvel autel Paroisse d'Objat

 

Frères et sœurs, les rites que nous accomplissons aujourd'hui dans cette église – la bénédiction d'un nouveau mobilier liturgique, la dédicace de l'autel, c'est-à-dire sa consécration – sont le signe d'un acte d'espérance de la communauté chrétienne. Nous ne les ferions pas si nous pensions que dans quelques années cette église pourrait être désaffectée au motif qu'il n'y aurait plus de prêtre et de fidèles laïcs pour venir y prier, y écouter la parole de Dieu, y adorer le Seigneur présent dans le Saint-Sacrement et y célébrer le sacrifice eucharistique. Cette espérance chrétienne n'est pas de l'ordre d'un bel optimisme que nous aurions à cœur d'entretenir pour nous redonner de l'espoir en l'avenir. Cette espérance nous la puisons dans le Mystère de l'Amour trinitaire, source de la création du monde, source de l'Incarnation du Fils de Dieu en ce monde, source de la Rédemption qui s'est accomplie dans la mort et la résurrection du Christ. Cette espérance ne vient pas de nous ; elle est un don de Dieu, au même titre que ses deux sœurs que sont la foi et la charité. De plus, c'est une belle coïncidence que nous célébrions ces rites sacrés pendant le temps de l'Avent que l'Eglise désigne comme un temps de "joyeuse espérance". Espérance et joie redoublées par l'entrée dans l'Année Sainte extraordinaire de la Miséricorde.

Je suis heureux de l'initiative de la communauté paroissiale d'Objet et de son pasteur de renouveler le mobilier liturgique de cette église. Comme je suis heureux des travaux importants extérieurs et intérieurs réalisés par la Commune et j'en remercie M. le Maire et son conseil municipal.

Un peu partout dans les campagnes françaises et c'est vrai aussi en Corrèze, les communes ont eu à cœur ces dernières années de faire des travaux de restauration dans les églises paroissiales, soutenues par les Conseils Généraux et Régionaux et parfois par l'Etat lui-même par l'intermédiaire des Direction régionales des affaires culturelles, pour ce qui concerne des monuments ou des œuvres d'art historiques. Cela signifie que les habitants d'une commune sont attachés à leur patrimoine et l'église du village est souvent le principal patrimoine.

Tout cela est très positif sans aucun doute et l'on ne peut que s'en réjouir, mais à condition que nos églises ne deviennent pas des musées où l'on se soucie davantage des peintures des siècles passés et des objets sacrés restaurés que de la raison d'être de ces édifices qui sont des maisons de prière. Nos aînés dans la foi des siècles passés n'ont pas élevé ces édifices pour y conserver de belles choses, des trésors de l'art et de la culture, mais pour s'y rassembler afin de célébrer le culte divin. Voilà d'ailleurs pourquoi les chrétiens de la première génération n'ont pas choisi pour édifier leur lieu de prière le modèle du Temple de Jérusalem ou le modèle des Temples païens de Rome ou d'Athènes, mais ce qu'on appelait les basiliques qui étaient de grands bâtiments civils où le peuple se rassemblait pour régler les affaires de la cité (on les comparerait aujourd'hui à des sortes de salles municipales). Et si les chrétiens ont ensuite décoré et orné leurs églises, s'ils les ont dotées d'objets sacrés, c'était uniquement pour le service de la liturgie qui y était célébrée, pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. Il ne faut jamais confondre le but et les moyens. Un philosophe contemporain écrivait que si nous sommes si tristes aujourd'hui c'est parce que nous disposons de beaucoup de moyens mais que nous n'avons plus de but !

La seule façon de préserver nos églises, aujourd'hui, c'est certes de les entretenir et de les restaurer au besoin, non pas pour que des touristes viennent deux ou trois mois par an admirer leur architecture, leur peintures ou des objets du culte dans des vitrines, mais c'est pour continuer de les utiliser à la seule fin pour laquelle elles ont été construites. Et cela, c'est la responsabilité des chrétiens. Voilà pourquoi je ne cesse d'inviter les chrétiens de nos paroisses à constituer dans chaque commune une ou plusieurs petites fraternités qui soient la présence visible de l'Eglise dans un lieu, à la base, et que ces fraternités se réunissent pendant la semaine pour lire la Parole de Dieu, organiser la visite des malades et des personnes isolées, prier le chapelet par exemple et, quand il ne fait pas trop froid, qu'elles prient dans leur église de village.

