Synode sur l'Amazonie - Un synode pour le monde entier ? — Diocèse de Tulle

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Synode sur l'Amazonie - Un synode pour le monde entier ?

Publié le 07/10/2019
Interview de Mgr Dominique YOU, évêque de Santíssima Conceição do Araguaia au Brésil. Le synode sur l'Amazonie qui se tient à Rome du 6 au 27 octobre, doit nous interpeller en tant que défi pastoral et évangélisateur. L'année de l'Appel qui vient de s'ouvrir dans notre diocèse nous fait prendre conscience de notre vocation baptismale qui fait de nous des missionnaires !

 

Dans cet entretien, Monseigneur You, ancien prêtre de notre diocèse, et aujourd'hui évêque évêque auxiliaire de São Salvador de Bahia au Brésil nous explique les enjeux de ce synode qui se déroule au cœur du Mois Missionnaire extraordinaire.

 Monseigneur, en quelques mots, pouvez-nous nous expliquer les enjeux de ce synode ? De quoi l'Amazonie a t-elle besoin pour que l'Eglise s'édifie et puisse annoncer l'Evangile ?

Le Pape François a toujours regardé vers l’Amazonie avec une attention spéciale. Nous n’en avons pris conscience que graduellement. Il voit dans notre situation un « concentré » de ce qui constitue la crise globale de l’humanité et la place de l’Eglise au milieu de celle-ci. Pourquoi et comment évangéliser l’Amazonie ?

C’est évidemment d’abord à cause du thème de l’Ecologie Intégrale. L’Amazonie est, par sa biodiversité, la cible de tous les chasseurs et manipulateurs de vie. Elle court à sa perte si elle continue à être maltraitée comme elle l’est. Et cette perte sera préjudiciable à toute l’humanité.

D’autres aspects complémentaires entrent en jeu : la dimension des migrations qui, depuis des siècles, ont notre région pour cible : Dans mon diocèse, je peux affirmer que 95% de la population est arrivée de tous les états du Brésil, il y a moins de 40 ans !

Egalement, un capitalisme sans frein et prédateur dont les victimes sont la création en général et l’être humain en particulier : mines d’or clandestines, gigantisme des exploitatons agricoles, culture du rejet de l’être humain, par exemple dans travail esclave, etc.

NOUS SOMMES PASSES DE 5 A 18 SEMINARISTES EN 5 ANS

Enfin, la dimension religieuse avec la croissance incontrolée des sectes évangéliques (bien différentes du protestantisme traditionnel européen) qui représente un défi pour l’évangélisation...

C’est tout cela - et beaucoup plus - qui motive ce Synode. Seul un immense effort soutenu par une réflexion approfondie pourra faire que nous devenions de plus en plus humains, plus fraternels, et plus fils et filles de Dieu !

 Comment ce synode interpelle l’Europe ? Particulièrement durant le mois missionnaire extraordinaire ?    

 Malgré toutes ces difficultés et bien des limitations, l’Eglise ne baisse pas les bras dans son dynamisme évangélisateur. La vie paroissiale est, dans la majorité des cas, une fourmilière d’initiatives aux divers visages.

Le Mois Missionnaire Extraordinaire sera l’occasion de reprendre après les années de « Mission Continentale » (dans ce diocèse, en 2012-2017) une pratique forte des visites domiciliaires de nos gens. Avec des propositions évangélisatrices sous forme de manifestations religieuses de toutes sortes dans les rues, sur les places, dans les écoles, les prisons et les hopitaux... Le rève est évidemment que cette initiative d’un mois réservé à cette activité missionnaire intensive devienne une coutume, comme je l’avais connue à Salvador de Bahia, dans mes premières années au Brésil (1992-2006).

Y compris sur le plan vocationnel, nous faisons une expérience significative. La Mission engendre les vocations : Après des années d’« ensemencement » d’une moisson assez abondante, dans nos dix paroisses, nous sommes passés de 5 à 18 séminaristes en 5 ans. Nous lançons cette année l’Ecole Diaconale (pour formes des diacres permaments), et nous balbutions pour mettre sur pied un itinéraire de formation pour « vierges consacrées » et pour les « veuves consacrées ». Les congrégations religieuses du sud du pays, en effet, peinent à se maintenir. Et nous sentons la nécessité de « gens de chez nous » pour évangéliser les « gens de chez nous » !!!

