Mercredi 1er mars 2017 - Mercredi des Cendres — Diocèse de Tulle

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Mercredi 1er mars 2017 - Mercredi des Cendres

Chers frères et sœurs, la liturgie de ce jour nous invite à entrer dans le temps du Carême, préparation à Pâque, solennité des solennités, par l’appel du prophète Joël proclamant l’oracle du Seigneur : « Revenez à moi de tout votre cœur ! ».

Ce « revenez à moi de tout votre cœur », c’est ce qu’on appelle la conversion. Le mot grec metanoia que traduit le mot français « conversion », indique en effet un mouvement de retournement du cœur ; il s’agit de revenir à Dieu avec notre cœur, en se retournant, et donc en se détournant des idoles, des attachements de toutes sortes qui nous retiennent loin de Dieu.

Ce « revenez à moi » est une invitation adressée à tout le Peuple de Dieu : « réunissez le peuple, tenez une assemblée sainte, rassemblez les anciens, réunissez petits enfants et nourrissons ». C’est tous ensemble que les croyants doivent revenir à Dieu en se détournant du péché. Tel est aussi le sens de la célébration de ce jour : vivre l’entrée en Carême, non pas d’abord comme une démarche individuelle de pénitence, mais comme un acte de toute l’Eglise qui se rassemble pour commencer la marche des 40 jours qui conduira jusqu’au porche du Triduum pascal. Ne réduisons pas le Carême seulement à des actes de solidarité, même si l’aumône et donc le partage sont une dimension importante de ce temps de conversion. Il s’agit avant tout de revenir à Dieu de tout notre cœur.

Frères et sœurs, pourquoi revenir à Dieu ? Il n’y a qu’une réponse à cette question : parce que nous avons besoin d’être sauvés par lui ! Revenir à Dieu suppose que nous en sommes encore trop éloignés. Qui oserait dire qu’il est à ce point proche de Dieu que son propre cœur n’a pas besoin de revenir vers lui ? Qui oserait prétendre qu’entre lui et Dieu, il n’y a pas la moindre petite distance ? Qui pourrait dire qu’il est en état d’être sauvé ? C’est bien parce que nous avons besoin de retrouver la proximité du cœur miséricordieux de Dieu, qu’il nous faut revenir à lui. D’où un second appel (après celui du prophète Joël), l’appel de l’Apôtre Paul, dans la 2ème lecture : « laissez-vous réconcilier avec Dieu ! ». L’Assemblée du mercredi des cendres nous permet déjà de revenir de tout notre coeur, en Eglise, vers Dieu ; elle nous permet d’ouvrir la porte de nos cœurs à la grâce toute-puissante de la miséricorde divine. Il s’agit de se laisser trouver par Dieu plus que de le chercher. Se laisser trouver par lui pour se laisser réconcilier par lui. Il y a des gens qui passent leur vie à chercher Dieu et qui ne le trouvent jamais. En fait, veulent-ils vraiment se laisser trouver par Dieu, veulent-ils vraiment se laisser réconcilier avec lui, se laisser pardonner par lui, se laisser aimer par lui ?

La conversion est un chemin d’humilité. Ce n’est pas spontanément qu’on accepte de recevoir l’aide de quelqu’un. On aime bien se débrouiller tout seul, ne dépendre de personne ; ce qu’on appelle parfois « être libre ». La célébration des cendres nous place d’emblée dans un chemin d’humilité : accueillir les cendres sur nos fronts, c’est reconnaître que pour être libres, de la liberté des enfants de Dieu, il faut se laisser libérer des entraves qui nous tiennent encore trop éloignés de Dieu, les entraves du péché.

