Mardi saint 22 mars 2016 - Messe chrismale — Diocèse de Tulle

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Mardi saint 22 mars 2016 - Messe chrismale

Eglise Sacré-Cœur des Rosiers – Brive

 

Frères et sœurs, dimanche dernier nous sommes entrés dans la semaine sainte, nous avons entendu le récit de la Passion du Seigneur qui nous a introduit à la célébration du plus grand des mystères de notre foi, le Mystère pascal du Christ. Ce soir, la messe chrismale, où je vais consacrer le Saint-Chrême et bénir l'huile des catéchumènes et des malades, nous place au cœur d'un autre mystère, celui de l'Eglise qui trouve sa Source, son fondement, sa vie, dans la mort et la résurrection du Christ. Evêque et prêtres concélébrants, diacres, fidèles laïcs et consacrés venus de plusieurs paroisses du diocèse, nous sommes le Corps du Christ, nous sommes le peuple de Dieu – prêtres, prophètes et rois – qu'un même baptême a consacré pour une même mission : être les témoins de la Bonne Nouvelle du Salut.

Les mots "chrismale" et "saint-chrême" peuvent sonner de manière étrange aux oreilles peu familières de la langue grecque, langue dans laquelle les évangiles ont été écrits. Pour dire leur signification, nous disposons d'un verbe et d'un nom qui ne sont plus guère usités dans notre langue française : le verbe "oindre" et le nom "onction". Le mot "Christ" a la même origine ; c'est un mot grec qui traduit le mot hébreu "Messie" et qui signifie "celui qui a reçu l'onction".

Lorsqu'à la Synagogue de Nazareth, après son baptême dans le Jourdain, Jésus fait la lecture du livre du prophète Isaïe, il trouve ces paroles : "l'Esprit de Dieu repose sur moi parce que le Seigneur m'a consacré par l'onction". Après la lecture, il rend le livre au servant et il fait une homélie – plus courte que celle que je suis en train de faire. C'est un concentré d'homélie : "Aujourd'hui, s'accomplit ce passage de l'Ecriture que vous venez d'entendre". Autrement dit : c'est moi, le Christ, c'est moi que l'Esprit de Dieu "a consacré par l'onction", c'est moi le Messie que les prophètes avaient annoncé. Et nous, Frères et sœurs qui entendons cela, nous avons à l'esprit le récit du baptême de Jésus, lorsqu'il descend au milieu de la foule des pécheurs dans les eaux du Jourdain pour recevoir le baptême de pénitence donné par Jean le Baptiste. Lui qui n'a pas de péché se mêle aux pécheurs, il devient, comme eux, pénitent. Et alors, rappelez-vous ce qui arrive : le ciel s'ouvre, la voix du Père se fait entendre pour confirmer cette mission de son Fils : "Tu es mon Fils bien-aimé, en toi j'ai mis tout mon amour". Et ce n'est pas tout : l'Esprit Saint descend sur lui sous forme d'une colombe. L'Esprit de Dieu vient reposer sur lui, vient lui donner l'onction, le consacrer pour accomplir sa mission. Quelle est cette mission ? La réponse se trouve dans la lecture que fait Jésus du livre d'Isaïe : porter aux pauvres la Bonne Nouvelle, annoncer aux prisonniers leur libération, redonner la vue aux aveugles, redonner la liberté aux opprimés. Et c'est sur tout cela que porte aussi la brève homélie de Jésus : "aujourd'hui cette parole de l'Ecriture s'accomplit". Aujourd'hui ! Et, il y a quelques instants, lorsque le diacre a lui-même prononcé ces paroles en proclamant l'Evangile, nous avons compris que cet "aujourd'hui", c'est notre aujourd'hui, ici et maintenant ; nous avons compris que les pauvres, les aveugles, les prisonniers, les opprimés que le Christ vient libérer c'est vous et c'est moi ! Nous avons compris que la Bonne Nouvelle annoncée, c'est celle du Salut pour l'humanité, aujourd'hui ! Ce que les habitants de Nazareth (mettons-nous à leur place) n'avaient pas pu comprendre alors, nous, nous le comprenons en regardant la Croix du Christ, cette Croix que nous vénèrerons le vendredi saint dans nos paroisses. "Ils regarderont vers celui qu'ils ont transpercé" dit l'Ecriture. A chaque eucharistie, nous regardons le Christ sur la croix et nous voyons sur l'autel son Corps et son Sang : "Ceci est mon corps, ceci est mon Sang". Ce sont les paroles qu'il prononce la veille de sa mort, lors du repas pascal avec ses Apôtres, la Sainte Cène, dont nous faisons mémoire le jeudi Saint. Oui, en regardant la Croix, nous comprenons en profondeur le sens de l'homélie de Jésus à la Synagogue : "aujourd'hui s'accomplit cette parole de l'Ecriture".

