Interview de Mgr Francis BESTION
Publié le 04/07/2019
Eglise en Corrèze : Monseigneur, quel est le but d’une visite pastorale ?
Mgr Bestion : Tout d’abord, je voudrais dire que les visites pastorales font partie des obligations canoniques de l’Evêque. Ce n’est pas quelque chose d’optionnel ! En arrivant dans le diocèse, j’ai visité, pendant une année (2014-2015), tous les groupements paroissiaux. Mais il s’agissait de visites rapides, pour faire connaissance. L’année suivante, j’ai visité les Etablissements d’Enseignement catholique et les Communautés religieuses. Ensuite, il y a eu l’année jubilaire des 700 ans, pendant laquelle je n’ai pas pu faire de visites. Cette année, j’ai repris, au rythme de deux visites par an. Mais ce sont des visites plus longues, puisque je reste de 8 à 10 jours dans une Communauté Locale. Si je devais résumer en quelques mots le but d’une visite pastorale de l’évêque, je dirais : encourager, évaluer, susciter un renouveau missionnaire, permettre de fixer quelques priorités pour la mission. Cela se fait avec la fraternité presbytérale (les curés in solidum), l’Equipe d’Animation Pastorale et le curé qui a davantage en charge la Communauté, et, bien sûr, avec les divers acteurs de la vie pastorale.
EEC : Qui vous accompagne pour la visite ?
Mgr Bestion : Vous avez raison de poser cette question, car l’évêque ne peut rien faire seul. C’est vrai d’abord pour préparer la visite en amont. C’est un gros travail avec le vicaire général, les curés in solidum, l’EAP locale et d’autres acteurs de la vie ecclésiale. En ce qui concerne les personnes qui accompagnent l’évêque pendant la visite, il y a bien entendu le prêtre chargé de cette communauté, le vicaire général (mais comme il est lui-même curé de plusieurs communautés, je n’exige pas sa présence), des membres de la communauté engagés dans divers domaines de la vie pastorale. Dans la visite à Meymac/Peyrelevade/Bugeat, le Père Etienne, des membres de l’EAP ou d’autres personnes très actives dans la Communauté m’ont accompagné tout au long de la visite. Je leur suis très reconnaissant d’avoir pris tout ce temps !
EEC : Concrètement en quoi consiste la visite ?
Mgr Bestion : Elle consiste essentiellement à rencontrer des personnes ou des groupes de personnes. Il y a des incontournables : la Communauté rassemblée pour la messe du dimanche (à Meymac, Bugeat, le pèlerinage à St-Setiers), les églises des villages (à Tarnac, un groupe de personnes a organisé une visite commentée de leur église récemment restaurée), l’Equipe d’Animation pastorale, les communautés religieuses (comme les Sœurs de l’Institut Saint-Joseph, à Meymac), les catéchistes et les enfants du catéchisme, le Conseil économique, l’Ecole catholique (mais il n’y en a pas partout). Je souhaite surtout rendre visite à des personnes, dans leur maison : des personnes isolées qui ne peuvent pas sortir de chez elles, des personnes âgées, des malades, des personnes souffrant d’un handicap. J’y consacre les après-midi. Cela reste modeste, faute de temps. Sur le plateau de Millevaches, je suis allé dans une dizaine de maisons. Je parle avec les personnes et on prie ensemble. Les matinées, je vais plutôt à la rencontre de réalités locales, économiques, sociales, culturelles, etc. C’est ainsi que j’ai visité cinq exploitations agricoles ; quelques entreprises, comme « Chéri Bibi », à Combressol, la scierie « Garais », à Gourdon-Murat, la « Ressourcerie », à Peyrelevade ; un centre important comme celui de Peyrelevade pour l’accueil des demandeurs d’asile (CADA) ; l’Ecole forestière de Meymac qui reçoit des jeunes de toute la France ; la librairie de Meymac ; une exposition au Centre d’Art contemporain de Myemac. Je tiens à remercier tous les responsables de ces ‘structures’ qui m’ont aimablement accueilli. Je souligne aussi une rencontre qui me tient particulièrement à cœur : j’invite les maires des diverses communes à une rencontre informelle pour les écouter. Deux rencontres ont eu lieu, l’une à Bugeat, l’autre à Maussac. Mieux que quiconque, ils connaissent les diverses réalités locales.
EEC : Votre visite déborde donc largement le cadre ecclésial ?
Mgr Bestion : Oui et c’est très important ! L’Eglise locale ne vit pas « hors-sol » ! Les communautés chrétiennes sont toujours implantées sur un territoire ; elles ont une histoire qui dépend plus ou moins de la situation démographique, des réalités économiques et sociales, des coutumes, etc. Le fait de pouvoir s’imprégner, même si cela reste forcément limité, de toutes ces réalités permet à l’évêque et à ceux qui l’accompagnent de saisir les particularités locales (atouts, difficultés, projets) dont il faut tenir compte pour la mission de l’Eglise. Cela permet de « sentir » le terrain, de mieux comprendre ce que vivent les habitants d’un lieu, d’entendre leurs soucis et leurs problèmes.
EEC : Quels peuvent être les fruits de la visite pastorale pour la Communauté ?
Mgr Bestion : Les fruits sont d’une grande richesse pour l’évêque lui-même, pour la connaissance de son diocèse. Mais cela ne suffit pas, vous avez raison de poser la question des fruits pour la Communauté visitée. La visite doit faire l’objet d’un bilan avec la fraternité presbytérale, avec l’Equipe d’Animation pastorale et le prêtre chargé de suivre cette Communauté Locale. Il faut en tirer certaines ‘leçons’, pouvoir se réjouir ensemble de ce qui existe et envisager comment palier à certains manques. A partir de ce bilan, l’EAP doit réfléchir pour mieux comprendre sa mission et envisager l’avenir de la Communauté. Sur le plan diocésain, il peut être intéressant que les divers Conseils de l’Evêque regardent de près les bilans de plusieurs visites pastorales pour repérer des axes majeurs, des lignes directrices, et pouvoir s’en inspirer pour mettre en œuvre les Orientations pastorales diocésaines.
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