Qui donc pourra nous en libérer ? « Celui qui n’a pas connu le péché », mais qui, selon l’expression de saint Paul, « a été identifié pour nous au péché, afin que nous devenions justes de la justice même de Dieu ». Seul le Christ peut nous libérer, seul le Christ peut nous rendre justes, seul le Christ peut nous sauver ! Cette libération, cette justice, ce salut, le Christ les a acquis pour nous par son sang versé sur la Croix et par sa résurrection d’entre les morts. C’est fait. C’est réalisé. Que nous reste-t-il à faire ? Saint Paul le dit : ne pas laisser sans effet la grâce reçue de lui. Ailleurs, il dira : ne pas rendre vain le sacrifice de la croix. Revenir à Dieu, se convertir, se laisser réconcilier par lui, se laisser libérer, se laisser sauver, c’est ne pas rendre vaine la grâce du salut acquise à grand prix, à très grand prix, par notre Sauveur Jésus-Christ. Tel est le sens, frères et sœurs, du signe de la croix tracé sur nos fronts avec les cendres. Les cendres ne sont que des cendres, elles ne sont que de la poussière pour évoquer la fragilité de la condition humaine. Mais le signe de la croix sur nos fronts avec la cendre, accompagné de la parole du Christ « convertissez-vous et croyez à l’Evangile » est le signe du salut que nous accueillons pour dire notre acquiescement à la grâce, le désir de nos cœurs de revenir à Dieu pour être sauvés. Le signe de croix avec la cendre, pour se convertir et croire à l’Evangile, nous fait entrer dans le Carême d’un bon pied, si j’ose dire, et d’un bon pas. Il nous met dans l’axe de la croix, dans l’axe du salut. Il nous décentre de nos perspectives peut-être trop formalistes de pénitence, de jeûne et d’aumône ; il nous oblige en quelque sorte à nous mettre à genou au pied de la croix du Sauveur pour pouvoir participer à la dynamique du salut, prendre la route du salut, avancer sur le chemin du salut.

L’insistance sur le fait de « revenir à Dieu » en Eglise n’enlève en rien notre responsabilité personnelle et notre engagement personnel dans la voie de la conversion. L’évangile de ce jour insiste sur cette dimension personnelle, en employant non pas le « vous » mais le « tu » ; et cela autour de trois aspects importants de la vie chrétienne, « trois moyens sacrés » comme dit le pape dans son message de Carême : l’aumône, la prière et le jeûne. Personne ne peut faire l’aumône à ma place, personne ne peut prier à ma place, personne ne peut jeûner à ma place. Cependant, l’Eglise indique certains repères, particulièrement dans le domaine du jeûne et des privations, probablement pour éviter à la seule subjectivité des attitudes d’excès ou au contraire de laisser-aller.

Les paroles de Jésus concernant l’aumône, la prière et le jeûne ont pour but d’éviter au disciple de tomber dans le piège du pharisaïsme, c’est-à-dire le formalisme juridique ou le paraître aux yeux des autres. Ces deux attitudes n’engagent pas le cœur de la personne, elles restent extérieures et donc sans valeur aux yeux de Dieu. Seul le Père du ciel connaît le secret des cœurs et apprécie la vérité de notre désir de conversion. On pourrait résumer cela en disant qu’il ne suffit pas de prendre « une mine de carême » pour faire un bon carême ! Jésus ne dit pas de ne pas jeûner, mais il dit que le vrai jeûne ne nécessite pas de se donner une mine défaite… Jésus ne dit pas de ne pas prier, mais il dit qu’il n’est pas nécessaire de se donner en spectacle pour montrer qu’on est un priant… Jésus ne dit pas de ne pas faire l’aumône, mais il dit qu’il n’est pas nécessaire de faire sonner la trompette pour montrer qu’on est généreux. Tout cela ne signifie pas qu’il faille remettre en cause une certaine dimension sociale ou publique de la pénitence ; l’Eglise a toujours reconnu et même encouragé cette dimension publique. Mais tout est affaire de cœur, d’esprit, de vérité dans les actes que nous posons. A vrai dire le risque de pharisaïsme n’est sûrement pas ce qui guette aujourd’hui le plus les chrétiens. Le risque majeur est bien plutôt de se modeler sur l’esprit du monde, sur le subjectivisme et le relativisme ambiants (chacun fait ce qu’il lui plaît et tout se vaut), sur la « mondanité » comme dit le pape François.

La prière d’ouverture de la messe de ce jour nous est vraiment précieuse pour comprendre le sens de ce chemin de conversion de 40 jours qui nous prépare à célébrer le mystère pascal du Christ, cœur de notre foi. Je vous la redis : « accorde-nous, Seigneur, de savoir commencer saintement, par une journée de jeûne, notre entrainement au combat spirituel : que nos privations nous rendent forts pour lutter contre l’esprit du mal ». Frères et sœurs, c’est de combat spirituel dont il s’agit, d’entrainement au combat spirituel ; ça se passe dans les cœurs. Mais nous le vivons en Eglise, en nous soutenant les uns les autres, en avançant ensemble dans la sainteté, d’où cette dimension publique de la pénitence du carême, parce que le salut n’est pas d’abord une affaire privée, mais une réalité qui concerne toute l’Eglise et l’humanité. Le bonheur éternel n’est pas un petit coin de jardin d’Eden, mais la Cité sainte, la Jérusalem d’En-Haut, le banquet des Noces éternelles. Souhaitons-nous les uns aux autres un bon entrainement au combat spirituel pour revenir à Dieu de tout notre cœur. Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle

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