 

 Comment se vit la pastorale dans le contexte brésilien ?  

Ce qui nous différencie de l’Europe, à qui nous devons énormément pour tout ce qu’elle nous a apporté et nous apporte encore, c’est la fibre communautaire de nos gens. Même avec l’invasion de l’individualisme de la nouvelle culture mondialisée, ce trait est encore fort. C’est lui qui rend possible : la vie liturgique fraternelle est ancrée sur la vie communautaire des quartiers urbains ou des zones rurales, grâce à l’engagement d’un grand nombre de « ministres laïcs institués » pour assurer une liturgie digne et profonde.

CE QUI NOUS DIFFERENCIE DE L'EUROPE, C'EST LA FIBRE COMMUNAUTAIRE DE NOS GENS

La fibre est aussi la source de nos « Projets de Miséricorde » en faveur des plus défavorisés : Pastorale de l’Enfance (0 à 6 ans), enfants et jeunes de nos périphéries, adolescentes enceintes, jeunes et adultes dépendants des drogues, détenus, monde de la prostitution, etc. Il reste infiniment plus à faire qu’il n’existe d’initiatives, mais il ne passe pas d’année sans le surgissement de plusieurs « projets » nouveaux dans le diocèse... Malgré toutes les critiques que l’on peut faire à l’Eglise, elle est celle qui « fait le bien aux gens » !

Je serais coupable d’omission si je ne disais pas la soif de formation de nos « responsables »  communautaires. A cause de nos distances gigantesques qui séparent les communautés des centres paroissiaux (jusqu’à 150 km) et aussi les paroisses du centre diocèse (jusqu’à 400 km). Nous avons dû ouvrir une « École de la Foi » pour laïcs par internet. Nous créons (ou traduisons) des cours de Bible ou d’autres sujets plus profanes : famille, éducation, etc. Notre gratitude au « Centre des Bernardins » du Diocèse de Paris est très grande pour le partenariat que nous avons établi, et qui nous permet d’offrir des formations très actuelles. Nous totalisons chaque année 700 inscriptions à ces cours.

Nous sommes tous appelés à la sainteté, par notre baptême nous sommes devenus disciples missionnaires, quels sont les défis communs d'un chrétien en Corrèze et celui d'un brésilien ?

J’espère profondément que le Synode va être copieusement inspiré pour faire résonner l’appel des baptisés à la sainteté en notre situation amazonienne, tant humaine, sociale que spirituelle. C’est à mes yeux, le seul chemin pour que l’Eglise puisse réellement offrir son inépuisable patrimoine de connaissance et de dévouement en faveur de notre région. L‘Ecologie Intégrale ne peut pas faire l’économie du message divin sur la fraternité, sur l’indispensable équilibre de vie individuelle et sociale, et sur l’harmonie entre l’homme et tout le reste de la création ! Car « tout est lié » nous répète le Pape François .

Alors, oui, notre Synode offrira des réponses dont le monde entier, la Corrèze et l’Amazonie ont besoin pour avancer vers un monde plus humain, plus fraternel et plus fils de Dieu : où la personne soit reconnue dans sa dignité de fille de Dieu.

 

Qui est Monseigneur Dominique You ?

Bien qu'originaire du diocèse de Fréjus-Toulon, Dominique You a été ordonné prêtre le 23 juillet 1981 pour le diocèse de Tulle. Il fut prêtre à Brive de 1981 à 1992, d'abord vicaire de la paroisse Saint-Sernin, puis aumônier des lycées et collèges de Brive.

En 1992, il part au Brésil comme prêtre fidei donum.

En 2002 il est nommé évêque auxiliaire de São Salvador de Bahia au Brésil. Depuis 2006, il est évêque de Santíssima Conceição do Araguaia (en), en Amazonie, toujours au Brésil.

 

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