Entretien avec Don Matthieu de Neuville — Diocèse de Tulle

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Entretien avec Don Matthieu de Neuville

Publié le 01/09/2020
Avant de partir, don Matthieu a bien voulu prendre le temps de faire le bilan avec nous. Retrouvez ici l'interview complète. Un extrait est publié dans le numéro de septembre de la revue Église en Corrèze.

Don Matthieu de Neuville est arrivé à Brive lors de l’installation de la Communauté Saint-Martin, en 2017. D’abord affecté aux communautés locales de Mallemort, Cosnas et les Chapélies, il a ensuite desservi Saint-Pantaléon, Ussac et les paroisses du Causse. Il a terminé sa dernière année à Ussac, tout en accompagnant l’ensemble scolaire Edmond Michelet - plus particulièrement Bossuet. Alors qu’il s’apprête aujourd’hui à quitter la Corrèze pour prendre la charge curiale de Chinon, il a bien voulu revenir avec nous sur ce temps donné.

Don Matthieu, quel bilan tirez-vous de votre passage sur l’espace missionnaire de Brive ?

J'étais très heureux d'arriver dans le diocèse de Tulle et la Corrèze, car je me rapprochais de mes racines. Et parce qu'il y avait beaucoup de travail, une mission nouvelle, des orientation nouvelles pour le diocèse : j'ai trouvé tout cela très enthousiasmant. J'ai eu l'impression de ne faire que des débuts [rires] : lancer des apostolats, rencontrer des personnes, discuter, réfléchir, monter une EAP… pour ensuite transmettre le tout à un autre. C'était un commencement à chaque fois, ce qui engendrait toujours beaucoup de discussions, de discernement vis-à-vis des personnes et d'accompagnement. J'ai trouvé tout cela très enrichissant.

Quelle a été votre plus grande difficulté ?

Je pense que la plus grosse difficulté pour moi, c'est de savoir laisser le temps au temps. On a envie de faire plein de choses, de foncer. Et bien non, il faut laisser les choses se monter et ne pas être trop rapide. C’est une question d'équilibre : les personnes doivent pouvoir prendre toute leur place, et pour y arriver il faut leur laisser du temps.

Vous étiez particulièrement investi auprès des jeunes : qu’avez-vous pu mettre en place pour eux durant ces trois années ?

Je trouve que c’est peut-être une des grandes réussites. Quand nous sommes arrivés sur Brive, il y avait "deux mondes" au niveau de la pastorale des jeunes : l’enseignement public et l'enseignement privé. Aujourd'hui, ce n’est plus pertinent d'avoir cette séparation, les moyens nous manquent. Au bout d'un an, une aumônerie paroissiale a été montée : elle regroupe tous ceux qui veulent, du privé comme du public. Nous avons réussi à avoir des groupes de la 5ème à la terminale, des couples nous accompagnant en fonction des tranches d'âges. Cette année, nous avions en tout cinq couples, trois prêtres, un séminariste, pour à peu près 80 jeunes, ce qui est bien - même si nous pourrions toujours avoir plus. Il ne nous est pas permis d’entrer dans les établissements publics – à part une feuille sur le panneau d’informations – mais nous «  attrapons » alors les jeunes par le catéchisme et les réseaux paroissiaux. Après, nous pourrions encore plus les intégrer dans la vie paroissiale mais cela, je le réserve pour mes successeurs [rires].

Pouvez-vous nous raconter un souvenir qui vous aura particulièrement marqué ?

Mon premier grand souvenir, ce sont les confirmations des 700 ans du diocèse, à la fin de la première année. Cet évènement nous a bien permis d'entrer dans la vie du diocèse, en particulier auprès des jeunes.

Mais la plus grande joie de mon ministère ici provient des personnes avec lesquelles j'ai travaillé. Ce furent de grandes expériences enrichissantes, tant dans les EAP que dans l'accompagnement pastoral des jeunes. J’ai côtoyé des personnes dévouées, qui se donnaient corps et âme dans leur mission.

Quels sont à votre avis les chantiers qui restent à mettre en place ?

Au niveau de la pastorale des jeunes, il y a toujours des choses à développer, je pense en particulier à la fidélisation des jeunes. L’aumônerie ne doit pas être une chose parmi d'autres au milieu du foot, de la chorale ou de l'école de musique. Cela doit faire partie intégrante de la vie des jeunes, et de la vie paroissiale.

