Mardi 19 août 2014 - Pèlerinage à Lourdes — Diocèse de Tulle

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Mardi 19 août 2014 - Pèlerinage à Lourdes

Messe en diocèse - Eglise Ste Bernadette

Il m’est arrivé un jour, lorsque j’étais curé de paroisse, de tomber sur un vieux cahier d’archives où le curé de l’époque (les années cinquante) notait, chaque année, le nombre de chrétiens de la paroisse qui n’avaient pas fait leurs Pâques. Ils se comptaient sur les doigts de la main ! Lorsque je raconte ce fait, j’ajoute toujours que si c’était aujourd’hui le même curé noterait plus facilement le nombre de chrétiens qui ont fait leurs Pâques.

Si j’évoque ce souvenir, c’est en pensant à un commentaire du pape François à propos de la page d’Evangile que nous venons d’écouter. Le Saint Père disait qu’aujourd’hui ce n’est pas 99 brebis que le berger laisse au bercail pour aller chercher la centième qui s’est égarée, mais c’est plutôt l’inverse qui arrive : il laisse quelques brebis au bercail pour aller chercher la plupart des autres qui se sont égarées ! Avouez que c’est moins confortable ! Ca veut dire que ce berger doit passer beaucoup plus de temps, infiniment plus de temps, à chercher des brebis perdues qu’à s’occuper des quelques-unes qui sont encore au bercail.

Telle est la situation de l’Eglise aujourd’hui. Et c’est pour cette raison que Jean-Paul II, puis Benoît XVI ont insisté sur la nécessité d’une nouvelle évangélisation et qu’aujourd’hui leur successeur François nous encourage aussi vivement à devenir des missionnaires de l’Evangile, de passer d’une pastorale où l’on s’occupe presqu’exclusivement d’entretenir ce qui existe à une pastorale de la « sortie » pour aller annoncer l’Evangile à ceux qui ne le connaissent pas. Il s’agit donc d’une conversion à opérer dans notre manière de vivre en Eglise aujourd’hui, d’organiser nos communautés locales, nos paroisses.

Si je parle de conversion, c’est pour situer notre tâche dans le sillage de ce que demande le pape François, dans son Exhortation apostolique La joie de l’Evangile ; il y est question de discernement, de purification et de réforme. Nous aurions tort cependant de penser que cette conversion concerne avant tout les structures de l’Eglise, le diocèse et les paroisses, les services pastoraux. Comme s’il suffisait de faire des réformes de structures, de s’organiser différemment pour que l’Evangile soit mieux annoncer à nos contemporains. Ce n’est pas cela que le pape nous propose. S’il y a nécessité de purification et de réforme, elle concerne avant tout les cœurs des chrétiens, des fidèles laïcs comme de leurs pasteurs. Pourquoi ? Parce que l’Evangile n’est pas une idéologie, mais que c’est la rencontre d’une personne, la rencontre de Jésus-Christ.

L’Eglise est par nature missionnaire ; si elle ne l’est pas, elle n’a aucune raison d’exister. Elle est faite pour annoncer l’Evangile, pour témoigner de la mort et de la résurrection du Christ, pour porter aux hommes et aux femmes de ce monde la Bonne Nouvelle du Salut, c’est-à-dire qu’il y a un Dieu qui les aime et que la vie ici-bas ne débouche pas sur le néant. Quand on dit que l’Eglise est missionnaire, cela signifie que tous les membres de l’Eglise sont concernés par cette mission. Or, se sentir concerné par la mission évangélisatrice, par le témoignage, suppose qu’on vive soi-même déjà de l’Evangile, que Jésus soit au cœur de mon existence, que Jésus soit mon ami, que j’ai conscience que je suis déjà un sauvé parce que le Christ est mort et ressuscité pour moi, qu’il m’aime d’un amour infini ; cela suppose que je lui consacre du temps chaque jour, que je médite sa parole, que je l’adore, que je participe à l’Assemblée dominicale pour célébrer les mystères de notre salut, que nous vivions comme des frères entre nous et que nous pratiquions la charité envers les autres. Bref, cela suppose que nous cherchions à vivre selon ce que nous dit le livre des Actes des Apôtres au sujet de la première communauté chrétienne : « ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » (Ac 2, 42).

En cela, le temps du pèlerinage est un temps favorable au ressourcement pour mieux vivre la mission. A Lourdes, personnellement et ensemble, on prie, on médite, on adore, on se réconcilie, on célèbre l’eucharistie, on loue le Seigneur, on vit la fraternité, et tout cela avec la Vierge Marie qui intercède pour nous, pauvres pécheurs. Pèlerins de Lourdes, nous profitons de ce temps béni, pour mieux nous exercer à la communion et à la mission. Bien-portants et malades, jeunes et anciens, laïcs, prêtres et consacrés, nous sommes le Corps du Christ et, en Eglise, priant les uns pour les autres, nous soutenant les uns les autres dans la charité fraternelle, nous puisons les eaux aux sources du salut. Nous vivons des instants favorables à l’intimité avec le Seigneur et à la rencontre fraternelle entre nous. Nous nous exerçons à être disciples et à être apôtres, auprès de notre Mère qui est d’une certaine façon le modèle du disciple et le modèle de l’apôtre. Qui mieux qu’elle a suivi Jésus, qui mieux qu’elle a conduit à Jésus ? Avec elle, nous sommes un peu comme les disciples au Cénacle.

Cette sorte de retraite spirituelle qu’est notre pèlerinage, où nous sommes appelés à vivre la joie de la conversion, n’a pas pour but de nous éloigner de la mission, mais de nous fortifier pour faire de nous des missionnaire ardents et zélés de l’Evangile, des missionnaires joyeux de témoigner de ce qui est au cœur de leur vie de baptisés, de disciples du Seigneur.

A Lourdes, nous pouvons nous placer dans la situation de la brebis égarée pour nous laisser rencontrer par le Christ bon pasteur qui vient nous prendre sur ses épaules, qui nous ramène au bercail, qui soigne nos blessures et nos maladies de l’âme et du corps. A Lourdes, près de Marie, nous expérimentons la douceur d’être aimés, d’être guéris, d’être pardonnés. Mais, d’une manière inséparable, nous faisons l’apprentissage de l’apostolat auprès de la Reine des Apôtres. Comme pour Bernadette, elle nous délivre un message de conversion pour faire de nous des messagers joyeux de l’Evangile, un message de foi pour être des témoins de son Fils, un message d’Espérance pour être des lumières dans le monde, un message de charité pour servir nos frères et nous rendre proches de tout homme.

Marie de la foi, Marie de l’Espérance, Marie de la charité, en ces jours où nous venons puiser à la Source du Salut, à tes côtés, soutenus par ton intercession maternelle, aide-nous à laisser ton Fils convertir nos cœurs à son Evangile afin que nous recevions aussi la force d’être des témoins courageux et joyeux sur les routes de notre Corrèze ! Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle