9 juin 2015 - 71ème anniversaire de la journée du souvenir en mémoire des 'martyrs' et des déportés — Diocèse de Tulle

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9 juin 2015 - 71ème anniversaire de la journée du souvenir en mémoire des 'martyrs' et des déportés

Eglise Saint Joseph de Tulle

(à partir de l'évangile de la messe du jour : Mt 5, 13-16)

 

"Vous êtes le sel de la terre", "vous êtes la lumière du monde". Telles sont les deux images que Jésus emploie pour décrire la condition du disciple. Ce n'est ni une seule de ces deux images, ni l'une ou l'autre, mais les deux ensemble que nous devons prendre en compte pour dire et comprendre notre condition de disciple du Christ. Même s'il peut être vrai que, par goût ou bien selon les circonstances de notre vie et de notre apostolat, nous soyons plutôt portés à préférer l'une plutôt que l'autre de ces deux images. Mais, fondamentalement, nous n'avons pas à choisir, en ignorant l'une au profit de l'autre, en privilégiant l'une au détriment de l'autre.

Pourquoi ces deux images pour qualifier la vie du chrétien ? Sans doute parce qu'elles sont complémentaires et qu'elles révèlent des facettes de la vie chrétienne qu'on ne doit pas opposer mais essayer de tenir ensemble.

Remarquons d'abord que ce ne sont pas les disciples qui se désignent "sel de la terre" et "lumière du monde". Il y aurait là sans doute quelque prétention et quelque présomption. C'est Jésus lui-même qui nous dévoile ce que nous sommes, par pure grâce, parce que liés à lui, unis à lui. En fait, c'est lui le seul et véritable sel de la terre et la seule et véritable lumière du monde. Quant à nous, renés de l'eau et de l'Esprit dans le baptême, configurés au Christ et faits membres du Corps dont il est la Tête, nous sommes devenus comme d'autres christs, dont la mission est de manifester la présence agissante et aimante de Dieu au cœur de l'Eglise, de l'humanité et du monde.

Etre "sel de la terre", être "lumière du monde" : voilà désormais ce qui nous caractérise, voilà notre vocation de disciples-missionnaires.

Dans l'antiquité, le sel était une denrée très précieuse et donc très chère. Disciples de Jésus, nous sommes aussi une réalité très précieuse, irremplaçable, pour l'humanité. C'est un appel à découvrir ou redécouvrir la beauté de la mission qui nous est confiée, la grandeur du service auquel nous sommes appelés.

Nous connaissons tous les propriété de conservation du sel, même si nous ne l'utilisons plus pour cela depuis l'invention des congélateurs. En revanche, nous devons prendre en compte cette propriété en ce qui concerne notre vocation à être sel de la terre, sans doute pour sauvegarder la création dans l'intention qui est celle du Créateur, mais aussi pour conserver, au cœur de ce monde, la mémoire vive de notre Dieu, créateur et sauveur du monde. Dans nos sociétés où beaucoup vivent comme si Dieu n'existait pas, on doit craindre que l'homme aussi finisse par ne plus exister. Après la "mort de Dieu", c'est la mort de l'homme qui s'en suivra. En ce jour de souvenir de nos morts, victimes de la barbarie nazie, nous devons nous souvenir que cette idéologie abominable a vu le jour et s'est développée dans une Europe où beaucoup se croyaient forts parce qu'ils pensaient que les lumières de la raison humaine avaient enfin vaincu les forces de l'obscurantisme de la religion. "Dieu est mort" avait proclamé Nietzsche et, avec lui, les tenants de l'athéisme. Mais leur raison naturelle surévaluée ne leur avait pas permis de penser aux possibles victimes collatérales de cette mise à mort de Dieu. Ils étaient loin d'imaginer que la mort déclarée de Dieu entraînerait bientôt celle de l'homme lui-même. L'idéologie païenne nazie allait plonger l'Europe et le monde dans les ténèbres les plus obscures que n'ait jamais connu la longue histoire des hommes.

Aujourd'hui, au cœur des débats qui agitent nos sociétés occidentales dites modernes (la fin de vie, l'immigration, la bio-éthique, la crise économique comme conséquence de la spéculation financière, etc.), nous avons, comme disciples-missionnaires du Christ, à être "sel de la terre" et "lumière du monde", pour garder vive la mémoire de l'origine et de la destinée de notre terre, de notre humanité, de la dignité de toute personne humaine. Pour être sel et lumière, il faut beaucoup aimer, aimer sans compter et donc apprendre à devenir humbles et pauvres de cœur.

Si le sel accomplit sa fonction en se faisant oublier, si la lampe doit être mise sur le lampadaire pour mettre en valeur ce qu'elle éclaire – si donc nous sommes invités à la modestie et à l'humilité – cela n'est pas pour autant incompatible avec l'audace et le courage du témoignage : "Que votre lumière brille devant les hommes : alors, en voyant ce que vous faites de bien, ils rendront gloire à votre Père qui est au cieux". C'est bien notre manière de vivre, notre style de vie qui doivent témoigner de la bonté de Dieu, de sa justice et de sa miséricorde. A travers la vie des disciples-missionnaires, il faut que nos contemporains puissent découvrir Celui qui est la Source des Eaux vives, pour qu'ils puissent aller boire à cette Source du Salut. Notre humble mission, pourtant indispensable, est d'être les témoins d'une Lumière et d'un Amour dont nous ne sommes pas la source. Amen.

 

+ Francis Bestion

Evêque de Tulle

 

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