Jeudi Saint 24 mars 2016 - Messe en mémoire de la Cène du Seigneur — Diocèse de Tulle

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Jeudi Saint 24 mars 2016 - Messe en mémoire de la Cène du Seigneur

Eglise de Meyssac

Frères et sœurs, nous voici en ce jeudi saint, mémoire de la Cène du Seigneur, à l'heure du plus grand Amour, l'heure du don, car ce qu'accomplit Jésus au cours de ce dernier repas avec ses disciples est déjà une anticipation de son sacrifice, de son offrande sur l'autel de la Croix. En cette ultime soirée, le testament spirituel du Christ tient en quelques mots : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés". Ce commandement, Jésus le déclare "nouveau", et il l'est effectivement. Ce commandement nouveau est l'appel indépassable à l'amour humain : aimer comme le Christ, c'est aimer à la mesure de l'amour divin, c'est ressembler à Dieu. Saint Augustin le dira : "la mesure de l'amour divin, c'est d'aimer sans mesure".

Jésus accomplit lui-même le commandement qu'il donne. Il se met à genoux devant ses disciples pour leur laver les pieds – geste qui était celui des esclaves. Ce qu'il avait dit à ses disciples – "celui qui veut être grand, qu'il se fasse le serviteur de tous" – il le met en pratique lui-même, dans ce geste hautement symbolique du lavement des pieds. Voilà de quoi renverser l'image que beaucoup de gens se font de la grandeur de Dieu. Voilà aussi de quoi transformer la manière dont nous envisageons nos relations avec nos frères : "c'est un exemple que je vous ai donné pour que, vous aussi, vous fassiez à votre tour ce que j'ai fait pour vous".

Ensuite Jésus se relève et se remet à table. En accomplissant les rites de la Pâque juive, voilà qu'il leur donne un sens nouveau. C'est Lui le véritable Agneau pascal, que préfigurait l'agneau immolé lors de la sortie de l'Egypte, lors de la première Pâque, celle de la libération de l'esclavage. C'est lui qui offre sa vie pour ses amis : "prenez et mangez, ceci est mon corps. Prenez et buvez ceci est mon sang". Saint Augustin commente ses paroles : "Personne ne se donne lui-même pour nourrir ses invités. C'est ce qu'a fait le Christ Seigneur. Il est l'hôte qui invite et il se fait lui-même la nourriture qui fortifie ses invités".

Perdre sa vie pour la donner, se perdre en se donnant pour que l'autre se trouve, pour que l'autre ait la vie, c'est la façon de Dieu de servir et d'aimer ; et c'est dans cette voie qu'il nous engage nous-mêmes qui sommes ses amis. Sainte-Thérèse de l'Enfant Jésus avait très vite compris cela et pouvait dire : "on n'a pas donné grand-chose tant que l'on ne s'est pas donné soi-même".

Jésus anticipe son offrande sur la croix ; s'il peut dire "ceci est mon corps" et "ceci est mon sang", c'est que déjà il s'est offert lui-même. Avant de se livrer, il a été livré par d'autres ; mais loin de subir sa passion et sa mort, il les offre pour racheter l'humanité. C'est le sens des paroles que le prêtre prononce à la messe avant la consécration : "au moment d'être livré et d'entrer librement dans sa passion". La souveraine liberté du Sauveur est engagée dans les paroles qu'il prononce la veille de sa mort.

Adorable mystère du corps livré et du sang versé qui s'actualise pour nous à chaque eucharistie. C'est bien là, à chacune de nos eucharisties, qu'il nous est donné d'entrevoir la profondeur du mystère de la miséricorde, de l'incommensurable miséricorde de Dieu qui consent à ce que son Fils s'offre lui-même pour nous sauver. Nous pouvons alors entendre la parole de Jésus à la Samaritaine : "si tu savais le don de Dieu". Voilà pourquoi, nous disons après la consécration ces paroles : "il est grand le mystère de la foi". Oui, il est vraiment grand et nous n'aurons jamais fini d'en mesurer la grandeur. Le Concile Vatican II a exprimé cela en disant de l'eucharistie qu'elle est "la source et le sommet de la vie chrétienne".

Lorsque l'Eglise, fidèle à son Seigneur, accomplit ce qu'il nous a dit de faire en mémoire de lui, elle ne répète pas seulement des paroles et des gestes, elle ne mime pas la Cène du Jeudi saint. Quand la communauté des fidèles présidée par un prêtre célèbre la messe, la Sainte Cène est rendue actuelle, présente pour nous ; la mort et la résurrection du Christ sont actualisées pour nous, parce que c'est le Christ lui-même, Grand Prêtre de l'Alliance nouvelle et éternelle, qui agit dans les mystères que nous célébrons. C'est lui qui agit, c'est lui qui se donne encore et toujours. Nous sommes rendus présents, contemporains, du sacrifice unique de la croix et de la victoire de la résurrection le matin de Pâques. Etre chrétien, ce n'est pas d'abord faire ceci ou cela, c'est se laisser habiter par cette Présence transformante du Christ.

Voilà frères et sœurs ce qui nous est offert à chaque messe. Et, quand nous disons "amen" en communiant au corps et au sang du Christ, nous sommes un peu comme Pierre, saisi de stupeur de voir que Jésus se met à genou devant lui pour lui laver les pieds. Notre foi hésite presque devant ce comble de l'amour : Dieu se livre entre nos mains et il se confie à nous, pauvres pécheurs. Mais tant mieux si notre foi s'inquiète, car c'est que nous comprenons que communier au corps du Christ c'est se laisser entraîner à aimer comme lui nous a aimés, et que c'est vouloir apprendre à faire de notre vie une offrande qui plaise à Dieu.

Pour le service de l'eucharistie et des autres sacrements, le Christ a institué le sacrement de l'Ordre. Ce sacrement fait de quelques-uns dans l'Eglise des diacres, des prêtres et des évêques pour être au service du sacerdoce baptismal de leurs frères et sœurs. Le Christ les envoie au service de leurs frères, pour l'annonce de l'Evangile, pour leur offrir la grâce vivifiante des sacrements, afin que tous puissent être, au cœur du monde, des témoins fidèles de la Bonne Nouvelle du Salut, des artisans de Justice et de paix pour la gloire de Dieu et le salut du monde.

Frères et sœurs, demandons au Christ de nous remplir de son Esprit, de nous vivifier de sa vie. Et, par charité, priez pour votre évêque et pour vos prêtres. Amen.