Votre église d'Objat, chers frères et sœurs, est justement le signe d'une communauté vivante qui ne regarde pas vers le passé avec nostalgie, mais qui veut vivre la foi dans le présent et pour l'avenir. Le nouveau mobilier liturgique – pour lequel vous avez généreusement délié les bourses – témoigne de votre volonté de vous rassembler ici pour la louange, pour l'action de grâce, pour l'intercession – c'est-à-dire pour célébrer la liturgie de l'Eglise dont le Concile Vatican II nous a rappelé qu'elle est la source et le sommet de la vie chrétienne. Lorsqu'on se rassemble dans une église pour y célébrer les sacrements – principalement l'eucharistie – ou simplement pour venir y prier et adorer le Saint-Sacrement – c'est-à-dire la Présence réelle du Christ dans les Saintes Espèces conservées au Tabernacle – nos regards ne se portent pas d'abord vers les voûtes ou les murs – fussent-ils richement décorés – mais vers le Sanctuaire où se trouve généralement le tabernacle (il peut être aussi dans une chapelle), où se trouvent aussi toujours l'autel, l'ambon et le siège de la présidence. C'est d'ailleurs à la beauté, à l'entretien, à l'embellissement de ces objets indispensables au culte que l'on peut juger d'un seul coup d'œil, non pas de la foi des gens (seul Dieu peut l'évaluer) mais de la vie, du dynamisme vital de la communauté chrétienne.

Dans quelques instants, je vais accomplir un rite que seul l'évêque peut faire : la consécration de l'autel. On bénit l'Ambon où est proclamée la Parole de Dieu, on bénit le Siège où le prêtre préside la célébration, mais pour l'autel il y a un rite particulier qui est celui de la consécration avec l'huile parfumée qu'on appelle le Saint-chrême, lui-même consacré par l'évêque lors de la messe chrismale pendant la Semaine sainte. Pourquoi cet honneur de la consécration est-il réservé à l'autel ? Parce que le Seigneur Jésus-Christ, instituant la veille de sa mort le mémorial du sacrifice qu'il allait offrir à son Père sur l'autel de la Croix, sous la forme d'un banquet sacrificiel, rendit sacrée la table où l'on se réunissait pour prendre le repas pascal. L'autel est donc à la fois la table du sacrifice et du repas où le prêtre, tenant la place du Christ, accomplit ce que le Seigneur a fait lui-même et a transmis à ses Apôtres pour qu'ils le perpétuent en mémoire de lui. Lorsque le pain et le vin apportés à l'autel deviennent le corps et le sang du Christ par l'action du Saint-Esprit et les paroles consécratoires prononcées par le prêtre, c'est vraiment et réellement le mystère pascal du Christ qui est actualisé pour nous et pour notre salut. Nous ne sommes pas des commémorateurs, mais des disciples du Christ, rendus contemporains de sa mort et de sa résurrection, grâce à sa Présence qu'il réalise sacramentellement pour notre salut. C'est cela le grand Mystère de la foi et de l'eucharistie. Et voilà pourquoi il n'y a rien ici-bas qui puisse surpasser ce mystère. La messe est déjà l'anticipation du banquet céleste où le Seigneur veut rassembler l'humanité rachetée.

On comprend dès lors que l'autel ait toujours été vu par les Pères de l'Eglise comme un symbole du Christ lui-même, ce qui justifie l'adage bien connu : "l'autel, c'est le Christ". C'est pour cette raison qu'il est l'objet de la plus grande vénération, qu'on s'incline devant lui, que le prêtre l'honore d'un baiser au commencement et à la fin de la messe et qu'il l'encense avant de célébrer l'eucharistie et à l'offertoire. C'est pour cela aussi qu'il doit être le lieu le plus éclairé de l'église, parce qu'il en est le centre où tout converge ; c'et pour cela qu'on y dépose deux cierges au minimum et même six pour les solennités.

Alors, chers amis, réjouissons-nous aujourd'hui de la consécration de ce nouvel autel. Puisse ce signe d'espérance raviver notre foi en la célébration de l'eucharistie, en l'eucharistie reçue en communion et adorée dans le Saint-Sacrement. C'est dans l'eucharistie qui est par excellence le sacrement de la charité divine que nous puisons à notre tour la force d'aimer vraiment nos frères, d'aimer comme le Christ nous a aimés. Ne désertons pas nos Assemblées, car c'est là que le Christ construit son Eglise, c'est là qu'il nous nourrit de sa Parole et de son Corps pour faire de nous des adorateurs en esprit et en vérité, des témoins de sa miséricorde pour nos frères, des missionnaires de son Evangile de Salut. Que la Vierge Marie, Etoile de l'Avent, guide nos pas pour fêter avec ferveur la naissance de son Fils, le Soleil de Justice et le Prince de la Paix. Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle

Navigation