Cet "aujourd'hui" s'étend à toute l'histoire des hommes, du commencement du monde jusqu'à la fin du monde, parce que celui qui le prononce est le même que celui qui offre sa vie sur la Croix pour le salut de l'humanité et parce que celui-là est le Christ, le Messie, le Fils de Dieu qui a pris notre chair de péché pour la transformer en chair de gloire, par sa mort et sa résurrection. Cet "aujourd'hui" est éternel, parce que celui qui le prononce est éternel, il est le Fils éternel du Père. Voilà ce que nous célébrons en ces jours saints, dans le Triduum pascal – du soir du jeudi saint jusqu'au soir du jour de Pâques – et qui est le sommet de l'année liturgique, parce que c'est le sommet de la vie du Christ.

L'huile parfumée une fois consacrée, qui devient le saint-chrême, et les autres huiles, une fois bénies qui deviennent les saintes huiles constituent la matière des sacrements de la foi, les sacrements qui sont les signes et les moyens du salut, parce qu'ils sont le prolongement de l'incarnation du Christ jusqu'à la fin des temps. L'onction d'huile sainte sur les catéchumènes, ceux qui se préparent au baptême, c'est l'onction du Christ pour délivrer du péché et de tout mal, c'est comme la caresse de la miséricorde divine sur leur vie de pécheurs graciés. L'onction du Saint-Chrême sur le front des confirmands, c'est l'onction de l'Esprit-Saint pour faire d'eux d'autres christs, des consacrés pour témoigner du salut, pour être des disciples-missionnaires ; c'est aussi comme la caresse de la miséricorde divine, car eux aussi ne deviennent témoins que parce que pécheurs pardonnés. L'onction du Saint-chrême sur les mains de ceux qui sont consacrés pour être prêtres, sur la tête de celui est consacré pour être évêque, c'est encore l'onction du Saint-Esprit pour agir au nom et en personne du Christ Prêtre, du Christ Pasteur pour sanctifier et guider le peuple chrétien ; et c'est encore comme la caresse de la miséricorde de Dieu sur leur vie de pécheurs pardonnés. L'onction d'huile sur les malades, c'est la force du Christ répandue dans l'âme et le corps de ceux qui sont affaiblis par la maladie, par la souffrance ; c'est comme la caresse de la miséricorde divine au temps de l'épreuve.

Dans quelques instants, les prêtres qui m'entourent pour cette messe chrismale renouvelleront les promesses de leur ordination sacerdotale. Ces derniers jours la barque de l'Eglise a été violemment secouée par les tempêtes médiatiques. Nous ne devons pas les craindre si elles servent à nous rendre plus humbles et plus attentifs à ceux qui ont été victimes de comportements très graves venant d'hommes de Dieu. Ces derniers doivent être sanctionnés à la mesure de leurs fautes, même si cela ne supprimera pas, hélas, la souffrance de ceux qu'ils ont blessés. Cependant, le discrédit lié aux agissements de quelques-uns, ne doit pas salir l'ensemble des prêtres. Et ce soir, je veux redire aux prêtres ma profonde affection paternelle et fraternelle. L’évêque ne peut assurer sa mission d’annoncer, de sanctifier et de servir sans les premiers collaborateurs que sont les prêtres. Qu’ils soient remerciés de leur présence et de leur ministère. Que vous soyez tous remerciés du soutien et de la confiance que vous leur accordez.

Merci aux diacres de notre Eglise qui, dans un esprit de service humble et souvent discret, accomplissent leur mission au milieu des hommes et des femmes dans leur vie professionnelle, dans des associations, dans les paroisses, en aidant l'évêque et les prêtres. Merci à vous tous et toutes qui, dans vos engagements et dans les missions qui vous sont confiées, coopéraient à la mission au sein de notre Eglise diocésaine.

Enfin, j'exprime aussi un merci tout particulier aux catéchumènes qui la nuit de Pâques, à la cathédrale, recevront les sacrements de l'initiation chrétienne, aux jeunes qui se préparent à recevoir le sacrement de la confirmation. Leur accueil de la foi, leur progression dans la foi nous révèlent la puissance de l'Esprit Saint agissant dans le cœur des hommes et des femmes de notre temps et nous invite à continuer d'avancer au large, pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle