3 septembre 2017 - 22ème dimanche du Temps ordinaire — Diocèse de Tulle

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3 septembre 2017 - 22ème dimanche du Temps ordinaire

ALLASSAC - Fête patronale (martyre de St Jean-Baptiste) - Messe d’au revoir de l’Abbé Roger Delbosc

« Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera ».

Frères et sœurs, ces paroles de Jésus à ses disciples sont une sorte de résumé de la condition du chrétien dans le monde et de son itinéraire spirituel. La Croix du Christ n’est pas le signe d’un événement parmi d’autres de la vie de Jésus, elle n’est pas un symbole du christianisme parmi d’autres, elle n’est pas une sorte d’accident dans la vie de Jésus, dans l’histoire humaine et l’histoire du monde. La Croix est le centre du Mystère du Christ et de l’Eglise, elle est même le centre de l’histoire ; elle est comme l’axe du monde. La Croix dit le Mystère du Christ. Et comme le Christ est Celui par qui tout a été créé, Celui par qui tout homme peut être sauvé et Celui par qui tout sera récapitulé à la fin des temps (y compris le Cosmos lui-même), on peut dire que le mystère de la croix transcende toute l’histoire humaine, de son commencement à sa fin.

Les prophètes de l’Ancien Testament, choisis par Dieu, préparaient déjà la venue du Messie en appelant le Peuple hébreu à se convertir, à renoncer aux idoles, à être fidèle à l’Alliance. Jérémie fut l’un de ces prophètes, et, comme le rappelait la 1ère lecture, il fut exposé à la raillerie, au mépris et à la persécution de la part de ses contemporains. Il en fut ainsi de tous les prophètes, dont plusieurs furent mis à mort. Et aujourd’hui, jour de votre fête patronale, nous célébrons le martyre du dernier des prophètes de l’Ancien Testament, Jean le Baptiste, celui qu’on nomme « le précurseur » du Christ. C’est lui qui prépara immédiatement sa venue, qui baptisa l’auteur du baptême dans les eaux du Jourdain et qui lui rendit le plus beau témoignage, le témoignage du martyre.

Dès les commencements de l’Eglise jusqu’à aujourd’hui, ils sont une foule immense – selon l’image du livre de l’Apocalypse – ceux qui ont rendu témoignage au Christ en versant leur sang à cause de leur foi en Lui. Il n’y a pas un seul siècle et une seule parcelle de terre qui n’ait été abreuvée du sang des glorieux martyrs. Notre siècle, non seulement n’y échappe pas, mais on peut dire – et le pape François l’a rappelé à plusieurs reprises – qu’il n’y a jamais eu autant de chrétiens persécutés qu’aujourd’hui, et cela, partout dans le monde. Dans les sociétés occidentales dites modernes, comme la nôtre, il n’y a certes pas de persécution sanglante, mais peut-on dire pour autant qu’il soit facile d’y vivre et d’y exprimer sa foi ? Objectivement, personne ne vous en empêche, mais le poids du sécularisme est tel, l’idéologie laïciste (je ne dis pas la laïcité) est tel, qu’il faut avoir beaucoup de convictions pour s’afficher comme chrétien, dans sa propre famille parfois, dans le travail, dans la vie sociale.

Les chrétiens ne doivent pas s’étonner et encore moins se scandaliser de ne pas être compris. Leurs idées, leurs prises de position, leur manière de vivre dérangeront toujours ceux qui ne partagent par leur foi et qui peuvent même chercher à affaiblir l’Eglise et à la discréditer comme si, à leurs yeux, elle représentait un danger pour la société. Mais que signifierait une communauté chrétienne qui ne dérange personne, qui ne pose question à personne ? Ce serait sans doute le signe qu’elle a transformé en sucre le sel de l’Evangile ! Comment l’Eglise pourrait-elle prétendre demeurer fidèle au Christ et à son Evangile sans provoquer des oppositions et des rejets ? C’est l’inverse qui serait plutôt étrange et inquiétant. Les disciples de Jésus peuvent-ils être au-dessus de leur Maître ? Si Jésus a été une pierre d’achoppement pour ses contemporains, il est clair que ses disciples d’hier et d’aujourd’hui n’ont pas à espérer d’échapper à une forme d’incompréhension, voire d’opposition de la part de leurs contemporains. Jésus a prévenu les siens avant de souffrir sa passion : « vous êtes dans le monde, mais vous n’êtes pas du monde ». Et aujourd’hui, nous l’entendons nous dire : « Celui qui veut sauver sa vie la perdra ». Dans le même sens, saint Paul exhorte les chrétiens de Rome : « Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu ».

Parler de la sorte ne signifie pas que nous devrions combattre le monde et ceux qui ne partagent pas notre foi. Se transformer signifie nous laisser nous-mêmes convertir par la Parole de Dieu, pour en être les témoins dans le monde, c’est-à-dire pour rendre compte de l’Espérance qui est en nous, et cela avec douceur et respect.

