20 septembre 2015 - 25ème dimanche du temps ordinaire – Année B — Diocèse de Tulle

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20 septembre 2015 - 25ème dimanche du temps ordinaire – Année B

Paroisse de Malemort - Célébration de la Confirmation (Ez 36, 24-28 ; Ac 2, 1-11 ; Lc 4, 16-22a)

 

L'Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction". Ces paroles se trouvent dans le livre du Prophète Isaïe et Jésus en fait la lecture dans la Synagogue de Nazareth, comme il y a quelques instants Paul a fait la lecture du prophète Ezéchiel. Et, comme Jésus, Paul aurait pu ajouter : "aujourd'hui s'accomplit ce passage de l'Ecriture que vous venez d'entendre".

En effet, les prophètes de l'Ancien Testament, envoyés par Dieu pour enseigner le Peuple, pour lui parler en son nom, recevaient l'onction de l'Esprit qui, quelques fois, pouvait être signifiée par une onction d'huile, comme ce fut le cas pour le prophète Elisée. Jésus, lors de son baptême par Jean, dans les eaux du Jourdain, a vu l'Esprit descendre sur lui sous la forme d'une colombe ; il a été consacré par l'onction spirituelle.

Aujourd'hui, ce sont cinq jeunes qui vont aussi recevoir l'onction de l'Esprit, qui sera signifiée par une onction d'huile parfumée – le saint-chrême – dont je marquerai leur front. Et voilà pourquoi, eux aussi, peuvent dire : "aujourd'hui s'accomplit ce passage de l'Ecriture que vous venez d'entendre", parce que sur eux aussi va reposer l'Esprit du Seigneur. Nous tous, ici, nous pouvons prendre cette même parole à notre compte puisque nous sommes habités de l'Esprit Saint depuis notre baptême et notre confirmation. Ce ne sont pas que des évènements du passé, même s'ils ont eu lieu un jour précis du temps ; leur réalité et leur actualité est à jamais inscrite dans nos âmes, nos corps et nos esprits. Voilà pourquoi, il ne faut jamais dire "j'ai été baptisé, j'ai été confirmé", mais "je suis baptisé, je suis confirmé". Les sacrements sont des rites, mais pas n'importe quels rites ; ce sont des rites qui accomplissent ce qu'ils signifient. Voilà pourquoi on dit qu'ils sont les sacrements du salut. Ils accomplissent en nous le salut, ils nous procurent le salut, ils nous sauvent parce qu'ils actualisent en nous et pour nous le mystère pascal du Christ, c'est-à-dire sa mort et sa résurrection.

Frères et sœurs, nous ne sommes pas des commémorateurs du passé. C'est à la mode aujourd'hui de commémorer le passé. On aime les musées, on se glorifie du patrimoine, y compris le patrimoine religieux. C'est très bien sans doute de cultiver la mémoire du passé, d'admirer les vieilles pierres, les édifices anciens, les objets sacrés anciens, les peintures et les sculptures anciennes. Mais croyez-vous que cela peut nous donner des raisons de croire, d'espérer et d'aimer ? Pourquoi pas ? Mais une chose est certaine, c'est que le salut ne vient pas du passé ; le salut n'est pas dans les musées ou les œuvres d'art du passé qui peuvent faire notre admiration. C'est la foi au Christ mort et ressuscité qui donne le salut parce que c'est "aujourd'hui" que s'accomplit pour nous la réalité de ces mystères de la mort et de la résurrection du Christ lorsque nous les célébrons dans l'Eglise, chaque dimanche et dans chaque sacrement. L'Esprit Saint ne cesse de les actualiser et de les rendre efficace pour nous aujourd'hui.

Au XIXème siècle, un philosophe qui s'appelait Auguste Comte a dit que dans la société, il y a plus de morts que de vivants. Il voulait dire qu'il y a plus de gens qui vivent dans le passé que dans le présent. Ce qui est sûr, c'est que le chrétien, lui, ne peut pas être un homme ou une femme du passé, parce que sa vie, son salut, c'est le Christ, le Christ vivant aujourd'hui. La vie du Christ nous la puisons dans sa Parole, dans ses sacrements, dans la charité qui le rendent présent aujourd'hui, à chaque instant.

Comment ne pas se désoler de voir que beaucoup de nos petites églises dans les campagnes deviennent des musées parce que, faute de baptisés pour aller y prier, adorer et célébrer, elles ne sont plus fréquentées que par des amateurs de vieilles pierres, de vieux objets d'art, de vieilles peintures… Elles furent construites par nos aînés dans la foi pour être des maisons de prière et voilà qu'elles deviennent des musées. Elles ne sont plus les lieux de la vie, mais de la mort. Nos sociétés modernes sont peuplées de momies ; faute de croire à l'existence du Dieu vivant, elles se réfugient dans le passé, y compris le passé religieux ; elles sont atteintes d'une maladie grave : la 'muséomanie', la 'commémorationite'… Nous préférons la mort à la vie.

Chers confirmands, l'un d'entre vous, dans sa lettre, m'a dit qu'il ne me promettait pas d'aller à la messe tous les dimanches, mais au moins aux fêtes. Ca a le mérite de la franchise. Mais j'ai envie de vous dire ceci : si vous croyez que Jésus-Christ est vivant aujourd'hui (vous le direz tout à l'heure en proclament votre foi), si vous croyez qu'il vous donne la vie, qu'il vous aime, qu'il est capable de vous donner la force de son Esprit ; si vous-mêmes vous l'aimez, vous voulez le suivre et être ses témoins aujourd'hui, alors pouvez-vous vous contenter d'être – selon l'expression qu'on entend souvent – des "croyants mais pas pratiquants' ou des pratiquants en pointillés ?

