Montrer le Ciel — Diocèse de Tulle

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Montrer le Ciel

Publié le 27/10/2023
Don Paul Denizot est recteur de Montligeon (Orne), un sanctuaire dédié à la prière pour les défunts.
Nous le remercions d'avoir répondu à nos questions sur le sens des obsèques.
Pourquoi accompagner les morts par la célébration des obsèques ?

Don Paul Denizot – C'est très intéressant de voir que l'accompagnement des morts est une réalité importante qui traverse toute l'histoire de l'humanité. C'est d'ailleurs ce qui, selon certains anthropologues, différencierait l'homme de l'animal, quand il commence à enterrer ses morts et à faire des rites autour de la mort… Je pense que c'est profondément inscrit dans le cœur de l'homme, inconsciemment, peut-être. On le voit même dans notre société déchristianisée, lorsqu'après des attentats ou tel ou tel drame, on organise des marches blanches, on allume des bougies. Bien sûr, c'est d'abord une réaction face à cette angoisse de la mort ou de la violence. Mais il y a comme le pressentiment que l’on peut encore faire quelque chose pour les défunts et c'est ce que nous dit la Révélation, notamment à travers le livre des Macchabées dans l'Ancien Testament : le fait de prier pour les défunts est quelque chose de bon parce que cela peut contribuer au pardon des péchés. Dans cet épisode, alors que Judas Macchabée mène la résistance juive, les hommes d'Israël tombent face aux troupes de Gorgias. On réalise que certains morts portent des amulettes sur eux, ce qui constitue un grave péché pour le peuple élu : l’idolâtrie. Judas Macchabées va donc faire célébrer un grand sacrifice à Jérusalem pour tous ces défunts, et le livre des Macchabées nous dit que c'était une pensée pieuse parce qu'il croyait au pardon des péchés après la mort.

L’espérance chrétienne va assumer également cette pratique. Dès l'Antiquité, les chrétiens ont prié pour les défunts. Ce sens aigu que, par la prière, nous pouvons aider les défunts dans un chemin de purification conduira l’Église à formaliser la réalité du purgatoire.

Du côté des vivants qui restent sur terre, quel est l'intérêt humain et spirituel de cette célébration ?

D'abord, nous croyons que cela peut aider les défunts et qu'il n'est jamais trop tard, jamais inutile de prier pour eux. Nous célébrons des obsèques pour leur rendre hommage, les remercier et les pleurer mais surtout pour les confier à la miséricorde de Dieu.

Pour les vivants, l'intérêt est de pouvoir s'arrêter et de réaliser des rites devant ce drame de la mort. La mort d'un proche nous touche toujours et les raisonnements sont vains face à ce mystère insondable de la mort d'une personne qu'on aime. Les rites, la prière expriment à la fois notre souffrance, notre tristesse et en même temps sont un cri vers Dieu qui peut, selon notre Foi, délivrer les défunts de la mort. C'est donc à la fois pour manifester l'affection que nous avons pour le défunt et en même temps, dans ces rites, puiser dans notre espérance dans la vie éternelle et la demander pour eux.

Quel est le sens des symboles utilisés dans cette cérémonie : les cierges, l'encens, l'eau bénite…

Effectivement, le rite est riche de symboles qui signifient notre espérance. Par exemple, la foi de la personne décédée est symbolisée par le cierge pascal auquel on allume les cierges pour les mettre autour du cercueil. La foi est cette lumière qui luit dans l’obscurité de la mort, notre espérance qui se fonde sur la résurrection du Christ. C'est parce que nous croyons à la résurrection du Christ que nous croyons à la résurrection des morts. Ensuite, l’encensement du corps, c'est le respect du corps. Le corps du défunt, ce n'est pas n'importe quoi, il a été le temple de l'Esprit-Saint. C'est une manière de rendre hommage à ce corps et professer notre foi en la résurrection de la chair : nous espérons revoir le corps de ceux que nous avons aimés dans la Gloire. Et l'eau bénite est le symbole du baptême, le rappel du baptême de la personne défunte, pour laquelle on prie. Ce jour où le défunt est devenu enfant de Dieu.

Le décès d'un proche est parfois donc, même si c'est de plus en plus rare, l'occasion d'une veillée funéraire. Alors en quoi cela consiste ? Pour une personne qui souhaiterait investir cette coutume et qui se sentirait démuni, comment en installer une ?