Les Orientations diocésaines que j’ai promulguées en octobre 2016 indiquent un chemin pour les communautés paroissiales et pour chaque baptisé. Le témoignage rendu au Christ et à son Evangile passe par le témoignage d’une Eglise fraternelle, missionnaire et appelante. Vous avez lu, je suppose, ces Orientations. Mais je n’ai pas besoin de vous dire qu’il ne suffit pas de les avoir lues ; il faut aussi se les approprier en les travaillant ensemble et il faut les mettre en œuvre. Le modèle de prise en charge des Communautés chrétiennes, hérité du Moyen Age est en train, depuis plusieurs décennies, de montrer ses limites, non parce qu’il n’était pas bon, mais parce que la figure du monde a considérablement changé depuis plus d’un demi-siècle. Aujourd’hui, l’identification vieille de plusieurs siècles entre un curé, un clocher, une paroisse et une commune est devenue impossible. Non seulement nous n’avons plus les moyens de tenir ce modèle, mais cela ne correspond plus vraiment à la mission d’évangélisation de l’Eglise. Le quadrillage d’un territoire par des centaines de paroisses, avec chacune un curé à leur tête, est révolu. On peut le regretter, mais cela ne changera pas la réalité. En revanche, ce qui ne changera jamais pour l’Eglise, c’est la nécessité de vivre la fraternité – c’est le premier nom de l’Eglise – et pour cela de se rassembler pour prier, pour célébrer l’Eucharistie dominicale, pour annoncer l’Evangile, pour vivre la charité.

Les chrétiens qui vivent à Allassac et dans les communes avoisinantes peuvent et doivent former une Communauté locale capable de mettre en œuvre les trois dimensions de la mission : annonce de l’Evangile, célébration des sacrements et service de la charité. Vous le ferez désormais sans avoir un curé résident, comme le font de très nombreuses Communautés dans notre diocèse et dans notre pays. Vous ne le ferez pas sans pasteur, car le Christ a voulu que son Eglise soit guidée par des pasteurs, des prêtres, au service des trois dimensions que je viens d’évoquer. Le manque de vocations n’est jamais une fatalité. Ce sont les communautés chrétiennes qui engendrent les prêtres dont elles ont besoin, même si c’est toujours Dieu qui appelle et qui envoie. Mais il ne le fait pas sans nous.

Aujourd’hui, le Père Roger cesse son ministère pastoral parmi vous. Il est resté 32 ans chez vous, dont 12 au-delà de l’âge de 75 ans, âge auquel normalement un curé (comme un évêque) doit renoncer à sa charge. Il ne sera plus curé, mais il reste prêtre. On est prêtre jusqu’à sa mort et même, d’une certaine façon, pour l’éternité. Là où il va se retirer, le Père Roger continuera, j’en suis sûr, un ministère, mais sans avoir une charge pastorale sur ses épaules. Aujourd’hui, avec vous, je tiens à lui exprimer ma profonde reconnaissance pour ses longues années de ministère pastoral à Allassac et, avant, dans d’autres paroisses. Nous rendons grâce au Seigneur pour ce qu’il a accompli parmi vous et pour vous à travers le ministère de son prêtre, l’Abbé Delbosc. La première fois que j’ai rencontré votre curé au presbytère, je me souviens – il me l’a rappelé depuis – qu’il ma dit que pesait sur lui une sorte de destin étrange… Dans la succession des paroisses où il a servi, la durée des années a toujours été multipliée par deux. C’est ainsi qu’il a passé 4 années à Sorgues (dans le Vaucluse), puis 8 années à Bort-Les-Orgues, ensuite 16 années à Saint-Pantaléon-de-Larche et, enfin 32 années à Allassac ! Je vous laisse tirer la conclusion qui s’impose : il en a pour 64 ans dans sa prochaine résidence ! Autant dire qu’il est sur la voie pour devenir un nouveau Mathusalem !

Cher Père Roger, nous vous souhaitons une retraite bien méritée, où vous pourrez continuer d’être prêtre en rendant les services qu’on ne manquera pas de vous demander. Reposez-vous tout de même et consacrez-vous à la prière, comme le pape émérite Benoît XVI. La prière est sans doute le ministère le plus efficace qui soit, car il ne dépend que de Dieu !

Frères et sœurs, accueillez vos nouveaux pasteurs avec bienveillance ; soutenez-les dans leur mission, en assumant les services que peuvent accomplir les laïcs, en constituant une Equipe d’Animation Pastorale (elle existe déjà officieusement), en suscitant des fraternités locales missionnaires, autour de chaque chapelle, et dans chaque village. Je reviendrai vous voir dans quelque temps et je ne doute pas d’avoir des motifs de me réjouir de votre élan missionnaire. Amen.

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