Qu'est-ce que vous penseriez de sportifs qui ne s'entraîneraient ou pratiqueraient leur sport favori seulement 4 ou 5 fois dans l'année ? Qu'est-ce que vous penseriez d'un étudiant qui n'irait suivre les cours que 4 ou 5 fois par an ? Qu'est-ce que vous penseriez d'un parlementaire qui n'irait à l'Assemblée nationale ou au Sénat que 4 ou 5 fois par an, ou bien d'un Maire qui n'irait dans son bureau que 4 ou 5 fois par an ?

Je vais répondre à votre place : vous diriez de ces personnes qu'elles ne croient pas en ce qu'elles font, qu'elles n'aiment pas ce qu'elles font, qu'elles ne sont pas sérieuses. Et vous auriez raison de dire cela.

Si je vous dis ces choses, ce n'est pas pour vous donner mauvaise conscience ; ça ne servirait à rien. Si je vous les dis c'est pour que vous ne deveniez pas des momies, des morts vivants, pour que vous ne laissiez pas éteindre en vous la lumière de l'Esprit Saint que vous allez recevoir, pour que vous ne laissiez pas mourir en vous le souffle de l'Esprit, pour que vous ne laissiez pas affadir en vos cœurs le sel de l'Evangile. Ne devenez pas des commémorateurs épisodiques de votre baptême et de votre confirmation !

Dans vos lettres, chers confirmands, vous m'avez dit que vous aviez fait le choix, librement, d'aller au catéchisme, d'aller à l'Aumônerie, de demander la confirmation, et en cela, vous avez plus de mérite que bien de vos prédécesseurs qui se contentaient de suivre la tradition. Je m'en réjouis vraiment, car c'est la preuve que vous êtes de vivants et pas déjà des momies du christianisme. Mais la foi, l'espérance et la charité chrétiennes, c'est comme les batteries ; si elles ne sont pas actives, si elles ne sont pas alimentées, si elles ne servent pas, elles finissent par se décharger.

Le jour de notre baptême, le prêtre a dit sur chacun de nous ces paroles : "Désormais, tu es membre du Corps du Christ, c'est-à-dire de l'Eglise ; le Seigneur t'a consacré par l'onction pour être prêtre, prophète et roi" : prêtre pour célébrer, prophète pour annoncer et témoigner, roi pour servir dans la charité. Or, tout cela se conjugue au présent, pas au passé. Ne devenez pas des anciens combattants avant même d'avoir commencé à combattre, à mener le combat de la foi ; ne devenez pas des chrétiens de tradition avant même d'avoir été des chrétiens de conviction. L'Esprit-Saint vous est donné pour la mission aujourd'hui. Depuis 2000 ans, l'Eglise vit dans une Pentecôte ininterrompue, sinon il y a longtemps qu'elle aurait disparu ! L'Esprit Saint ne cesse pas de faire de nouveaux Apôtres, de déposer sur leur tête la flamme de son ardeur, de mettre en leur cœur le souffle de sa force ; il fait d'eux des disciples-missionnaires pour que l'Evangile du Salut se répande dans les cœurs, pour qu'il soit porté partout dans le monde. Pentecôte, c'est l'Eglise en naissance ; et parce que l'Esprit Saint est toujours jeune – Dieu ne vieillit pas ! – l'Eglise aussi est toujours jeune de la jeunesse de l'Esprit Saint ; elle est toujours en naissance. Du point de vue des historiens, c'est une vieille dame, du point de vue de l'Esprit et des croyants, c'est une fiancée sans ride, c'est l'Epouse du Christ ressuscité qui ne vieillit jamais.

Chers confirmands, l'Eglise c'est vous ; chers frères et sœurs, l'Eglise c'est vous. Nous sommes les pierres vivantes de l'Edifice spirituel de l'Eglise. Chacun de nous a besoin de l'Eglise parce que chacun de nous a besoin du Christ et de l'Esprit pour le conduire vers le Père ; mais l'Eglise a aussi besoin de chacun de nous. Comme le dit Saint Paul, en prenant l'exemple du corps humain : aucun membre du corps ne peut dire à l'autre "je n'ai pas besoin de toi". Dans l'Eglise, Corps du Christ et Temple de l'Esprit, aucun membre ne peut dire à l'autre "je n'ai pas besoin de toi". L'on n'est pas chrétien tout seul ; nous avons tous besoin les uns des autres. Ce qui suppose bien sûr que chacun fasse une place à l'autre et que personne ne se croit propriétaire d'une fonction. Cela suppose que les anciens fassent une place aux jeunes et que les jeunes s'engagent et prennent des responsabilités. Parfois j'entends des jeunes qui disent "je ne vais pas à la messe parce que la messe est triste" ; alors je leur dis : "au lieu de critiquer, vas-y et apporte ta joie et ton service et elle ne sera plus triste" !

Frères et sœurs, rendons grâce au Seigneur parce qu'aujourd'hui son Esprit est à l'œuvre dans notre Eglise et qu'il fait de nous des pierres vivantes de son Eglise, des témoins de son Evangile de Salut pour le monde. Amen.

 

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle

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