C’est en effet de plus en plus rare, alors que c'était très courant autrefois. Il y a 30 ou 40 ans, Georges Brassens chantait Les funérailles d'antan : « Jadis, les parents des morts vous mettaient dans le bain /De bonne grâce, ils en faisaient profiter les copains. / Y a un mort à la maison, si le cœur vous en dit / Venez le pleurer avec nous sur le coup de midi… »

C'est une tradition dont on peut être un peu nostalgique, qu’on rencontre encore beaucoup dans le monde, en Afrique, par exemple… Dans les DOM-TOM, à la Réunion, cela m’a fortement marqué. La veillée s’est malheureusement perdue dans notre Occident sécularisé.

Pourtant elle permet d’affronter la question de la mort qui n'est pas simple. Le fait de prendre un peu de temps avec le corps, nous permet de réaliser, même si c'est douloureux, même si on ne réalise pas totalement, que celui ou celle que nous aimons n'est plus. C'est une occasion de pleurer, d'évoquer les défunts… De prier aussi, de dire un peu de chapelet par exemple. Et c'est vrai qu’il y a plusieurs manières de vivre une veillée. Il y a des propositions dans le livre qui s'appelle Dans l'espérance chrétienne [cf. page 13], qui donne quelques modèles de prières, de veillée pour pouvoir prier pour un défunt.

Je pense que cette veille du corps est une aide pour réaliser le décès, pour commencer le long temps du deuil. C'est l'occasion aussi de pleurer..

Quelles relations pouvons nous entretenir avec un proche décédé ?

Cela dépend des étapes du deuil dans lequel nous nous trouvons. Il y a des personnes qui ont du mal à lâcher le proche décédé, qui ont peur de l'oublier s’ils ne pensent pas à lui chaque minute de leur vie, ce qui est faux. Il est impossible d'oublier les personnes que nous avons aimé. Il y a aussi le temps du consentement…

Pour moi, une relation, par exemple avec mon père décédé, c'est d'essayer une fois par an d'aller prier sur sa tombe, même si c'est un peu loin, de faire un pèlerinage, de célébrer la messe au jour anniversaire de sa mort, et de prier pour lui, parfois de le remercier. Tout à coup, quand je perçois qu'il y a quelque chose qu’il m'a transmis et que j'avais oublié et bien je dis : « Seigneur, je te remercie pour ce que mon père m'a donné. Merci pour cela » Et s'il y a une colère contre lui : « Seigneur Dieu pardonne à mon père pour ça ou ça », ou je lui demande pardon pour mes ingratitudes…

Il y a donc la prière. Et puis, il y a tous les actes de charité que je peux faire et que je peux offrir pour telle ou telle personne défunte dans son chemin de purification (purgatoire). Parce que nous croyons que nos défunts ne sont pas morts. Nous espérons qu'ils sont près de Dieu et nous prions pour cela.

La foi de l’Église nous enseigne aussi que les liens qui nous unissent sont des liens vivants, des liens de charité. Certes nous ne voyons ni n’entendons nos défunts mais cela n’empêche pas de vivre avec eux dans la communion des saints. Et donc on peut toujours dans cette communion des saints s'adresser à eux dans le Seigneur qui est la vie des morts et des vivants et qui réalise la communion.

Pour finir, faut-il, selon vous, redouter pour nos défunts comme pour nous le purgatoire ?

Oui et non. Le purgatoire, c'est une excellente nouvelle parce que c'est un rattrapage pour entrer au Ciel, pour avoir le cœur ouvert. C’est d'abord un rattrapage pour ceux qui ne sont pas prêts à communier à la vie éternelle. Au Ciel, il n’y a pas de narcissisme, pas d'égoïsme, de jalousie, de rancœur… et le purgatoire, c'est cette douche qui me purifie, c'est ce « temps » qui m'apprend à aimer, qui m'apprend à pardonner, à devenir libre par rapport à toutes les addictions qui ont été les conséquences de mon péché. C'est donc très positif. Mais effectivement, c'est un temps douloureux : quand on a des addictions, quand on fait une cure de désintoxication, cela fait mal.

Cela fait mal parce que c'est l'âme qui se déploie. Ce n’est pas Dieu qui punit. Dieu n'est pas un Dieu vengeur, mais un Père qui aime et qui libère.

 

Image aérienne de couverture : © Sanctuaire Notre-Dame de Montligeon

Image ci-dessous : Sanctuaire Notre-Dame de Montligeon © Jimmy Beunardeau

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