Dimanche 14 février 2016 - 1er dimanche de Carême – Année C — Diocèse de Tulle

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Dimanche 14 février 2016 - 1er dimanche de Carême – Année C

Appel décisif des catéchumènes - Cathédrale de Tulle

 

Frères et sœurs, vous avez remarqué que chaque année, le 1er dimanche de Carême, l'Eglise nous fait entendre le récit des tentations du Christ, au désert. Cette année, c'est dans l'évangile de saint Luc que nous l'avons lu – c'est l'évangile qu'on lit cette année en continu. Cela veut dire que pour traverser ces 40 jours qui nous mènent à Pâque, l'Eglise, notre Mère, pense que c'est indispensable que nous entrions dans l'expérience de Jésus au désert, expérience qui dure 40 jours. Saint Luc insiste sur le fait que Jésus ne s'est pas rendu au désert sur un coup de tête ou accidentellement, mais que c'est l'Esprit Saint lui-même qui l'y a conduit. A peine séché de son bain baptismal au Jourdain, où l'Esprit Saint est descendu sur lui, voilà que ce même Esprit le conduit au désert et que là, il va connaître l'épreuve de la tentation par le diable. Ca ne s'invente pas ! Cette insistance de l'évangéliste – il souligne 2 fois le rôle de l'Esprit-Saint – a pour but de nous faire comprendre que l'épreuve entre Jésus et Satan – sous la forme de trois tentations – n'est pas quelque chose de contraire au dessein de Dieu. Ce n'est pas Satan qui attire Jésus au désert ; c'est l'Esprit-Saint. Cela signifie que le combat que Jésus va mener, dans lequel il est engagé, fait partie de sa mission, que ce n'est pas le fait du hasard. Dieu est engagé dans ce combat qui va conduire Jésus sur la Croix, non pas pour une défaite, mais pour une victoire – la victoire de l'amour sur les forces du mal, la victoire de la résurrection sur la mort.

Entrer dans le temps du Carême, en rappelant ce combat de Jésus, est une manière de nous signifier l'esprit dans lequel nous entrons dans ce temps. Nous n'y entrons pas accidentellement, nous n'y entrons pas parce que nous l'avons décidé nous-mêmes, nous y entrons en nous laissant conduire par l'Esprit, sur un chemin que Dieu lui-même ouvre devant nous. Par son Esprit, Dieu nous conduit pour que nous vivions avec le Christ l'épreuve de la tentation et qu'avec lui, nous nous exercions, nous apprenions à mener le combat jusqu'au bout. C'est très important de comprendre cette pédagogie de Dieu que l'Eglise met en œuvre pour nous. C'est particulièrement important pour vous, chers catéchumènes, qui êtes là aujourd'hui pour entendre l'appel décisif de l'Evêque pour l'ultime étape préparatoire aux sacrements de l'Initiation : le baptême, la confirmation et l'eucharistie. Cette ultime étape correspond aux 40 jours du Carême. On peut même dire qu'historiquement le Carême est né avec cette démarche catéchuménale ; il s'agissait de la mise à l'épreuve finale pour ceux qui demandaient le baptême.

Dans les lettres que vous m'avez écrites, vous exprimez, chacun à sa manière, votre désir très fort de recevoir le saint baptême. C'est normal, si ce n'était pas le cas comment pourrais-je vous appeler aujourd'hui ? Mais, en même temps, vous devez comprendre que dans cette ultime étape de votre chemin catéchuménal, il est capital de vous laisser conduire par l'Esprit, non pas pour une petite croisière de plaisance avant le grand jour de votre arrivée au port, mais pour un entraînement au combat, comme Jésus, avec Jésus, contre la tentation, pour que vous fassiez l'expérience que, grâce au Christ, on peut sortir vainqueur de l'épreuve de la tentation.

Quelle est donc la nature de ce combat qui se vit dans l'épreuve des tentations que Jésus rencontre au désert ? Ces quarante jours pendant lesquels Jésus ne prend pas de nourriture évoquent les 40 années du peuple hébreu dans le désert de l'Exode, où ce peuple connut la faim, la soif et le péril des serpents ; et c'est dans cette épreuve qu'il découvre que Celui qui permet de franchir l'épreuve, Celui qui sauve, c'est Dieu lui-même. Le temps d'épreuve dans lequel le Carême nous engage à la suite de Jésus est une expérience pour découvrir que ce qui nous fait vivre, fondamentalement, et ce qui nous permet de surmonter les difficultés de l'existence, ce ne sont pas nos propres ressources, ce ne sont pas des biens matériels, ce ne sont pas des sécurités que nous nous sommes données, mais que c'est la puissance de Dieu lui-même. Ce qui le montre c'est le fait que Jésus répond à chacune des trois tentations par une parole de l'Ecriture, c'est-à-dire de la Parole de Dieu, qui est bien la ressource principale pour mener le combat.