Plus largement, il faut aussi, toujours, davantage, travailler sur l’unité : avoir un sentiment, même si nous faisons partie d’une communauté locale et d’un espace missionnaire, qu'on ne travaille jamais seul. Nous sommes membre d'un corps, ce qui implique savoir davantage mutualiser, mais aussi parfois déléguer. C'est un savant mélange.

Et enfin il reste un important travail de communication sur l'espace missionnaire. Comment toucher le plus possible les personnes ? Leur communiquer les projets, les actions, les remerciements, etc. ? À la fois dans l'Église, dans l'espace missionnaire, dans la communauté locale, mais aussi vers les périphéries, ad intra et ad extra.

Là où je vais, mon prédécesseur a inversé la question. Au lieu de dire : « qu'est-ce que vous pouvez faire pour l'Église ? », il a demandé : « qu'est-ce que l’Église peut faire pour vous ? » Il cherchait toujours à aller vers les personnes, plutôt que de se dire que les personnes iraient à la collecte des informations. Si nous sommes capables de relayer les informations, les gens ne peuvent plus dire : il ne se passe rien. Non, il se passe des choses, mais c’est juste pas dit, pas annoncé. Enfin, il y a aussi tout le domaine de la communication ad extra, vers les non-croyants, à développer. Vaste chantier !

La mobilité fait partie des engagements d’un prêtre de Saint-Martin : comment vivez-vous cette exigence ?

Je ne le vis pas comme un arrachement, peut-être parce que je m'ancre pas assez... J'ai toujours déménagé, depuis tout petit. Pour moi, c'est un aiguillon. J'espère que j'ai semé un petit peu ici, je ne vais pas récolter ; par contre je vais récolter là-bas ce que les autres ont semé, et tenter de continuer à semer à leur suite. Cela constitue toujours une remise en question positive, en apprenant à travailler avec des nouvelles personnes. Il n’y a pas de recettes toute faites : ce qui a marché à un endroit ne va pas forcément marcher à un autre. Cela me permet de garder une certaine jeunesse d'esprit.

Pouvez-vous déjà nous expliquer ce qui vous dessine pour vous à Chinon ?

Il y a une communauté de prêtres avec deux jeunes prêtres (deux ans et un an de sacerdoce) et un séminariste. Il y déjà quelque chose à faire à ce niveau-là, dans l’accompagnement de leur début de vie sacerdotale.

À Chinon, depuis quatre ans, 170 personnes sont passés par le parcours alpha. Sur les 170, 120 sont engagées sur la paroisse. Ils ont commencé par se dire : « nous allons évangéliser ». Et puis très rapidement, il se sont dits : « pour cela il faut se former ». Ils sont donc passés par les parcours alpha, et maintenant ils commencent à toucher les commençants ou recommençants. Il a aussi une trentaine de personnes qui sont en maisonnée alpha, à la suite du parcours. C’est un beau dynamisme à conserver et enrichir.

Il y a aussi une belle pastorale des jeunes, mais là aussi il s’agit d’intégrer plus l’aumônerie au sein de la paroisse - peut-être par des parcours alpha jeunes. J'aurais un jeune vicaire qui s'en occupera, mais le but c'est que tous les prêtres soient partie prenante, que nous ayons tous le souci de la transmission.

Quatrième axe : la diaconie, et l’orientation vers la charité. Peut-être travailler davantage avec le Secours Catholique, avec la Société Saint Vincent de Paul, le service évangélique des malades, la pastorale du deuil, etc.

Et dernier point : nous sommes dans une année Laudato Si’ : je vais leur proposer aussi de rentrer dans cette démarche. J’ai été vraiment enthousiasmé par la conférence que nous avons eu ici avec Elena Lasida au mois de février, sur le label Église Verte. C'est un bon moyen d'amener une touche personnelle, tout en m'insérant dans un projet qui existe vraiment. Quelque chose qui donne une dynamique sans casser ce qui existe déjà.

Tout cela demandera du temps, il d’abord rencontrer les personnes, réfléchir, voir comment les choses s'organisent, discerner les urgences, etc.

Quel serait le dernier mot que vous souhaiteriez dire aux chrétiens de Corrèze ?

N'ayez pas peur d'être davantage des chrétiens authentiques. Ce sera mon sermon de dimanche [rires]. Ne soyez pas paralysés par la peur, ayez encore plus d’audace. N’ayez pas peur de vous affirmer comme témoin du Christ.

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