Pourquoi jeûner ? — Diocèse de Tulle

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Pourquoi jeûner ?

Publié le 05/02/2024
Beaucoup de personnes se réapproprient aujourd'hui la pratique du jeûne, pour des motifs qui n'ont pas forcément trait à la religion.
Quelles sont les raisons de jeûner ? Et quels obstacles pourraient nous en empêcher ?

Par François-Marie Portes, professeur de philosophie et jeûneur régulier.

Retrouver François-Marie Portes sur sa chaîne Youtube de FMP  (en cliquant ici), avec des vidéos qui allient humour et profondeur pour apprendre l'histoire de la philosophie, aborder des thèmes anthropologiques ou tout simplement rire. 

 

« Vous jeûnez ? vous êtes donc croyant ? ». Cette phrase souvent entendue perd petit à petit sa raison d’être car la pratique du jeûne est redécouverte et de plus en plus exercée sous bon nombre de motifs. Spiritualité, santé, politique ou ascèse, il est important d’analyser le pourquoi d’une telle pratique.

Mais avant de parler des raisons de faire un jeûne il est nécessaire de rappeler celles qui peuvent l’interdire. En effet, certaines personnes ne doivent pas jeûner.

Pourquoi ne pas jeûner ?

Premièrement, il s’agit de celles qui ont des problèmes alimentaires (anorexie, boulimie, etc…) ou voulant perdre du poids. Le jeûne n’est pas un régime (on reprend quasiment le même poids une fois le jeûne fini). Deuxièmement, le jeûne est déconseillé à toutes les personnes qui auraient peur d’une telle pratique. Faire un jeûne suppose une confiance dans le fonctionnement naturel de son corps, aussi faire un jeûne tout en étant abreuvé par des avis anxiogènes de toutes parts ne vaut pas le coup.

Cela étant dit, définissons notre sujet : le jeûne est l’arrêt volontaire de l’alimentation pour une durée déterminée. Il ne s’agit pas d’un régime (monodiète, cétogène, protéinique etc…). De même il ne s’agit pas de retirer les aliments plaisants pour ne garder qu’un aliment simple (pain, riz, etc.). Enfin il ne s’agit pas de la privation d’une pratique ou d’un plaisir (arrêt du sucre dans le café, réduire le temps de téléphone, pas de télévision etc…). Le jeûne est bel et bien un arrêt alimentaire, fait en totale liberté avec des bornes temporelles précises et établies avant le début du jeûne 1.

5 raisons de jeûner

Pourquoi jeûner ? Les différents motifs d’un jeûne peuvent se classer en cinq catégories.

Premièrement on peut jeûner pour regagner sa santé. Paradoxe complet pour nos esprits occidentaux marqués par deux guerres qui ont fait connaître la faim à plusieurs générations. Pour tous l’appétit est signe de bonne santé, mais c’est une erreur logique d’en déduire que jeûner est mauvais. Il s’agit d’ailleurs d’une des rares pratiques médicales qui fassent consensus entre les scientifiques modernes et la sagesse médicale ancienne2. Jeûner est bon pour la santé. D’ailleurs, dans le règne animal, à chaque maladie le corps envoie des signaux pour couper la faim afin d’optimiser le processus de guérison. Ainsi le jeûne peut devenir une pratique annuelle, bisannuelle, mensuelle ou hebdomadaire dans le but de faire augmenter son métabolisme.

Deuxièmement on peut jeûner pour gagner une ascèse personnelle. On retrouve cette tradition chez les moines chrétiens ou bouddhistes mais aussi chez les philosophes antiques comme Sénèque, Marc Aurèle ou Pythagore. S’arrêter de manger pendant une semaine et ne boire que de l’eau va révéler la force d’âme de la personne ainsi que sa tempérance. Si l’on parvient à en faire une pratique régulière, la vertu de la personne va augmenter.

Troisièmement, le fait de jeûner peut être une tentative de reprendre sa liberté politique au sein d’une société de consommation qui rend captifs nos désirs afin d’écouler les stocks de marchandises. Le fait de se prouver et de prouver à nos concitoyens que nous restons maîtres de notre désir le plus élémentaire, à savoir de nous nourrir, manifeste au plus haut point que notre dieu n’est pas notre ventre.

Quatrièmement, le jeûne peut devenir une expérience philosophique et psychologique de premier plan. Paradoxalement c’est cette expérience qui peut faire peur car le jeûne nous révèle dans ce que nous avons de plus intime. En jeûnant, l’être humain se coupe d’une consolation quotidienne, se désolidarise d’un rythme journalier de repas plus ou moins établi et affronte son rapport à sa vie intérieure. Lorsque nous parlons de « vie » nous ne parlons pas que des pensées mais bel et bien du principe vital qui provoque le battement de notre cœur, notre respiration et notre digestion. Il est cause de nos sensations, passions et sentiments et rend possible notre connaissance et notre volonté. Pour autant, nous ne sommes pas l’auteur de ce principe vital. Et le jeûne nous fait contempler sa puissance en nous. En bref, jeûner c’est expérimenter la vie.

Enfin, la raison précédente nous mettait sur la voie, mais la pratique du jeûne c’est renouer avec le divin en nous. Et se rappeler que Dieu a créé les aliments pour l’Homme. Si la framboise a si bon goût, c’est que Dieu l’a pensée ainsi. Ainsi jeûner, c’est déjà entrer dans l’action de grâce.

Point de vue chrétien

Dans la religion chrétienne plusieurs bénéfices sont attribués au jeûne. Nous en retiendrons trois :

  •  Une union mystique plus grande, comme le Christ l’indique lors des tentations au désert. Car celui qui ne se nourrit pas de pain peut compter sur la Parole de Dieu (qui n’est autre que le Christ).
  •  Il peut devenir signe d’un repentir touchant le cœur de Dieu comme décrit dans l’épisode de la ville de Ninive.
  •  Enfin  il est une arme contre de puissants démons comme il écrit : « Il est des démons qu’on ne peut chasser que par le jeûne et la prière ». (Matthieu  17,21) 3.

Ainsi, on ne peut nier qu’il existe de bien belles raisons pour jeûner. Lesquelles seront les vôtres ?

 

François-Marie Portes

 

1 Un corps humain peut sans danger réaliser un arrêt alimentaire de 30-40 jours (à relativiser en fonction de la physionomie et du métabolisme de chacun), au-delà il s’expose à des dégâts dangereux. Nous avons pu, pour notre part, réaliser un jeûne de 21 jours en mars 2019 (en ne buvant que de l’eau) sans aucun souci de santé.

2 Par exemple ici

3 Comme certains exégètes le pensent inauthentique, ce verset a été supprimé dans la nouvelle traduction liturgique. Il a pourtant nourri l’ensemble de l’Église, des théologiens médiévaux en passant par les Pères du désert et les grands saints de toute sorte.

 

 

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