Dimanche 6 mars 2016 - 4ème dimanche de Carême – année C — Diocèse de Tulle

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Dimanche 6 mars 2016 - 4ème dimanche de Carême – année C

Cathédrale de Tulle

Frères et sœurs, cette parabole que nous venons d'entendre nous est bien connue ; saint Luc, le chantre de la miséricorde divine, l'a insérée dans un triptyque où il veut nous révéler jusqu'où va le souci de Dieu pour les pécheurs que nous sommes ; si j'osais je parlerais de l'anxiété de Dieu pour les pécheurs (mais ce mot appartient à la psychologie humaine et ne peut donc pas s'appliquer tel quel à Dieu ; même s'il faut bien reconnaître que pour parler de Dieu, nous ne disposons que d'analogies, d'images empruntées à l'expérience humaine).

Dans les trois paraboles de la miséricorde – la brebis perdue, la pièce d'or perdue, et celle d'aujourd'hui, du fils perdu – il est question de cette même attitude de Dieu à la recherche du pécheur, à savoir l'ouverture toujours possible d'un chemin de réconciliation pour que tout ce qui est perdu puisse être retrouvé : la brebis perdue est retrouvée, la pièce d'or perdue est retrouvée, le fils perdu est retrouvé.

Cette présentation de la Miséricorde de Dieu nous est proposée dans notre itinéraire pénitentiel du Carême, précisément parce que c'est un temps favorable pour nous convertir, pour faire retour à Dieu. A travers la parabole du fils perdu et retrouvé, nous percevons qu'il y a deux conditions pour que la conversion soit rendue possible.

- la première, c'est que nous ayons au minimum une claire vision que Dieu veut que nous revenions vers lui et que nous ayons la conviction qu'il nous ouvre ses bras, comme le père de la parabole le fait pour son fils ingrat qui s'était éloigné de lui. Si, par hasard, nous pensions que notre péché est tel que nous ne serons pas accueillis, alors il ne servirait à rien de vouloir revenir vers Dieu. Le mouvement de retour à dieu – qu'on appelle la conversion – ne peut être mis en œuvre (et même seulement imaginé) que si nous avons la certitude intérieure, grâce à l'exemple du Christ, que Dieu fait tout pour ramener à lui les pécheurs. Et on peut même dire que la décision que le pécheur prend de revenir à Dieu est déjà une grâce qu'il a reçue de la miséricorde de Dieu.

- la seconde condition pour que la conversion soit rendue possible est illustrée dans la parabole par l'itinéraire du fils qui réclame sa part de l'héritage paternel pour faire sa vie comme il l'entend, loin de la maison de son père. Cette condition exige que ce qui nous arrive dans notre vie, les évènements de notre existence, ne soient pas vécus comme des choses sans importance, ou comme s'ils n'avaient aucun sens particulier, mais, au contraire, qu'ils soient vécus comme des sortes d'opportunités de réfléchir sur le sens de notre vie. Bien sûr, cela ne signifie pas que nos problèmes, nos épreuves, nos malheurs soient la conséquence directe de nos péchés. Jésus nous a clairement fait comprendre que ce n'est pas le cas. L'Evangile de dimanche dernier expliquait cela. Les victimes de l'effondrement de la tour de Siloé n'étaient pas plus pécheurs que les autres. Mais cela signifie que face aux malheurs de l'humanité, il faut savoir de temps en temps s'arrêter, se poser, se gratter la tête et se dire comme le fils de la parabole : "qu'est-ce que je fais là, au milieu des cochons, où je n'ai rien à me mettre sous la dent, alors que chez mon père, même les simples ouvriers ont de quoi manger sans problème ? Autrement dit, il faut qu'à des moments, nous puissions faire retour sur notre vie, sur ce qui nous arrive, sur les difficultés de la vie – les nôtres et celles des autres – et que nous nous disions en nous-mêmes : il y a quelque chose à faire, ce n'est pas possible de subir les évènements et les aléas de la vie sans rien faire. C'est ce que se dit le fils : "je vais me lever, je vais aller vers mon père et je lui dirai : 'père, j'ai péché contre le Ciel et contre toi'". Pour en arriver là, il a certes fallu qu'il touche le fond, qu'il éprouve dans sa chair les conséquences de sa situation d'esclave et qu'il se dise : ce n'est plus possible ; je ne suis pas né pour en arriver là et ce n'est sûrement pas ce que Dieu veut pour moi ; je n'ai pas été créé pour cela ! Alors, il faut que ça change, il faut que JE change quelque chose à ma vie. Et c'est là qu'il se lève et qu'il retourne vers son Père.

Ce mouvement de conversion résulte d'une conviction : la conviction que Dieu veut sauver les hommes. Il résulte aussi d'une réflexion sur notre condition qui nous fait prendre conscience que l'homme a besoin d'être sauvé. Chers amis, si nous pensons que nous n'avons pas besoin d'être sauvé – c'est ce que pensent beaucoup d'hommes et de femmes dans les sociétés d modernes – alors, ce n'est même pas la peine de lire la parabole de l'Evangile. Fermons le livre. Contentons-nous de nous adonner à quelques exercices de gymnastique quotidienne, de privation pour ne pas prendre trop de poids, pour réduire notre taux de cholestérol ; faisons du jogging ; pratiquons la méditation zen pour nous déstresser…

Mais, est-ce que c'est cela que nous demande l'Evangile ? Non. L'Evangile nous dit : "convertis-toi", parce que Dieu veut à tout prix te sauver ; convertis-toi parce que tu as besoin d'être sauvé et que tu n'y arriveras pas tout seul. Regarde ce que tu vis, regarde le monde où tu vis, regarde les drames de l'humanité pour te convaincre que tu as besoin d'être sauvé.

Dans notre marche de Carême, il nous est donné aujourd'hui de comprendre que la réconciliation est toujours possible pour ceux qui veulent bien regarder leur vie à la lumière de la Parole de Dieu, et comprendre aussi quelque chose de la misère humaine, pour ceux qui accueillent la révélation de la miséricorde divine comme une espérance supérieure, comme une invitation à se lever, à se mettre en route et à retourner vers le Père qui nous attend toujours et qui veut fêter notre retour. Cette fête, nous la célèbrerons dans quinze jours, lors de la Vigile pascale. Amen.