Les privations, les pénitences que nous nous infligerons dans le temps du Carême n'ont pas pour but de prouver à nous-mêmes et encore moins aux autres que nous sommes capables d'accomplir des exploits ; en revanche, elles nous font expérimenter que Dieu nous rend forts dans les épreuves, dans les tentations, que le secours nous vient de lui, que l'issue du combat ne fait aucun doute si nous mettons en lui notre foi.

Finalement, si l'Esprit-Saint nous permet d'affronter l'épreuve des tentations, si l'Eglise nous permet d'entrer dans la pénitence du Carême, c'est pour aller au cœur de la foi ; saint Paul le résume ainsi dans l'épître aux romains : "si de ta bouche, tu affirmes que Jésus est Seigneur, si dans ton cœur, tu crois que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, alors tu seras sauvé". Dieu met en nos cœurs la Parole du Salut comme ressource principale pour affronter toutes les épreuves de la vie.

Et voilà pourquoi, frères et sœurs, il est indispensable qu'en même temps que nous pratiquons la frugalité, les privations, le jeûne – comme Jésus le fit – nous développions le recours à la Parole de Dieu par une fréquentation assidue de la Sainte Ecriture, car cette Parole nous transforme de l'intérieur de nous-mêmes et elle devient le contenu du témoignage que nous sommes appelés à rendre au Seigneur par notre vie.

Je me tourne à nouveau vers vous, amis catéchumènes. J'ai été frappé par une chose dans vos lettres ; quasiment tous, vous aviez une certaine connaissance de Dieu, de la foi, depuis longtemps ; ou plutôt il y a en vous depuis plus ou moins longtemps un certain capital moral, religieux, spirituel. Et pourtant cela n'a pas suffi à vous faire trouver un apaisement du cœur. Pourquoi ? Parce que la foi, ce n'est pas simplement d'adhérer à des pensées généreuses, des valeurs, à des sentiments très honorables, à une sorte d'idéologie de la générosité. Non, ce n'est pas du tout cela. La foi, c'est la rencontre d'une personne et la remise de sa vie à cette personne. Cela veut dire que pour que vous puissiez être apaisés dans votre quête, il fallait qu'elle aboutisse à un acte sacramentel. On n'est pas chrétien par intention, par de bons sentiments, par conformité à une morale ; on est chrétien parce qu'on adhère personnellement à la personne de Jésus Christ. Et cette adhésion, elle s'exprimera dans l'acte sacramentel du baptême, dans celui de la confirmation, et dans celui de la communion eucharistique, pendant la sainte nuit de Pâque.

Depuis votre entrée en catéchuménat vous avancez volontairement vers le Christ. Comme, tout à l'heure, vous allez avancer vers moi pour que je vous appelle. Je vous appellerai, un par un, par votre nom, pour que vous suiviez le chemin du Christ. En me répondant "me voici", vous faites un choix, le choix de ne plus être des spectateurs, même bienveillants, mais des acteurs. Vous allez entrer dans notre famille, dans notre maison, et vous allez connaître ce qui fait le cœur de cette famille. Vous allez devenir chrétiens. Vous entrez dans un peuple, un peuple nombreux ; pas une petite association, pas un club d'amis, et encore moins une secte. Et moi qui aie la charge de la portion de ce peuple qui est en Corrèze, je vous appelle pour que vous puissiez y entrer. Je vais vous faire entrer dans l'Eglise en vous appelant. C'est une grande responsabilité pour moi et pour vous. Je le fais en toute confiance parce que je sais que ceux et celles qui vous ont accompagnés témoignent en votre faveur, attestent le sérieux de votre démarche. Je le fais parce que c'est le Christ qui me dit de le faire. A travers moi c'est lui qui vous appelle aujourd'hui, pour que vous puissiez voir ce qu'Il montre et entendre ce qu'Il dit et le suivre sur son chemin.

Voilà pourquoi, avec vous, je suis joyeux et plein de reconnaissance pour ce que Dieu vous a donné et pour ce qu'il accomplira avec vous, dans votre vie. Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle